Ces démons blancs à plumes

"Tu crois que tu arriveras à la trouver un jour ?" lui demanda la petite fille en scrutant les flaques que la mer avait créé en se retirant. Elle était accroupit à fixer un trou d'eau avant de littéralement flotter à un autre pour répéter le même manège. L'adulte qui l'accompagnait avait froid rien qu'à la regarder aller nus pieds vêtue d'une simple robe en lin, elle qui avait sortie une longue veste en laine - customisée par ses soins - pour supporter le vent matinal sur la plage peu peuplée à cette heure.

"Si je ne cherche pas, je ne trouverai jamais" lui répondit Alessa en se frottant les bras dans un geste vain pour se réchauffer. "Très juste." La petite ne lui accorda même pas un regard. "Et toi Ida, tu cherches quelque chose ? Un trésor ??" Cette fois, elle lui rendit un grand sourire qui effaça la mine sérieuse que des siècles de non-existance lui avaient donné et lui rendit pendant un instant les traits d'une enfant. "Un bébé crabe ! Salvio m'a dit qu'il y en avait ici et j'ai jamais vu de crabes ! Tu crois que ça peut se dresser des crabes ? Pour un faire un élevage et en avoir pleiiiiin !" D'une enfant un peu trop enthousiaste. "Heu... mieux vaut les laisser à la mer, ils seront plus heureux que dans un aquarium ou un bassin" essaya de se sauver Alessa en voyant le plan foireux se dessiner dans les yeux glacés.

Ida haussa les épaules et lévita plus loin, là où la rousse ne pouvait la rejoindre sans risquer de gâcher complément ses chaussures. Boh, sa bouderie ne durera pas longtemps, elle ne s'en faisait pas. Alessa en profita donc pour respirer l'air marin et le sentiment d'être réellement seule quelques instants quand un bruit la figea : un battement d'ailes. Puis un cri bref et aigu. Et d'autres encore. Et encore.... et encore....

Le quatuor de mouettes à sa gauche la fixait d'un air sournois et menaçant (dixit Ales) et la jeune femme baissa lentement son regard sur sa veste parsemé des miettes de la tartine pain qu'elle avait achetée en guise de petit déjeuner. De quatre volatiles, le nombre doubla et la situation menaçait d'aller de mal en pis.

Elle les regarda à nouveau, tendue et rigide comme un pilotis. Les mouettes la dévisageaient en retour, claquant leurs becs.

Puis.... "AHHHHHHHHH !!!!!!" braya la pauvre hère en courant aussi vite qu'elle le put pour échapper à l'assaut mais les bêtes infernales furent rapidement sur elle, sans aucune pitié.

Noah avait toujours du mal à émerger le matin. C’était un grand sportif qui aimait se dépenser, mais réussir à se tirer de son lit était chaque jour un nouveau défi ! Heureusement que l’idée de jouer au basket ou d’aller bosser était suffisante pour l’en sortir ! Nul doute qu’il resterait bien confortablement installé sous sa couette sans ces deux grandes motivations !

Les yeux à demi-clos, Noah bailla à s’en décrocher la mâchoire une fois debout, se grattant nonchalamment le ventre en soulevant son t-shirt alors que ses pas lourds le portaient jusqu’à sa cuisine. La petite routine du matin commença alors : d’abord un copieux petit-déjeuner digne du grand sportif et ventre sur pattes qu’il était, puis une bonne douche bien revigorante pour se donner un coup de fouet et se préparer à affronter le reste de la journée ! Aujourd’hui, Noah était en repos, et il n’avait rien de prévu avant le début de l’après-midi, sortie lors de laquelle il retrouverait ses plus proches amis pour jouer au basket. Mais comme l’Américain était parfaitement incapable de rester en place une fois tiré de son lit et bien réveillé, il ne pouvait pas se contenter d’attendre ce fameux rendez-vous sportif en restant devant la télé, sur son canapé. Non, à la place, le brun préféra sortir et prendre un peu l’air ! Rien de tel qu’un bon footing matinal après tout !

Enfilant sa tenue de sport près du corps, la surmontant d’un short et d’un t-shirt, Noah mit ensuite ses baskets et vissa ses écouteurs dans ses oreilles. Ne prenant rien de plus avec lui, il se contenta de fourrer les clés de son appartement dans une de ses poches qui fermaient avec un zip avant de commencer à trottiner sur le trottoir qui longeait toute sa rue. Sa course le mena d’abord au niveau de la place centrale, avant qu’il ne prenne la direction de la plage. Courir sur le remblai avait quelque chose de vraiment revigorant, l’Américain appréciant tout particulièrement le fait de pouvoir inspirer l’air iodé de la mer, en plus de sentir la brise fouetter son visage à chaque foulée. Et puis, le paysage était vraiment merveilleux, même si le froid était toujours bien présent ! Du sable fin à perte de vue, l’océan qui s’échouait à un rythme presque millimétré sur la plage en petites vaguelettes, des mouettes et…

« Qu- ! »

C’était quoi ce spectacle étrange ? Des mouettes étaient en train de courser une tignasse rousse qui se voyait à des kilomètres, avant de carrément se mettre à faire des piqués sur elle ! Noah se stoppa net dans sa course et retira un de ses écouteurs, restant l’espace d’une seconde immobile face à cette vision qui semblait presque surréaliste. Ils tournaient un film en mémoire à Hitchcock ou bien ? Mais non, pas de caméras aux alentours, la jeune femme était seule sur la plage et elle semblait véritablement être victime d’une attaque ciblée de volatiles ! Ni une, ni deux, Noah sauta par-dessus le remblai et se précipita vers la demoiselle en détresse en faisant de grands mouvements avec ses bras, le tout agrémenté d’un cri qui se voulait menaçant pour les agresseurs.

« YAAAAAH ! Allez ! Tirez-vous les mouettes ! YAAAAAH ! »

Noah arriva rapidement au niveau de la rousse, continuant à gesticuler dans tous les sens et à crier pour faire fuir les volatiles, se mettant même à les pourchasser sur plusieurs mètres pour s’assurer qu’ils n’allaient pas revenir dès qu’il aurait le dos tourné. Puis, en voyant qu’ils étaient loin à présent, l’Américain soupira profondément de soulagement tout en reprenant doucement son souffle, les mains sur les hanches, avant de se souvenir de cette pauvre victime ! Aussitôt, il s’en approcha et afficha un air à la fois hyper sérieux et inquiet alors qu’il posait sa main sur l’épaule de l’inconnue.

« Tout va bien ? Waw, depuis le temps que je vis ici, c’est la première fois que je vois une attaque groupée de mouettes comme ça ! C’était vraiment impressionnant ! Vous leur avez fait quoi pour qu’elles s’acharnent comme ça ? Elles ne vous ont pas fait mal au moins ? J’suis pompier, alors si jamais ça ne va pas, dites-le-moi ! »

Bon, il n’était pas médecin, mais en tant que pompier, il savait quand même prodiguer les premiers secours et agir comme il le fallait pour gérer la plupart des cas !

Sauf que la jeune fille était en pleine attaque de panique, aussi pâle que ses colocataires, et totalement repliée sur elle-même. Les mouettes avaient pour la plupart filé à tir d'aile et seules les plus courageuses – ou stupides – faisaient face au grand brun venu les défier. Elle avait vaguement conscience qu'une personne à ses côtés lui parler mais pas au point de savoir si elle était vivante ou spectrale.

"Je… ils…. Ils sont partis ? Les oiseaux ?! Ils sont partis ??" reprenait-elle vie en abaissant ses bras. Un claquement de bec la replongea direct chef dans une peur totale. "No no no no !! Pitié non !! Laisse-moi tranquille !!"

Mais Alessa ne fuyait pas la brave âme venue à son secours mais la créature de l'enfer au plumage blanc et noir ! D'ailleurs, elle se précipita même dans les bras de son sauveur, agrippée comme une gamine terrorisée à sa veste (sans tilter qu'elle ne passait pas au travers, un bon point).

Mais c’est qu’elles étaient vraiment acharnées ces foutues mouettes ! Noah avait eu beau courir droit dans leur direction en criant et en agitant les bras dans tous les sens, certaines ne voulaient vraiment pas lâcher l’affaire et continuaient d’harceler la jeune femme à la tignasse rousse ! C’était dingue, qu’est-ce qu’elle avait fait pour s’attirer leurs foudres à la fin ?

« Sérieux, vous avez offensé le dieu des mouettes ou quoi ?! »

Noah grogna et continua à bouger vivement les bras pour chasser les plus obstinées. Et heureusement qu’il avait de bons réflexes, sinon l’inconnue qui venait de se jeter dans ses bras se serait certainement pris un coup de coude en plein visage !

L’Américain fut un peu surpris par ce rapprochement soudain, restant parfaitement immobile l’espace d’une seconde, mais il revint bien vite sur Terre en entendant une dernière mouette piailler juste au-dessus d’eux. Noah passa aussitôt un bras autour de la rouquine pour la serrer contre lui et la protéger au mieux.

« Alleeeez ! File, sinon j’te chope et j’te mange en barbecue ce soir ! »

Mais la mouette tenait bon et commençait même à pincer la tenue de sport de Noah qui resta complètement abasourdi devant tant d’acharnement.

« Bon, accrochez-vous ! Puisqu’elle ne veut pas lâcher l’affaire, on se casse ! »

Sans attendre davantage, Noah souleva l’inconnue et la porta comme une princesse, l’enserrant autant qu’il le put pour qu’elle soit le moins exposée possible à ce bec vengeur, puis il se mit à courir dans le sable en grognant. Ce n’était déjà pas hyper pratique de base, mais en plus en portant quelqu’un dans ses bras…

« Dites-moi quand on l’aura semée ! »

Parce que Noah ne pouvait pas ET se concentrer sur sa course incertaine dans le sable ET sur leur assaillante !

Sauf qu'elle ne le pouvait pas non plus. A vrai dire, Alessa avait à peine conscience d'être déplacée à vive allure, submergée comme elle l'était par la peur et les cris incessants des volatiles. Les démons ailés les rattrapaient dangereusement quand, soudainement, ils s'éparpillèrent tous azimuts dans une cacophonie paniquée.

"Vas-y Joséphine !!" lui parvint dans ce raffut de tous les diables - littéralement - les encouragements de la fillette. Ida lui était également venue en aide en ramenant Stan Dieu seul savait comment (en fait non, besoin scénaristique) leur chat fantomatique.

Les feulements d'outre-tombe la rassurèrent alors que la furie bleutée à quatre pattes s'en donnait à cœur joie parmi les mouettes. Il ne fallut pas longtemps pour que Joséphine recouvre la plage d'une nuée de plumes blanches...

"Je- Je crois que c'est bon" essaya-t-elle de prévenir son sauveur, encore sous le choc. Encore quelques minutes et la belle rougira à se confondre avec sa tignasse en percutant qu'elle était dans les bras d'un magnifique jeune homme... mais pour l'instant, laissons-la reprendre ses esprits.

Fort heureusement, Noah n’eut pas à courir bien longtemps dans le sable avant que l’inconnue ne lui lance, d’une voix peu assurée, qu’elle pensait qu’ils étaient à présent en sécurité. Manquant de trébucher dans un trou qu’un gamin avait sans doute creusé dans le sable pour faire les douves du château qui se trouvait juste à côté, l’Américain parvint à se rattraper de justesse sans faire tomber la princesse en détresse qui était dans ses bras. Se redressant, Noah daigna enfin la relâcher, déposant la demoiselle sur le sable, sans pour autant s’éloigner. Il la garda toujours près de lui, l’entourant de ses bras, alors que son regard azur scrutait les environs pour s’assurer qu’ils n’allaient pas se faire à niveau picorer par une mouette furieuse.

« Bon ! On dirait qu’elles ont lâché l’affaire ! J’ai bien cru que ma dernière heure avait sonnée, c’est la première fois qu’une mouette fait un piqué comme ça sur moi pour essayer de me bouffer, c’est carrément flippant en fait ! »

Et puisque tout danger semblait écarté, Noah fit un pas en arrière et ramena ses bras contre son corps, pour instaurer une petite distance entre lui et la proie des mouettes.

« Alors ? Est-ce que vous voulez me dire ce que vous avez bien pu faire pour les énerver comme ça ? Ça vous arrive souvent de vous faire attaquer ? Non parce que si c’est le cas, vous devriez peut-être songer à porter une armure ou à trouver un garde du corps pour les tenir éloignées ! M’enfin, tout va bien ? »

Quand la raison revint à la demoiselle, Alessa réajusta correctement sa veste d'un geste nerveux, replaça une mèche écarlate derrière son oreille, zieuta une plume blanche coincée entre les dents de Joséphine,.... bref, n'importe quoi qui pouvait faire passer sa gêne devant l'inconnu.

"Je... heu... et bien..." Bon début, n'était-il pas ? La pauvrette en rougissait de plus belle (nous mettrons cette bafouille sur le contre-coup de sa panique, histoire de sauver les apparences).

"M-merci beaucoup ! Et, uhm, non ce n'est pas la première fois mais au moins, vous... vous m'avez épargné d'un passage aux urgences" ria-t-il nerveusement, se lamentant de raconter sa vie sous le post-stress de l'attaque.

"Grâce à vous je vais bien et- oh grand Dieu !" s'alarma soudainement la rousse en posant sa main dans le cou du jeune homme. "Vous saignez ! Je suis tellement, tellement désolée !"

Seulement, sous cette nouvelle vague d'anxiété, Alessa ne remarqua nullement que le sang de son sauveur tenait plus de la sueur que de l'hémoglobine... mais qui transpirait rouge d'ailleurs ? Ou violet... ou vert...

"Pourquoi tes doigts sont bleus ?" intervint Ida toute guillerette avec cette élégance qu'ont les enfants de sauter à pieds joints sur les sujets à éviter avec une candeur désarmante.
".... bleus...?"
"Et je le trouve très mignon ton chevalier" continua le fantôme, cette fois bien consciente de la portée de ses paroles.

Nouveau visage rubicond de la belle dans trois.. deux... un...

Noah ne put retenir un profond soupir de soulagement quand la jeune femme lui assura que tout allait bien. Tant mieux ! Il aurait été vraiment embêté si cette pauvre inconnue avait été blessée malgré son intervention !

« Oh bah, me remerciez pas hein ! J’allais quand même pas vous laisser vous faire manger par ces mouettes en furie ! Content de savoir que vous allez bien mais… Ça vous est vraiment arrivé de devoir aller aux urgences à cause d’une attaque de mouettes ? »

Noah n’en revenait pas. Il savait bien que ces volatiles avaient parfois des comportements étranges, mais de là à agresser de la sorte quelqu’un qui n’avait rien demandé… C’était dingue !

Et alors qu’il allait reprendre la parole, Noah fut coupé dans son élan par la jeune femme qui collait sa main dans son sou. Hein ? Du sang ? L’Américain eut du mal à percuter, jusqu’à entendre le mot « bleu » passer les lèvres de l’inconnue.

« A-Ah, non, c’est rien, j’ai dû me griffer moi-même avant de vous aider, haha ! Oui, rien de grave ! »

Et merde ! Noah avait été tellement concentré sur le fait de venir en aide à cette jeune femme qu’il avait complètement oublié de contrôler son pouvoir ! Sous la panique, l’Américain avait lâché cette explication bancale et ce rire nerveux, s’empressant de se reculer d’un pas et de plaquer une main sur son cou pour le cacher à la vue de la demoiselle. Le brun s’empressa ensuite de contrôler son pouvoir, mais il avait comme dans l’idée que c’était déjà trop tard…

« Faut rincer vos mains, venez ! »

Noah paniquait vraiment beaucoup intérieurement. Il avait tellement honte de son pouvoir qu’il faisait toujours tout pour le cacher. Au final, parmi tous ses proches, très rares étaient ceux au courant de la nature de celui-ci. Tout le monde pensait qu’il était un humain tout à fait normal et ça lui allait très bien comme ça. Quelle poisse, sérieux ! L’Américain garda une main plaquée sur son cou et attrapa le poignet de la jeune femme de sa main libre, l’entraînant jusqu’au bord de l’eau pour l’aider à nettoyer sa main dans les vagues qui s’échouaient sur le sable. Pitié, faites qu’elle n’ait rien remarqué !

Les forces supérieures divines (aka les rôlistes) ne devaient pas être avec ce cher Noah car Alessa, sans pour autant faire le lien avec un quelconque pouvoir sorcier, constata que la manche de sa veste en laine - celle qu'elle avait porté au cou du garçon - n'était plus tellement blanche mais maculée de points multicolores.

"Mais..." tenta-t-elle alors qu'elle était entrainée vers le rivage, le fantôme à sa suite. "Ce n'est rien, votre blessure est plus préoccupante." Surtout qu'il était venu l'aider, c'était la moindre des choses qu'elle prenne soin de lui à son tour.

Les deux pieds léchés par les vagues, Alessa fit une petite moue devant l'eau, ne voulant pas contrarier le garçon. Coinçant le bas de sa veste pour ne pas la tremper, elle s'accroupit jusqu'à faire partir les couleurs sur ses doigts et essaya également de nettoyer sa veste tâchée de peinture, sûrement à cause des rénovations dans sa maison.

Sauf que... les petits points colorés n'étaient pas des gouttes de peinture séchées et s'imprégnaient dans les fibres de sa laine comme des teintures ou des encres. En rajoutant un peu d'eau de mer sur l'ourlet, les couleurs se diluèrent d'avantage.

"C'est trop joli !" se dit-elle pour elle-même, ses pensées déjà focalisées sur autre chose.
"C'est quoi ces couleurs ?" lui demanda Ida.
"Je ne sais pas d'où elles viennent mais j'aime beaucoup. Sur le blanc, en mélangeant les points et les délavés, on dirait un ciel ou une galaxie." Elle était partie, oubliant presque le jeune homme à côté d'elle.

Noah secoua vivement la tête à la négative quand la jeune femme parla de l’importance de sa blessure. Le pire, c’était que le contact de sa peau sur ce fameux endroit où il était censé s’être blessé n’était même pas douloureux, signe que cette teinte qu’avait prise la veste en laine de l’inconnue n’était pas due à du sang, mais à de la transpiration… C’était encore plus la honte ! Enfin bon, pour l’heure, l’Américain n’avait pas du tout envie d’expliquer à cette pauvre victime de mouettes folles furieuses qu’il avait malencontreusement tâché sa belle veste avec sa transpiration aux couleurs de l’arc-en-ciel… Sérieux, quel pouvoir de merde !

À la place, Noah préféra donc entraîner la jeune femme vers le bord de l’eau pour vite qu’elle lave tout ça, et pour que lui aussi se débarrasse des restes de sueur colorée qui subsistaient dans son cou. L’Américain retira rapidement ses chaussures pour ne pas risquer de les abîmer avec l’eau salée, puis il s’accroupit aux côtés de la rouquine en étant presque un peu trop recroquevillé sur lui-même. C’était assez facile de comprendre qu’il essayait de se cacher aux yeux de sa voisine pendant qu’il frottait sa peau avec ses mains trempées. L’Américain grommelait dans sa barbe inexistante, passant finalement sa manche sur son cou pour l’essuyer au mieux. Heureusement que sa tenue était noire !

Par contre, Noah ne put s’empêcher d’afficher un air surpris en tournant immédiatement ses yeux vers sa voisine quand elle se mit à parler toute seule en constatant les jolies couleurs que sa sueur formait à présent dans la laine humidifiée par l’eau de mer. L’Américain sentit la panique le gagner, avant qu’il ne soupire profondément, ses épaules s’affaissant au rythme de l’air qui s’échappait d’entre ses lèvres. La tête dans les genoux et les bras tendus vers l’avant, Noah se sentait franchement mal à l’aise. Il ne pouvait pas continuer à cacher la vérité maintenant…

« Je… Désolé pour ça, je ne voulais pas tâcher votre veste… Ne vous inquiétez pas, ça partira au lavage. »

Noah soupira à nouveau profondément et tourna une mine sincèrement désolée vers sa voisine.

« En fait c’est… C’est juste un peu de transpiration. Je suis désolé, j’étais en plein footing avant de vous venir en aide, j’ai pas pensé à essuyer tout ça avant de vous porter dans mes bras à cause l’urgence et hum… »

L’Américain avait beau être grand, carrément beau gosse et donner l’impression d’être hyper sûr de lui, voilà qu’il détournait les yeux avec un air gêné sur le visage, ses joues se teintant presque légèrement de rouge alors qu’il se frottait la nuque.

« C’est à cause de mon pouvoir, la couleur… »

Est-ce que ce n’était pas la première fois depuis trèèès longtemps qu’il avouait la nature de son pouvoir à quelqu’un ? Et il le faisait à une parfaite inconnue qui plus est !

Alessa revint à elle - ou plutôt à son sauveur - quand Ida la sortit de ses observations chromatiques d'un petit coup de coude pour prêter de nouveau attention à ce qui se tramait autour d'elle ; en occurrence, des aveux qui semblaient coûter au jeune homme.

"Ne vous en faîtes pas pour la veste, je la trouve mieux comme ça" essaya-t-elle de le rassurer. "C'est même dommage que ça parte, j'aimerais bien pouvoir reproduire cet effet avec des encres ou des perles..."

De la transpiration ? De quoi lui parlait-il maintenant ? Est-ce que... "Oh" fit-elle simplement alors que les informations s'alignaient dans ses pensées. "Votre pouvoir vous permet de faire de si jolies couleurs ? C'est merveilleux !" La belle sourit, sans saisir les conséquences d'un tel don au quotidien. "Ça m'aurait bien servit à une époque..."

"Hey !" s'offusqua l'enfant à côté d'eux. "Il ne te va pas ton pouvoir à toi ?? Tu nous aimes plus c'est ça ? Moi, Salvio, François et Jo-Joséphiiiiine ?" Même si elle ne pouvait réellement pleurer, Ida maîtrisait parfaitement la petite moue désespérée et le trémolo dans la voix annonciateur d'un grand chagrin.
La rousse en fut paniquée et se redressa pour faire un câlin à son amie de toujours. "Mais non Ida, ce n'est pas ce que t..."

Gros blanc.

Remise en route des systèmes dans 3... 2... 1....

"OH MON DIEU !! Vous êtes un sorcier !!" tilta Alessa en se retournant vers le brun, rayonnante de bonheur, Ida à son bras. Elle avait enfin rencontré un autre sorcier !
"T'en as mis du temps à comprendre..."

Euh… Est-ce que cette fille avait un problème ? Noah venait de lui avouer très difficilement que sa veste avait pris cette couleur étrange à cause de son pouvoir, et elle ne trouvait que ça à lui dire ? Pas de rires, de moqueries, de blagues qui pourraient blesser son petit égo ? Ce n’était pas normal… Elle ne se moquait pas de lui, comme avaient pu le faire toutes les personnes qui avaient découvert la nature de son pouvoir et, pour couronner le tout, elle lui disait même des paroles étrangement gentilles et réconfortantes ! Est-ce qu’elle jouait la comédie ? Est-ce qu’elle se retenait d’exploser de rire ? Est-ce qu’elle essayait de le manipuler ? L’Américain était à la fois soulagé, reconnaissant, mais aussi très méfiant. Il plissa les yeux et la fixa pour essayer de déceler toute expression de moquerie sur son visage, dans ses gestes ou le ton de sa voix, mais il ne vit rien. Cette inconnue semblait être vraiment sincère quand elle le complimentait sur les « jolies couleurs » créées par son pouvoir…

« Je… Je ne trouve pas ça merveilleux du tout personnellement. C’est un pouvoir inutile, très contraignant et surtout profondément ridicule. »

Noah grogna et se frotta la nuque, attrapant un petit caillou qui traînait près de lui pour le lancer dans la grande étendue d’eau salée. Il avait tellement honte de ce pouvoir depuis qu’il était gosse et ce sentiment ne faisait que croître à mesure qu’il prenait de l’âge. Sérieusement, un mec aussi canon que lui, un pompier aussi badass, voilà qu’il se traînait un pouvoir de licorne, c’était risible !

Mais ce qui suivit le sortit vivement de ses pensées, puisque la jeune femme à ses côtés se redressa d’un coup pour… Faire un câlin à du vent ? Noah ouvrit de grands yeux ronds et papillonna plusieurs fois des paupières en la fixant. Okay, c’était prouvé maintenant, cette fille n’était pas du tout NORMALE ! Elle ne s’était pas moquée ET elle faisait des trucs vraiment trop bizarres ! L’Américain n’était pas du genre à juger aussi facilement les gens, mais elle était quand même sacrément particulière !

Puis, une nouvelle fois, la jeune femme le surprit. Elle s’était soudainement exclamée avec un sourire radieux aux lèvres, tournant un regard plein d’étoiles vers Noah après s’être rendu compte qu’il était un sorcier. La surprise et l’incompréhension étaient totales pour le pauvre pompier qui mit quelques secondes à répondre.

« Euh… Oui ? Enfin, si tant est qu’on puisse vraiment me qualifier de sorcier avec un pouvoir aussi ridicule, inutile et, surtout, que j’arrive tout juste à contrôler… On est bien loin de ceux qui peuvent voler, se téléporter ou même lire dans les pensées. »

Noah soupira profondément et finit par poser ses fesses dans le sable.

« Pourquoi ça vous réjouit autant de savoir que j’en suis un ? Et euh… C’est qui ou quoi Ida ? »

Parce que Noah avait quand même bien remarqué que la jeune femme semblait dans la lune et parler à quelqu’un ou quelque chose qu’il ne pouvait pas voir. Peut-être que c’était un fantôme, un ami imaginaire ou alors la jeune femme parlait tout simplement à une autre voix dans sa tête ? Ou alors, elle était juste vraiment TRÈS étrange, c’était possible aussi !

"Il n'y a rien de ridicule ! Qu'est-ce qui vous fait croire une chose pareille ?" s'inquiéta la rousse.
"Peut-être des gens qui se moquent des arts, ça existe tu sais" sourit la fillette à son bras. "Mais moi j'aime bien, mon monde manque de couleurs."

Le regard lointain de la petite esprit lui rappela combien Ida avait souffert de la solitude avant de la rencontrer, sa mort remontant à tant de siècles qu'elle avait pratiquement tout oublié de sa vie, ses parents, ses amis... si tant qu'elle avait.

"Je pense que.... aucun pouvoir est inutile. J'ai mis longtemps à accepter le mien, à me dire qu'il fait parti de moi et que je n'avais pas à le cacher."
"Uhm uhm !"
"D'accord, à ne pas trop le cacher, ça te va mieux ?" corriga-t-elle pour son amie avec un léger rire.

Alessa s'assit également dans le sable à côté du garçon, tant pis pour sa veste, le fantôme à moitié contre elle. Le touché du spectre pourtant glacé ne la gela pas, le vent et l'habitude devaient y jouer pour beaucoup.

"Ida c'est, ou c'était, une enfant adorable" reprit-elle d'une voix douce, comme bordant ladite enfant. "Elle est née il y a longtemps quelque part en Italie, une fille de paysans sûrement, elle ne s'en rappelle pas. Mais plus que tout, c'est mon amie d'enfance, la meilleure qui soit et... oui, un peu ma protectrice."

Cette fois, elle ne put retenir le frisson alors que les bras pâles s'enroulaient autour d'elle pour un câlin.

"Merci Lessa ! Et lui aussi, je veux dire merci !" s'accrocha encore plus Ida.
"Heu... elle veut vous remercier."

La revoilà à jouer les médiums mais allait-il la croire ? Quelque part, elle le souhaitait vraiment.

"Elle est juste là, sur mes genoux si vous... et bien... si vous voulez lui parler."

La petite fixait désormais le jeune homme de ses grands yeux bleus.

Noah n’avait pu s’empêcher de soupirer doucement en entendant sa voisine lui assurer que son pouvoir n’avait rien de ridicule ou d’inutile. Elle était bien naïve à dire de telles choses… Elle ne devait vraiment rien comprendre à toutes les moqueries qu’il avait subies pendant son enfance, quand il n’arrivait pas à maîtriser son pouvoir comme maintenant. L’Américain ouvrit la bouche pour s’apprêter à lui expliquer que le monde dans lequel ils vivaient n’avait rien d’un monde de Bisounours, mais il fut stoppé dans son élan par deux informations : sa voisine était elle aussi une sorcière d’après ses dires et elle continuait par moments à parler sans visiblement s’adresser à lui. Noah plissa les yeux alors qu’il tournait son visage vers elle, faisant ensuite glisser son regard azur alentours pour essayer de comprendre à qui elle pouvait bien parler.

Puis, avec les informations qui suivirent, l’Américain commença à assembler doucement les différentes pièces du puzzle. Ce pouvoir qu’elle avait mis du temps à accepter et qu’elle s’était évertuée à cacher…

« Attendez… Vous êtes en train de me dire que vous pouvez voir et communiquer avec les esprits ? C’est ça ? »

Noah, toujours assis sur le sable, s’était légèrement redressé et fixait la jeune femme avec un air totalement différent de celui assez triste et grave qu’il avait affiché quelques instants auparavant.

« Alors c’est avec elle que vous parlez depuis tout à l’heure ? C’est carrément cool comme pouvoir ! Bon, ça doit aussi être un peu flippant quand on y pense… Comment ça fonctionne ? Vous pouvez voir absolument tous les esprits ou seulement quelques-uns ? »

La curiosité de Noah avait été piquée à vif par cette révélation, un sourire chaleureux étirant de nouveau ses lèvres. Alors oui, il trouvait toujours que son pouvoir était pourri et inutile, mais cette rencontre avec un autre sorcier qui disposait d’un pouvoir aussi génial lui avait fait oublier tout le reste. Il se tourna même complètement vers la jeune femme et plissa les yeux, essayant de fixer sous différents angles l’espace vide au-dessus des genoux de sa voisine, là où était censée se trouver cette fameuse Ida.

« Euh, du coup… Salut Ida ! Ravi de faire ta connaissance ! Mais pourquoi tu me remercies au juste ? »

C’était vrai ça, il n’avait pourtant rien fait à part se morfondre depuis quelques minutes !

Le regard azur de Noah glissa ensuite jusqu’à ses mains, qui étaient pleines de sable. Il les frotta brièvement et tendit l’une d’entre elles plus ou moins vers l’endroit où se trouvait l’esprit.

« Ah au fait, moi c’est Noah ! Euh… Je ne sais pas exactement où tu es ni si c’est possible de se toucher mais hum… Poignée de main ? »

Ah tu vois que c'est cool ! Même lui le dit !"

Sur le papier oui, son pouvoir paraissait génial mais dans les fait, son quotidien en était tout autrement. Au moins la mélancolie avait quitté les traits du garçon et Alessa le trouvait bien plus sexy charmant comme ça (et une chance que Salvio n'était pas là, il aurait deviné ses pensées d'une manière ou d'une autre).

"Et bien... pour faire simple, je peux voir et entendre les esprits aussi nettement que les vivants, sauf qu'ils sont bleus et transparents. Avec le temps, j'ai appris à limiter le champ d'action de mon pouvoir et..." Elle baissa la tête, honteuse. "A une époque je l'avais même réduit au point de vouloir le faire disparaître au risque d'y laisser ma santé et ma scolarité. Ma famille ne l'accepte pas, ils en ont peur et parler des morts est un tabou chez moi."

La rousse berçait toujours l'enfant glacée contre elle, protégée de son pull, et adressait un sourire timide à l'autre sorcier.

"C'est un peu déprimant parfois de vivre entourée de personnes décédée et d'être la seule à pouvoir communiquer avec eux. Je ne parle pas de mon pouvoir aux vivants, pour ne pas effrayer, mais je passe du coup pour une cinglée qui parle seule la moitié du temps. Du coup... je n'ai pas vraiment d'amis."
"Sauf nous !"
"Sauf mes colocataires fantômes, oui. J'habite la "maison hantée" vers les champs d'agrumes."

Quand il s'adressa à la petite, cette dernière se positionna bien droite sur les genoux d'Alessa. La main tendue était trop proche d'elle, effleurant ses cheveux, et elle dût se tortiller pour l'attraper.

"Pour les mouettes j'imagine" répondit-elle laconiquement en craignant la suite des événements. (Où était passée Joséphine d'ailleurs ?)

La prise, pour qui n'est pas habitué à rentrer en contact physiquement avec un esprit, devait lui donner l'impression de jeter sa main dans un seau de glace pillée. Ida arrivait à bouger quelques objets de taille modeste – et inertes ! –mais tira tout de même un peu pour qu'il sente une légère traction.

Noah ouvrit de grands yeux ronds à la révélation de la jeune femme, posant instinctivement une main protectrice sur son épaule.

« Sérieux ?! Mais pourquoi t’as fait ça ? C’est hyper dangereux ! J’veux dire… Tes parents t’aiment, non ? Alors pouvoir ou pas pouvoir, ça change rien, même s’ils aiment pas les esprits ! C’est pas comme si tu l’avais choisi ton pouvoir en plus ! Rassure-moi… Tu fais plus jamais ça maintenant, hein ? »

Ah ? Le vouvoiement était visiblement passé à la trappe à cause de l’inquiétude que les mots de la jeune femme avaient fait naître en lui. Enfin… Il se permettait de faire la leçon à une parfaite inconnue alors qu’il était dans le même cas qu’elle… C’était presque un peu hypocrite pour le coup, mais Noah était sincèrement inquiet pour son interlocutrice ! Il afficha d’ailleurs une petite moue à la suite de son discours.

« Déprimant ? Je m’avance peut-être un peu, mais ça doit au contraire être super enrichissant d’être entouré d’autant de personnalités différentes, non ? J’veux dire, tous ces esprits doivent avoir des trucs à raconter et à partager, j’trouve ça génial moi ! Bon, par contre, j’avoue qu’être la seule à les voir, ça doit être un peu pesant… Mais franchement, si t’as déjà parlé de ton pouvoir à des gens et qu’ils sont pas restés près de toi parce qu’ils trouvaient ça flippant, bah ils ont rien compris. Et ils méritaient certainement pas que tu leur accordes de ton temps, c’est tout. C’est pas toi le souci, ni ton pouvoir, ces gens étaient juste complètement idiots. »

Là encore, Noah parlait de choses qu’il n’appliquait même pas à lui-même, mais il voulait vraiment faire comprendre à cette jeune femme qu’elle n’avait pas à se cacher, qu’elle était parfaite telle qu’elle était !

Quoi qu’il en soit, maintenant que l’Américain était au courant de la présence d’un esprit à proximité, il voulut se présenter en bonne et due forme en lui tendant la main. Il ne voyait rien et plissait les yeux à la recherche de la moindre perturbation, mais la seule chose qu’il sentit fut cette foudroyante sensation glacée au niveau de sa main. Ne s’étant pas du tout attendu à ça, Noah sursauta et retira brusquement sa main qu’il avait bien senti se faire légèrement tirer.

« Wow ! Désolé ! J’m’attendais pas du tout à ce que ça fasse ça ! Désolé Ida, j’étais pas prêt, mais c’est bon maintenant, on peut recommencer ! »

Noah afficha un air ultra déterminé et tendit une nouvelle fois sa main, à peu près au même endroit. Cette fois, il ne reculerait pas ! Et d’ailleurs, maintenant qu’il y repensait…

« Au fait, je crois pas m’être présenté... J’m’appelle Noah ! Et tu vois, j’suis au courant pour ton pouvoir et j’suis toujours là. Alors si tu n’as pas trop d’amis dans le coin, à part tes colocataires qui doivent être charmants, je serais ravi de passer un peu de temps avec toi. Tu pourras être toi-même sans aucun souci, je te promets que je m’enfuirai pas ! »

Noah lui offrit un grand sourire et attendit qu’Ida lui serre de nouveau la main, cette fois préparé à ne pas reculer. Il s’avançait peut-être un peu trop en lui proposant de devenir amis alors qu’ils ne se connaissaient pas, mais il avait comme dans l’idée qu’ils pourraient vraiment bien s’entendre. Après tout, elle avait accepté elle aussi son pouvoir sans se moquer… C’était tellement rare qu’il serait triste de ne pas pouvoir la garder dans son entourage cette jolie rousse !

La chaleur de la paume de Noah sur son épaule était... inhabituelle pour elle qui ne fréquentait que des spectres. Plus encore que la présence de sa famille, celle du garçon était vraiment réconfortante et chaleureuse et réconfortante alors qu'ils se connaissaient à peine.

"Mes parents sont très religieux et, ce n'est pas vraiment qu'ils ont peur des fantômes ou qu'ils ne m'aiment pas, mais c'est... ils pensent que les morts sont affaires des prêtres et de Dieu, pas de leur petite fille. Et puis ce n'est pas comme si je voulais déranger leur repos, c'est eux qui viennent à moi généralement ; ils doivent le ressentir, que je puisse communiquer avec eux."

D'ailleurs.... comment les esprits la percevaient-ils pour le savoir ? Était-elle comme ces médiums dans les films avec aura qui attiraient les fantômes et l'affichaient avec un gros "PSY POUR ESPRITS DÉPRIMÉS" lumineux au-dessus de sa tête ? Elle devra demander aux autres en rentrant.

"François m'aide beaucoup, c'est vrai. C'est un Français décédé en 1800 à Rome, on s'est rencontré pendant mes études de design graphique et il a un sens de la mode qui m'a énormément aidé. Salvio est plus..."

Ida eut un léger rire. Son grand frère était vraiment illuminé quand il s'y mettait.

"Disons qu'il vaudrait mieux que tu le rencontres pour te faire une idée. Enfin, que... oui tu ne le verras pas mais je pourrais faire le lien entre vous et... ooooooooh !" se prit-elle la tête. "C'est la première fois que je rencontre quelqu'un qui n'a pas peur de mes amis, je ne sais pas comment faire du coup !"

Preuve en était la poignée de main glacée entre Ida et Noah. La petite n'en fut pas surprise quand il sursauta, Alessa plus, et ria de nouveau. "Il est rigolo ! Oui on refait !!"

Le deuxième essais fut plus concluant, la petite fille n'attrapa que son doigt pour éviter de le paralyser de nouveau.

"Je te remercie beaucoup Noah..." sourit la rousse. "Ida et moi avons en effet peu d'amis, pour ne pas dire pas en dehors de nous deux, Salvio et François."
"Et y'a le chat aussi ! J'aime beaucoup notre chat !"
"Et Joséphine, la chattoune qui t'a aidé à chasser les mouettes tout à l'heure. Et je m'appelle Alessa, enchantée."

Elle n'avait pas les mots pour lui dire à quelques points ses paroles la touchaient.

Noah écouta attentivement les explications de la jeune femme concernant ses parents, ne pouvant retenir un profond soupir de passer ses lèvres alors que sa main venait frotter sa nuque. C’était délicat, c’était vrai, mais quand même… Comme l’avait dit la rouquine, ce n’était pas elle qui cherchait à être en contact avec ces fantômes, c’étaient eux qui l’approchaient ! Alors agir comme ça avec leur fille, même s’ils étaient croyants, l’Américain ne pouvait vraiment pas l’accepter. Il préféra ne pas rebondir sur ce sujet, se mettant plutôt à rire devant la réaction de sa voisine quand elle sembla soudainement paniquée de se retrouver devant une situation qui lui était parfaitement inconnue à cause de Noah.

« Waw, je pensais vraiment pas que je serais ta première fois pour cette chose en particulier ! J’me sens à la fois flatté d’être comme un élu, mais j’me sens aussi triste d’apprendre que t’as pas eu l’occasion de profiter de moments comme ça avant aujourd’hui… En tout cas, t’as pas à t’inquiéter ! Continue juste à agir sans réfléchir à si tu fais bien ou mal, je suis sûr que ce sera parfait comme ça ! »

Noah lui offrit un grand sourire et se promit même de faire rencontrer d’autres personnes à la pauvre jeune femme qui devait, malgré ses amis ectoplasmes, se sentir bien seule.

Quoi qu’il en soit, pour prouver sa bonne foi et sa volonté d’accepter la demoiselle telle qu’elle était, elle et ses fantômes, Noah se risqua à faire une poignée de main avec l’un d’eux, un grand frisson parcourant son échine alors que l’esprit avait visiblement attrapé son index plutôt que toute sa main pour ce deuxième essai. L’Américain ne sourcilla pas cette-fois-ci, se contentant de garder son sourire radieux sur les lèvres, avant que celui ne se fasse plus doux quand Alessa se présenta enfin.

« Eh bien Alessa, tu peux désormais considérer que toi, Ida, Salvio, François et Joséphine, avaient dès à présent un nouvel ami ! Je serais vraiment ravi de pouvoir apprendre à tous vous connaître ! Et puis, comme ça, je te servirai un peu de crash test pour que tu puisses t’habituer à parler avec des gens qui ne te rejettent pas, parce que je suis sûr que tu en trouveras tout plein d’autres ! »

Noah se redressa alors, tapotant un peu son short au niveau de ses fesses pour en chasser les grains de sable qui s’y étaient collés, puis il tendit sa main à Alessa.

« Au fait, est-ce que tu faisais quelque chose en particulier avant de te faire attaquer par ces mouettes en furie ? Je n’ai rien de prévu et je peux reporter la fin de mon footing à plus tard. Alors si jamais t’as encore besoin d’un garde du corps anti-mouettes, ou simplement d’un ami, je peux rester avec toi et Ida. Et Joséphine aussi ! Est-ce qu’elle mange des poissons ou de la pâtée d’ailleurs ? »

Si Alessa avait encore des doutes sur la sincérité de Noah, l’Américain était clairement en train de lui prouver qu’il l’acceptait telle qu’elle était et qu’il s’intéressait réellement à elle et ses amis invisibles !

Une rougeur lui monta aux joues, qui ne devait pas avoir grand chose avec le froid ou le vent marin. Noah était vraiment adorable et... oui, terriblement mignon.

Et galant.

Elle accepta la main tendue et se redressa, obligeant Ida à descendre de ses genoux. La fillette flottait désormais autour d'eux, les yeux plissés et un petit sourire en coin annonciateur d'une mauvaise idée en cours.

"Tu sais, Joséphine n'a pas besoin de manger" eut-elle un léger rire. "Mais elle chasse toujours, pour le plaisir, de vrais animaux ou d'autres spectres. Sinon elle reste un chat qui aime les câlins et les bains de soleil, les poils partout en moins. C'est plutôt pratique quand j'y pense..."

Pas de ménage supplémentaire, pas de litière à changer ou de boîtes à acheter... Joséphine se moquait pas mal des jouets qu'elle lui avait offert, préférant les restes de rubans dans son atelier. Effectivement, il y avait des avantages à avoir un animal fantôme (si on aimait se trimballer avec des plaids épais sur les genoux pour éviter le froid spectral).

Alessa fut soudainement gênée par une autre question, ne voulait pas réellement casser la bonne ambiance qui s'installait entre eux. "Et bien... je cherchais ma grand-mère. Son esprit du moins, elle vivait dans une maison au bord de la mer ici."

Lui rappeler sa Nonna lui causait toujours une grande tristesse et la rouquine ne savait toujours pas pourquoi elle n'arrivait pas à la retrouver. Ne voulait-elle pas entrer en contact avec elle ? Son âme avait-elle rejoint le Paradis ? Cette incertitude la rongeait alors elle cherchait, encore et toujours à chacun de ses passages sur la plage.

"Mais Ida voulait adopter des bébés crabes !" changea-t-elle brusquement de sujet pour ne pas afficher sa mélancolie. "Voudrais-tu prendre un café ? Tu as dû te refroidir par ma faute comme tu ne cours plus et tes vêtements semblent...."

Coup d’œil aux-dits vêtements... et la couturière qu'elle était ne pu s'empêcher de se demander quel textile avait était employé pour épouser si parfaitement les formes toniques de Noah tout en restant relativement amples.

"Tu bugues Ales" la ramena la petite, toujours aussi moqueuse.

Sauf qu'elle ne savait plus du tout ce qu'elle était en train de dire !

"Supplex ?" fut tout ce qui lui passa par la tête (avant qu'elle ne ferme les yeux et se traite mentalement d'idiote).

Une fois debout, Noah ne put s’empêcher de pouffer en entendant Alessa vanter les mérites d’avoir un chat fantôme à la maison plutôt qu’un chat bien vivant.

« C’est vrai que c’est plutôt pratique ! C’est un chat avec tous les inconvénients en moins ! Surtout que si elle ne mange pas, ça fait des économies aussi au niveau des croquettes ou des friandises ! Mais du coup, je me demandais… Est-ce que la sensation avec Joséphine est la même que quand tu m’as serré la main Ida ? »

L’Américain détacha son regard d’Alessa pour essayer de le poser sur la fillette fantomatique, mais puisqu’il ne pouvait pas la voir… Ce fut un bel échec, ses yeux fixant un point bien loin de la principale concernée. Mais même si elle lui était invisible, il était tout bonnement hors de question pour Noah de parler d’elle avec Alessa comme si elle n’était pas là !

Quoi qu’il en soit, Noah se rendit vite compte que sa question avait peut-être été un poil indiscrète et qu’en plus, elle ne semblait pas amener une réponse des plus agréables. Alessa avait donc perdu sa grand-mère et cherchait à communiquer avec elle. L’Américain se sentit profondément désolée pour sa voisine, une petite moue tordant ses lèvres alors que la demoiselle changeait habilement de sujet pour revenir à quelque chose d’un peu moins triste. Noah aurait bien voulu en savoir plus sur cette mamie qu’elle avait perdue, peut-être même qu’il aurait pu l’aider ! Mais comme Alessa semblait vouloir éviter le sujet, le pompier préféra garder ses questions dans un coin de sa tête pour retrouver lui aussi un grand sourire. Elle lui proposait un café, c’était carrément cool ! Par contre… Pourquoi ne finissait-elle pas sa phrase ? L’Américain la fixa sans comprendre, jusqu’à afficher un air surpris quand le mot de la fin passa les lèvres d’Alessa. Il resta interdit quelques secondes avant de se mettre à rire franchement.

« Suplex ? Attends… Tu veux me faire une prise de catch pour essayer de me réchauffer, c’est ça ? Je ne sais pas si c’est une technique très efficace, alors, si ça ne te dérange pas, j’opte pour le café en premier lieu ! On verra après une bonne boisson chaude s’il y a besoin de prises de catch pour que je sois parfaitement réchauffé ! Même si, à choisir, je préfèrerais quand même un câlin ! »

Noah continua à rire en imaginant Alessa lui faire un suplex, ne se doutant pas une seule seconde que ce même mot, orthographié différemment était en réalité la matière avec laquelle sa tenue de sport était faite !

« Ah mais attends ! Vous n’avez pas trouvé de bébés crabes à adopter à cause des mouettes du coup ! Ce n’est pas grave ? Tu n’es pas trop déçue Ida ? Non, parce que là, ça risque d’être compliqué d’en trouver avec tout le bruit et l’agitation qu’on a faits… On reviendra une prochaine fois ensemble pour en attraper, ça vous va ? Oh et puis, pour le café, est-ce que tu préfères qu’on aille justement dans un café ? Sinon je n’habite pas très loin d’ici si tu préfères ! »

Et puis, avec cette option, Noah pourrait prendre le temps de se changer pour passer une tenue un peu plus appropriée étant donné que la poursuite de son footing semblait plus que compromise !

Il y eut plusieurs informations à traiter et bien qu'il n'était pas le fort d'Alessa de retrouver un fil conducteur (l'auteur assume son jeu de mot pour une couturière) dans ses multiples actions immédiates, un temps était nécessaire pour toutes les traiter :

1. Noah avait une question sur la chattoune. Facile.

"Joséphine est aussi glacée qu'Ida" répondit-elle à la place de la fillette heureuse qu'il lui ait tout de même posé la question directement. "Juste... c'est étrange à décrire mais plus éthéré, comme si elle semblait plus vaporeuse. Ce doit venir de sa fourrure, je n'y avais jamais réfléchi avant."

2. Une prise de catch ?
3. Pour se réchauffer ??
(3 bis. Le café.)
4. Il préférait un câlin ???

Le tiercé gagnant lui fit tourner la tête. Il était évidant que la pauvrette ignorait le nom de cette prise qui, et bien, ressemblait effectivement à un câlin au premier abord. Ida n'en savait pas plus mais la confusion de sa grande sœur suffit pour la faire partir dans un grand éclat de rire.

"Je veux b-bien aussi un câlin... un CAFÉ ! Je voulais dire un café !" rougit-elle autant qu'il en était encore possible, l'esprit plus hilare que jamais.

5. Noah proposait une pêche aux bébés crabes une prochaine fois...

.... ce qui voulait dire qu'il voulait la revoir ?!! Ainsi, il souhaitait réellement devenir son ami ? Cette perspective lui fit chaud au cœur.

6. Il l'invitait chez lui.

Cette dernière info fit planter toutes les autres, ce qui en compila une synthèse étrange dans son cerveau (du genre "prendre un câlin au café en supplex chez lui pour se réchauffer" avec le mot "catch" qui flottait un peu autour, incertain où il devrait s’insérer).

"DIT OUI !!" lui cria soudainement Ida, la faisant court-circuiter pour de bon.
"Oui !" répondit-elle machinalement en sursautant à moitié.

Noah écouta attentivement les explications d’Alessa concernant la différence de sensation au toucher entre Ida et Joséphine, fronçant presque les sourcils tant il essayait d’imaginer le tout et de comprendre pourquoi cette différence existait. Le pire, c’était que l’Américain ne posait pas toutes ces questions simplement pour être sympa et faire la conversation ! Non, il s’intéressait réellement à tout ça ! Le basketteur avait d’ailleurs toujours été comme ça, très curieux dès tout petit sur le monde qui l’entourait, s’intéressant à tout comme s’il cherchait à tout connaître. Dommage que cette soif de savoir ne l’ait pas maintenu sur les bancs de l’école ! Car apprendre de nouvelles choses, oui, mais rester les fesses vissées sur une chaise pour ça, très peu pour lui !

Quoi qu’il en soit, un rire franc passa les lèvres de Noah quand le visage d’Alessa prit une teinte qui se rapprocha dangereusement de la couleur de ses cheveux lorsqu’elle essaya de se rattraper. Et l’Américain eut ensuite beaucoup de mal à se calmer quand la jeune femme lui lâcha soudainement un grand « oui » en sursautant presque.

« Attends… Tu me dis « oui » pour quoi au juste ? Pour la prise de catch ? Le câlin ? Pour une prochaine pêche aux crabes ? Pour le café dans un café ? Pour le café chez moi ? Ou pour absolument tout ? Je vais avoir besoin d’un peu plus d’informations là ! »

Noah pouffa, se détaillant brièvement du regard pour voir s’il n’était pas trop transpirant ni trop sale. Bon, ça ne serait pas un câlin offert dans les meilleures conditions, parce qu’il avait quand même besoin d’une bonne douche, mais tant pis !

« Dans le doute… »

L’Américain accéléra juste un peu le pas pour se placer devant Alessa et, sans autre forme de procès, ouvrit les bras pour les passer autour du corps de la jeune femme. Un câlin tout tendre malgré ses bras pourtant puissants qui maintenaient bien la sorcière contre lui.

« Voilà, on a coché la case « câlin » ! On a plus qu’à s’attaquer au reste ! Enfin… Je continue à dire que je préfèrerais quand même éviter la prise de catch, mais si tu y tiens vraiment… »

Noah se recula un peu à regret, parce qu’il adorait les câlins, puis il ferma les yeux et grimaça, comme s’il se préparait à recevoir un châtiment douloureux.

« Vas-y, je suis prêt ! »