Un Boréas, et ça repart ! |PV Boréas|

Aujourd’hui, Aaron ne travaillait pas. Il en avait profité pour faire la grasse matinée, non pas parce qu’il avait envie de dormir longtemps, mais bien parce qu’il voulait pouvoir sauter facilement un repas en ne se levant pas avant midi. Le chaton savait que ce n’était pas une bonne chose à faire, mais si ça pouvait lui permettre de faire quelques économies, il n’allait certainement pas s’en priver ! Après tout, son nouvel objectif de vie était de pouvoir s’acheter une machine à laver pour pouvoir faire directement sa lessive chez lui sans avoir à se rendre dans une laverie ! C’était son rêve le plus cher actuellement, cet achat passant même avant celui d’une table, de chaises et… d’un lit ! Tant pis, ça lui allait très bien de dormir sur un matelas à même le sol, il avait connu bien pire après tout !

Quoi qu’il en soit, après un réveil tardif, le chaton grignota quelques petits gâteaux pour son premier repas de la journée, puis il se doucha et s’habilla. Aujourd’hui, puisqu’il était en repos, il avait prévu de sortir ! Après tout, s’il voulait réussir à se constituer un petit réseau à Banchisa, se faire des amis et peut-être même trouver l’âme-sœur, ce n’était certainement pas en restant chez lui qu’il pourrait y arriver ! Le programme du jour était donc simple : se rendre au parc de la place centrale, s’assoir sur un banc et regarder les gens ! Bon, ce n’était sans doute pas la meilleure technique pour se faire des amis, mais, de cette façon, il pourrait réussir à faire du repérage et voir sur quelles personnes il jetterait ensuite son dévolu. C’est que, au fond, le chaton était quelqu’un de timide !

Ce fut donc avec un sourire aux lèvres qu’Aaron se rendit jusqu’à ce fameux parc, posant ses fesses sur… une sublime crotte d’oiseau bien fraîche sans qu’il ne le remarque. Le pire, ce fut qu’il gigota beaucoup une fois assis dessus, le temps de réussir à trouver la position parfaite dans laquelle il pourrait rester pendant quelques heures, le temps de son observation. Autant dire que la manœuvre avait eu pour seul effet de bien étaler toute la crotte d’oiseau sur l’intégralité de ses fesses ! Mais qu’importe, pour l’heure, le chaton observait et OH ! Quelle beauté ! Ses yeux s’illuminèrent aussitôt alors que son cœur loupait un battement quand il vit un joggeur torse-nu passer devant lui. La peau mate, les cheveux sombres, les yeux clairs, une musculature à s’en damner… Aaron s’était levé instinctivement, joignant ses mains devant son torse alors qu’il le suivait du regard tel la pire groupie d’un groupe de K-pop à la renommée mondiale. Il fit même un pas dans sa direction, prêt à se mettre à lui courir après, mais, soudainement, une douleur lui assaillit la tête et des gouttes d’eau commencèrent à tomber. Le joggeur, qui s’était arrêté près d’un arbre pour faire quelques étirements, prit alors la fuite après avoir remis son t-shirt, sous le regard profondément triste et déçu d’Aaron qui sentit ses épaules s’affaisser alors que la pluie s’abattait avec force sur lui, le trempant de la tête aux pieds en quelques secondes.

Bon bah… Ce n’était pas avec un temps comme ça que le parc se remplirait alors… Il n’avait plus qu’à partir. Traînant les pieds, Aaron passa son temps à soupirer profondément pendant sa marche, le regard baissé sur ses chaussures. Et forcément, à ne pas regarder devant lui, il se prit de plein fouet un lampadaire. Étouffant un gémissement de surprise et de douleur, les larmes aux yeux, Aaron s’empressa de porter les mains à son nez pour tenter d’estomper un peu le choc. Tentative vaine, bien évidemment, surtout que le chaton y avait été tellement de bon cœur que son nez, en plus d’être rouge pivoine, s’était mis à saigner légèrement. Chouinant en constatant qu’aujourd’hui encore, son karma ne semblait pas vouloir l’épargner, Aaron se dit que la seule chose à faire était de rentrer chez lui. Trempé et la tête penchée en arrière pour essayer de couper son saignement de nez, le chaton reprit sa marche, poursuivant la malchance en posant le pied dans une crotte de chien bien odorante, puis en renversant malgré lui une poubelle qu’il dut remettre en place avant de ramasser tous les déchets qui s’étaient déversés. Il avait envie de pleurer… Il était trempé, il saignait et il puait le poisson pourri en plus de la crotte de chien !

Aaron tourna ensuite dans une petite ruelle, reniflant bruyamment avant de chouiner parce qu’il avait reniflé du sang, puis il se stoppa net. Papillonnant des paupières, le chaton leva la tête et constata que les nuages noirs et pleins de pluie s’étaient soudainement évanouis, laissant la place à un beau ciel bleu et à un soleil qui réchauffa son corps trempé et meurtri.

« Oh ! Quelle chance ! Il s’est arrêté de pleuvoir ! Je vais pouvoir sécher un peu sur le chemin du retour ! »

Il ne fallait pas grand-chose pour ravir le chaton, qui retrouva immédiatement le sourire après s’être essuyé le nez avec le bout de sa manche. Aussitôt, sa démarche changea : il était moins recroquevillé sur lui-même, il marchait bien droit et d’un pas plus léger, prêt à se mettre à chantonner ! Et ce ne fut pas tout ! Alors qu’il avançait dans cette ruelle, quelque chose lui tomba en plein sur le visage. Grognant et s’empressant de retirer ce truc, imaginant déjà un emballage d’hamburger plein de sauce, quelle ne fut pas sa surprise de découvrir qu’il s’agissait en réalité d’un billet de 5 € ! Ce n’était pas grand-chose pour le commun des mortels, mais c’était tout bonnement incroyable pour quelqu’un d’aussi poissard qu’Aaron ! Fixant le billet entre ses mains avec des yeux pleins d’étoiles, le chaton s’empressa ensuite de regarder autour de lui. Personne. Il se tourna et repéra alors un jeune homme seul, non loin de lui. Essuyant rapidement son nez qui saignait toujours avec sa manche, le chaton ne réfléchit pas plus longtemps et se mit à courir vers l’inconnu pour… lui sauter au cou ! Littéralement !

« J’ai trouvé un billet de 5 € ! Vous vous rendez compte ? C’est incroyable ! C’est mon jour de chance ! Je suis sûr que c’est parce que vous marchiez derrière moi ! Vous êtes mon porte-bonheur ! Tenez, je vous offre mon billet pour vous remercier ! »

Oui, Aaron était complètement idiot… Il n’avait aucune assurance que ce type avait effectivement provoqué sa chance, mais s’il lui donnait aussi facilement son billet fraîchement trouvé, qui sait ce qu’il pourrait réussir à lui extorquer sans avoir à trop se décarcasser ? Surtout qu’il ne lui resterait plus rien s’il lui donnait son billet !

C’est une catastrophe! Ou de la chance? Enfin, j’ai eut la chance de remarquer que j’allais bientôt être à court de vers néon surs, mes jujubes préférés. Heureusement que je m’en suis aperçu maintenant, ça aurait été trop triste de découvrir qu’il n’y en a plus au moment où j’aurais vraiment eu envie d’en manger, mais ça reste une catastrophe parce que cela signifie que je dois aller en acheter. Sortir, voir du monde, interagir avec la vie réelle… Je soupirai, ramassai un paquet de friandises mélangées et refermai la porte de mon armoire où je cache mes réserves. J’accrochai deux chaines à mon jean noir et regardai un instant à l’extérieur, me demandant si je pouvais me permettre une veste à capuche par dessus mon t-shirt noir à l’effigie d’un creeper de Minecraft. Mmmm.. Il a l’air de faire assez chaud. Je m’en passerai pour cette fois. Enfin, presque. Je glissai la veste dans mon sac-à-dos ainsi que le paquet de friandises et mon portefeuille. J’enfilai ensuite une paire de gants dont les doigts s’arrêtaient aux premières jointures, mit mon sac sur son dos et quittai l’appartement sans rien dire.

Oui bon, j’aurais pu saluer mes colocataires, mais ils n’étaient pas là lorsque je suis passé. De toute façon, j’aurais été trop gêné de le faire. Je préfères me faufiler tel un ninja, ni vu, ni connu. C’est donc comme ça que je me retrouve à l’extérieur, la lumière m’aveuglant momentanément. Malgré le temps qui se couvrait, il y avait encore un peu de soleil. J’espère qu’il pleuvra. Je préfère nettement la pluie. Bon. Maintenant je dois me décider, est-ce que j’y vais à pieds ou si je prends le bus… Bon ok, je ne suis pas paresseux au point de prendre le bus le temps d’un arrêt. Le magasin se trouve seulement deux coins de rues plus loin. Je prends donc le bus parce qu’il passe par chance juste au moment où je me trouve devant l’arrêt. Je débarque deux rues plus loin et en arrivant pour entrer dans le magasin, je pousse le porte au lieu de la tirer et fonce donc dans une porte encore fermée. J’ouvre la porte comme il faut cette fois et m’affaire à acheter mes fameux bonbons qui, par chance, sont justement en spécial aujourd’hui. Aller, triple ration!

Le tout bien à l’abri dans mon sac-à-dos maintenant plein, je sors sans me soucier de la pluie qui commence doucement. Par cette chaleur, je la trouve réconfortante, apaisante. Je décide donc de me promener un peu plutôt que de retourner directement à l’appartement, profitant de la météo, déambulant jusque dans le quartier voisin. Au tournant d’une rue, j’aperçois un gars au loin qui se prends un lampadaire en plein tronche. Étonnement, je compatis. Je sais ce que ça fait de heurter ainsi des poteaux. Mais… Qu’est-ce qu’il a sur.. Les fesse? Enfin, loin de moi était le but de regarder là, mais le contraste de couleur a attiré mon oeil malgré moi. C’est quoi cette tâche? Je m’approche tranquillement alors qu’il reprend sa route. On dirait… De la fiente?? Aie! Est-ce qu’il sait qu’il a de la fiente sur ses fesses? Pauvre de lui! Quelqu’un lui à dit? Il faudrait que quelqu’un lui dise avant qu’on se moque de lui… Je.. Je dois lui dire. Comment lui dire? C’est quand même pas un truc aisé. Et si je l’offusquais en lui disant? Et pourquoi je me pose toutes ces question en le suivant simplement de loin comme un stalker? Je devrais l’interpeller! Mais s’il était fâché que je prenne autant de temps à lui dire?

Indécis, ou plutôt aucunement courageux, je ne fais donc que suivre le garçon qui semble de plus en plus dépité sous cette pluie sans parler que OH! ATTENTION!!! Oh… Un pied dans de la bouse en plus de la fiente et du lampadaire… Sérieusement, ce gars a la poisse à ses trousses ou quoi? J’ai presque l’impression de voir le contraire de ma vie et franchement, ça me fait un pincement au coeur de le voir ainsi. Bon… Je n’ai pas réussis à lui dire pour la fiente et aucun son n’est sorti de ma bouche pour le prévenir pour la bouse. Je dois faire quelque chose. Je m’arrête donc avant d’être trop proche de lui, ferme les yeux et prends un bonne inspiration en canalisant mon énergie et en la visualisant aller vers lui. J’ai envie de lui donner plus qu’un peu de chance alors cela me demande un peu plus de concentration. Aller, plein de chance pour lui!!

J’ouvre les yeux deux secondes plus tard et déjà, le ciel semble se dégager. Dommage, j’aimais bien la pluie. Je remarque alors que le garçon sourit maintenant? Mais pourquoi? Et voilà qu’un billet lui tombe au visage. Voilà, ma bonne action est faite et… Je suis repéré? Je suis repéré! Non! Mais non! Il viens vers moi! Je fais quoi? Je dis quoi? Il… U-Un.. Un.. C-câlin? MAIS QUI FAIT DES CÂLINS À DES INCONNUS???? Je réagis comment moi? Et comment il a fait pour deviner que c’est moi qui ait influencé les variables de sa chance? Pourquoi il me tends un billet de… de 5 euros?? Je saisis vivement le billet et le fixe intensément. Il y a un soucis. Avec toute la chance que je lui ai donné, pourquoi n’a-t-il eut qu’un billet de 5 euros? Ce type est définitivement pas normal!

Je lui redonne son billet et crois son regard de petit chat trop heureux pour un simple billet. Je devais dire quelque chose, mais la gêne m’a soudainement rattrapé et me voilà à rougir en lui tendant le billet. Je voulais dire quoi déjà? Un trucs gentil! Un … rien ne sors.. Je… Je vais juste m’enfuir! C’est plus simple! Je lui prends donc la main et lui met le billet carrément dans sa paume pour m’assurer qu’il le prenne et bizarrement, pour m’assurer qu’il ne le perde pas. Oui je sais, mon instinct est bizarre. Je lève ensuite mon pied droit dans le but de partir, mais en avançant, il ramasse maladroitement le talon de mon pied gauche et en résulte simplement un Boréas en train de tomber. Par réflexe, je m’agrippe au chandail de l’inconnu, mais cela n’empêche pas ma chute. Le chandail a déchiré? Le garçon est tombé avec moi? Mes doigts ont glissés du tissus? Je n’en sais rien, cela se déroule trop vite pour que j’analyse et sens juste mon corps qui heurte le sol et ma tête aussi au niveau du sourcil gauche.

Bien sûr! J’aurais dû m’en douter. Autant de chance et la maladresse n’est jamais bien loin. Je me redresse un peu le haut du corps. Je sens mes doigts et mes orteils, plus de peur que de mal comme d’habitude. Je porte mes doigts à mon sourcil et ouvre enfin les yeux pour regarder le sang. C’est superficiel, surement juste une bonne éraflure par chance. Je regarde alors l’inconnu et autour de moi avant de bouger plus pour faire état de la situation, visiblement rouge de honte d’avoir été aussi maladroit.

Ces nuages pleins de pluie qui s’éloignaient et ce billet de 5 € qui lui atterrissait en plein sur le visage… Vraiment, c’était le meilleur jour de chance de toute la vie d’Aaron ! Il était si heureux à l’idée de pouvoir sécher sur le chemin du retour et si heureux de voir un peu de chance dans tout son malheur quotidien qu’il ne put réprimer un grand sourire d’étirer ses lèvres, avant de se mettre à chercher quelque chose ou quelqu’un à qui témoigner toute sa gratitude. Parce que oui, s’il lui était arrivé autant de bonnes choses en aussi peu de temps, c’était forcément l’œuvre de quelque chose, de quelqu’un ou même d’une entité supérieure ! Alors, quand son regard sombre croisa celui d’un parfait inconnu qui marchait derrière lui, le chaton se précipita pour lui sauter au cou et le remercier d’avoir tout simplement été là. C’était idiot de penser que ce type était celui qui lui avait valu toute cette chance alors qu’il n’avait rien fait de spécial à part se trouver à cet endroit précis à ce moment précis !

Mais Aaron n’y pensait même pas. La seule chose qu’il avait en tête, c’était de pouvoir remercier cet inconnu, ce qu’il fit en lui tendant chaleureusement son précieux billet. Le chaton afficha un grand sourire radieux en voyant que l’inconnu s’en saisissait, ne remarquant même pas qu’il le fixait bizarrement. Par contre, quand le jeune homme lui tendit à nouveau son billet, sans rien dire, Aaron fronça légèrement les sourcils. Est-ce qu’il était incapable de parler ? Pourquoi il ne voulait pas de son billet ? Il était sale ? Il avait bavé dessus sans s’en rendre compte quand il lui avait atterri en plein visage ? Très surpris et vraiment intrigué, Aaron voulut le récupérer pour s’assurer qu’il n’avait pas encore fait une boulette avec sa malchance légendaire, mais l’inconnu lui fourra vivement le billet dans la main avant de commencer à s’éloigner.

« A-Ah ! Atten- »

Aaron n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’il sentit une force le tirer irrémédiablement vers le bas. Il eut beau résister de toutes ses forces (c’est-à-dire très peu), la surprise de cette attraction soudaine et puissante du sol fut telle qu’il ne put rien faire et qu’il suivit donc le pauvre inconnu dans sa chute. Serrant fermement son billet dans sa main, Aaron eut le réflexe de fermer les yeux et d’essayer de tomber sur le côté plutôt qu’à plat ventre ou sur le dos. Ce n’était peut-être pas ce qu’il y avait de mieux à faire, mais il n’avait que très peu de bons réflexes, même après toutes les chutes qu’il avait pu faire depuis toutes ces années. Il avait couiné en anticipant le choc, puis un profond gémissement étouffé passa ses lèvres quand son épaule heurta le sol. Le chaton resta immobile quelques secondes en gardant les yeux fermés et en ne se décrispant pas, comme s’il s’attendait à ce qu’autre chose lui tombe sur le coin du nez. Mais après avoir compris que plus rien n’arrivait, il entrouvrit un œil et se redressa en chouinant un peu, sentant que son bras était douloureux : celui-ci avait effectivement amorti sa chute et sa peau avait un peu trop frotté sur le bitume, ce qui avait écorché le membre d’Aaron sur une bonne longueur. Il ne saignait pas beaucoup, mais cette simple vision réussit à lui faire monter les larmes aux yeux. Ça piquait à mort !

Sans desserrer sa poigne sur son précieux billet, Aaron tourna ensuite son regard embrumé par les larmes vers celui qui lui avait valu de faire cette magnifique chute. Finalement… Ce n’était peut-être pas un très bon porte-bonheur !

« E-Est-ce que tout va bien ? AH ! VOUS SAIGNEZ ! »

Aaron se redressa aussitôt et s’approcha rapidement et à quatre pattes de l’inconnu pour placer son visage à quelques centimètres du sien et jeter un œil à son arcade qui semblait un peu amochée. Voir son sang le dégoûtait déjà pas mal, mais voir celui d’une autre personne… Le chaton sentit comme un vertige le prendre, mais il se fit violence pour ne pas tourner de l’œil, posant ses mains sur les épaules de l’inconnu en laissant finalement le petit billet tomber au sol.

« Non ! Je suis désolé ! Tout ça est arrivé à cause de moi ! Je suis vraiment, vraiment désolé ! On doit aller à l’hôpital ! Vous saignez ! C’est peut-être très grave ! Il arrive toujours plein de mauvaises choses aux gens qui s’approchent de moi… Je suis désolé ! »

Aaron commençait à pleurer, de grosses larmes roulant sur ses joues alors que de la morve dégoulinait de son nez. Il secouait légèrement l’inconnu en gardant ses mains sur ses épaules, comme s’il voulait tout faire pour qu’il ne s’endorme pas ou finisse par perdre connaissance ou mourir devant lui, comme dans les séries.

« Ne mourrez pas s’il-vous-plaît ! Je vous en supplie ! »

État de la situation faite. Je suis tombé, je l’ai entrainé dans ma chute. Il est déjà en train de se redresser et moi, rouge de honte, je le survole du regard pour voir s’il est blessé. Ça ne semble pas être le cas puisqu’il me saute presque dessus en mentionnant le sang dans mon visage. Oui, je saigne. Je suis déjà au courant, pas besoin de crier! J’ai pas envie que d’autres passants se ramènent. Je ne sais déjà pas comment réagir. Qu’est-ce qu’on fait dans ce genre de situation? Je dis quoi? Il est taré le gars? Enfin.. j’ai déjà vu de accidents entre deux personne et habituellement, c’est celle qui a gaffé qui s’excuse, pas l’autre. Même qu’une fois sur deux, l’autre est plutôt agressif et reproche au premier de pas avoir fait gaffe. Comme si l’espèce humaine, pourtant si intellectuellement développée, n’arrivait pas à comprendre le principe même d’un accident, de la maladresse.

J’avoue que l’inconnu qui me secoue et commence à me donner le tournis commence à me faire vraiment de la peine. Déjà, sa vie est un paradis avec 5 euros, ensuite, je l’entraine au sol et il semble croire dur comme fer que c’est sa faute et qu’il est responsable du malheur du monde entier. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis pris d’une forte envie de le rassurer, je lui apporter encore un peu de joie, d’essuyer ses larmes. Enfin… Je sais très bien que peu de gens ont la chance que j’ai. Il pleure et je vois presque quelqu’un en détresse… Après… La tache sur ses fesse, la bouse, la pluie, la chute… Agir comme une personne normale. Socialiser, ne pas avoir l’air bizarre, faire des efforts… Il faut que j’y arrive!!

Je saisis doucement ses poignets de mes mains pour qu’il arrête de me secouer et glisse mes mains pour saisir les siennes afin qu’il ne s’enfuit pas… Ou plutôt pour que moi je ne m’enfuit pas. Je prends une bonne inspiration pour cherche comment le rassurer avec des mots sans paraitre.. méchant… ou sorir des trucs qui n’ont pas rapport. Je ne dois pas parler par instinct. Surtout pas! C’est là souvent que je garde les gens loin de moi. Je prend une bonne inspiration de courage et…

-C’est égoïste de penser que tu es responsable du malheur des autres…

Je fait quoi ensuite?? Je.. OH!! OH! Mais je suis bête! Je viens de le traiter d’égoiste.. AH! Mais j’ai oublié de sourire en plus!! Je… Je sens mes joues devenir encore plus rouge.. je dois me rattraper! Respiiiiiire… Une autre inspiration et…

-Enfin.. Je veux dire que je n’ai pas besoin d’aller à l’hôpital… Non.. Enfin oui, je n’ai pas besoin d’y aller, c’est évident, on ne va pas à l’hôpital pour une simple égratignure, quel idiot penserait ça? mais je veux dire… C’est moi qui ait été maladroit et puis il ne m’arrive jamais de mauvaises choses…

Je suis un cas désespéré! Je ne vais pas lui parler de mon pouvoir. Vaut mieux pas, il a l’air inoffensif, mais on ne sait jamais quand quelqu’un peut débarquer dans le but d’abuser de mon pouvoir… Mais… Je crois que je l’ai encore insulté?? Je tiens toujours ses mains, mais je ramène mes genoux contre mon torse et me cache le visage cramoisi dedans. Je suis un cas désespéré!

Et voilà… Il fallait toujours que la poisse d’Aaron finisse par tout gâcher ! Alors que la chance semblait enfin le frapper avec cette percée du soleil à travers les nuages gorgés de pluie et ce merveilleux billet de 5 € qui avait voleté jusqu’à son visage, voilà que le karma du chaton le rattrapait lui, mais aussi le pauvre type qui s’était trouvé là par hasard lors du coup de chance du chaton. L’Anglais avait décidé que toute cette félicité provenait de sa simple présence et s’était donc approché de lui pour le remercier chaleureusement, mais cette proximité leur avait valu de tomber tous les deux à la renverse quand l’inconnu avait essayé d’esquisser un pas vers l’arrière. Après avoir pris quelques secondes pour se remettre de ses émotions suite à sa chute qui lui avait coûté d’avoir toute la longueur de son bras écorché, Aaron se redressa et posa son regard sur l’inconnu pour s’enquérir de son état. Inutile de dire que la panique l’avait aussitôt gagné en voyant que son voisin saignait au niveau du visage !

Ni une, ni deux, le chaton rampa à quatre pattes jusqu’à l’inconnu pour le secouer et essayer de savoir s’il allait bien, non sans s’excuser platement pour son karma tout moisi qui avait visiblement décidé de le frapper lui aussi alors qu’il n’avait rien demandé. C’était désagréable, mais en plus de ce mal-être d’avoir tiré un pauvre inconnu vers le bas, Aaron sentait une pointe de douleur l’assaillir au niveau de ses tempes. La douleur était presque plus lancinante que celle qu’il ressentait au niveau de son bras, mais il n’avait de toute façon pas le temps d’y prêter attention. Il fallait qu’il s’assure que cet inconnu allait bien et qu’il l’emmène vite à l’hôpital !

Mais alors qu’il le secouait assez énergiquement, des mains se posèrent sur les poignets du chaton, avant de se saisir de ses mains, contact qui stoppa net l’Anglais. Aaron ouvrit la bouche, mais l’inconnu le coupa dans son élan et… WOW ! C’était quoi ces paroles hyper blessantes ? Le pire, c’était que c’était vraiment très douloureux à entendre, mais la dureté de ces mots ne collait pas du tout avec l’expression qui passait sur le visage de l’inconnu ! Il était méchant, mais il semblait gêné et hyper mal à l’aise. Aaron ne comprenait pas ce qu’il se passait, fixant son vis-à-vis avec des yeux ronds sans être capable de dire quoi que ce soit. Puis, après quelques secondes, le chaton retira vivement ses mains de celles de l’inconnu, affichant un air à la fois blessé et surpris.

« J-Je… Je suis désolé, je ne voulais pas être égoïste, je… C’est pourtant vrai, j’ai un très mauvais karma et il influence souvent les gens qui s’approchent trop près de moi… »

Aaron baissa les yeux et sentit un haut-le-cœur le prendre quand il vit l’état de son bras. Il préféra plutôt poser son regard sur le bitume devant lui, de grosses larmes roulant sur ses joues alors que son menton se mettait à trembler dangereusement. Ce type… Il avait raison de le traiter d’égoïste et d’idiot, mais c’était vraiment très dur à entendre…

« V-Vous avez raison, je suis un idiot fini, on me l’a souvent dit… Je suis bête, incapable, maladroit et j’ennuie même les inconnus qui croisent ma route... »

Le chaton avait toujours eu une grande propension à se dénigrer, mais quand on était aussi dur avec lui, il ne pouvait pas s’empêcher d’avoir l’impression d’être le pire déchet de l’univers.

Sentant de la morve commencer à s’échapper par son nez, Aaron renifla bruyamment et passa son avant-bras en bon état sur ses yeux pour essayer de stopper son sanglot, puis il se releva. Puisque cet inconnu était aussi méchant avec lui… Autant vite partir d’ici, non ? Mais non, le chaton était vraiment le pire idiot de la planète. Au lieu de se préserver et de quitter les lieux, il attrapa plutôt le poignet de cet inconnu et tira avec toute sa force de mouche dessus pour l’inviter à se lever.

« V-Venez, vous ne pouvez pas rester ici, il faut vraiment s’occuper de votre blessure ! Je sais que vous ne m’aimez pas, et vous avez raison, mais je ne peux pas vous laisser dans cet état sans rien faire alors que c’est forcément à cause de mon karma pourri que vous êtes tombés ! Levez-vous ! Vous pouvez marcher, hein ? »

Aaron ne savait pas encore bien où il devait aller pour que ce type se fasse soigner, mais il avait décidé qu’il y allait !

Aie! J'ai déclenché une catastrophe. Comme si je n'étais pas assez maladroit de mon corps, il faut que je le soit encore plus de mes mots. Qu'est-ce que je dois dire dans ce genre de situation? Comment dois-je réagir? Qu'est-ce qui est normal? La plupart des gens seraient offusqué par mes paroles et auraient sûrement répliqué ou seraient juste partis... Enfin, je crois. Je me base une très peu d'expérience encore hélas, mais voilà que le garçon devant moi prend au mot ce que j'ai dit et y croit dur comme fer en y rajoutant une couche. Aie! La voilà la catastrophe. J'en ai même un pincement au coeur de l'entendre se dépeindre aussi bassement et de s'excuser d'être ainsi.

Qu'est-ce que je dois faire? Je veux dire quelque chose, m'excuser, mais comment le formuler? Et si j'empirait encore la situation? Je ferais mieux de garder le silence.... MAIS ET SI MON SILENCE L'INSULTAIT? C'est vrai! Il continue encore de se rabaisser. Il pleure. IL PLEURE!! Au secours! J'ai fait pleurer quelqu'un! Je devrais lui tendre un mouchoir! Est-ce que j'ai des mouchoir? Je lui tends simplement ou je dis quelque chose en même temps? Et si il ne comprenait pas que je veux lui donner un mouchoir? Cette situation est plus que gênante. Je veux juste me cacher, me lever, m'enfuir honteusement et ne plus le croiser pour ne jamais avoir à réfléchir à comment lui parler. Mais... Il a désespérément besoin d'être réconforter ce type...

Je songe à me lever qu'il le fait avant moi. Voilà. Encore quelqu'un que j'ai fait fuir. Il va juste s'en all-me tirer le poignet? Surpris, je suit le mouvement pour me retrouver à mon tour sur mes deux pieds. Tout en l'écoutant, trop gêné pour affronter son regard, je regardai à gauche et à droite afin d'observer brièvement les rares passants qui continuaient leur chemin en nous ignorant probablement volontairement comme si on pouvait leur attirer des ennuis s'ils s'approchaient... Quoi qu'à bien y réfléchir, vu le duo du maladroit et de celui qui se prétend porte-malheur, ils ont bien raison de rester à distance. C'est le regard bas que je regarde de nouveau mon interlocuteur en hochant doucement de la tête pour indiquer que je savais marcher et je le laissai me trainer vers je ne sais où. Je remarquai alors que l'un de ses bras semble blessé. C'est qu'il a besoin d'autant de soins que moi si ce n'est plus...

-Trousse de premiers soins...

La base dans les jeux de survie.. C'était sorti tout seul. Apparemment de m'en sort mieux en sortant un terme plutôt qu'une phrase.. Mais je dois expliquer ma pensée maintenant. Je ne peux pas lâcher des trucs comme ça sans explication. Je prit une bonne inspiration et fini par continuer de parler mais d'une voix beaucoup plus faible, emplie de gêne.

-Tu.. en as une chez.. toi? Sinon.... j'en ai ... une...

C'est bon! Jusqu'à présent, pas de catastrophe. Il y a du progrès... Pour le moment.

Aaron aurait très bien pu tourner les talons et s’enfuir en courant loin de ce type qui l’avait rabaissé sans une once d’hésitation, mais non. Le chaton était définitivement bien trop gentil et idiot pour son propre bien, puisqu’il s’était levé et avait attrapé le bras de l’inconnu afin de le tirer vers lui et l’inviter à se lever. Sa blessure avait beau ne pas avoir l’air trop grave, il fallait quand même soigner ça ! Et s’assurer qu’il n’avait pas d’autres bobos ailleurs ! Sauf que c’était bien beau de vouloir le soigner ce type, mais Aaron ne savait même pas ce qu’il était censé faire ! Puisque l’hôpital était une mauvaise idée, peut-être qu’une pharmacie ferait l’affaire ? Mais une fois sur ses pieds, l’inconnu évoqua l’idée d’utiliser une trousse de secours d’une voix faible. Aussitôt, le chaton se redressa avec un grand sourire.

« Ah ! Oui ! Excellente idée ! »

Excellente oui, mais ça se trouvait où une trousse de secours ? Aaron se sentit en plein ascenseur émotionnel alors qu’il se demandait bien comment ils allaient pouvoir faire, mais l’inconnu lui apporta la réponse en lui disant qu’il en avait une. Le chaton afficha une petite moue gênée et désolée, baissant lui aussi les yeux pour éviter de croiser ceux de son interlocuteur.

« Oh euh… J-Je suis désolé, mais je n’ai pas de ça chez moi… Je crois que je dois uniquement avoir quelques pansements et des médicaments pour le mal de tête, qui doivent certainement être périmés depuis bien longtemps en plus… »

Il fallait dire que le compte en banque du pauvre chaton était plus que vide et que son niveau de vie était à la limite de la précarité. Il avait un logement, certes, mais celui-ci était miteux et ne disposait, pour seuls meubles, que d’une kitchenette et d’un matelas posé à même le sol. Aaron n’avait jamais été quelqu’un de très matériel, se contentant de plaisirs bien plus simples, mais le résultat était que son appartement était presque vide et qu’il n’avait même pas de quoi prodiguer les soins les plus élémentaires. Il faudrait vraiment qu’il remédie à ça, parce qu’avec son karma tout pourri, ce n’était clairement pas une bonne idée de ne pas disposer d’une trousse de premiers soins !

« Est-ce que vous en avez une chez vous ? Ou alors à votre travail ? Ou chez des amis ? Ou de la famille ? Ne vous inquiétez pas, je vais vous accompagner et vous aider ! Et quand vous irez mieux, je pourrai disparaitre de votre vie pour ne plus jamais vous ennuyer. »

Comment Aaron faisait-il pour dire des choses aussi terribles avec un sourire aussi rayonnant ? C’était vraiment triste de voir à quel point il se dénigrait et avait parfaitement accepté que son existence puisse être aussi nuisible au quotidien des autres…

« Allez, venez ! »

Aaron prit la main de l’inconnu dans la sienne, marchant d’un pas déterminé vers le bout de cette ruelle, avant de se stopper.

« Ah… Mais il vaut mieux que ce soit vous qui me guidiez… Je ne sais même pas où vous voulez aller… »

Quel idiot, vraiment. Si son interlocuteur avait été très mal intentionné, qui sait dans quel endroit sordide il aurait pu le conduire sans même que le chaton ne s’en inquiète !

« Oh, au fait ! Je m’appelle Aaron ! Et vous ? »

Il n'a pas de trousse... Il n'a que des ... Médicaments périmés? Je crois que je commence à saisir le portrait... S'emballer autant pour 5 euros, les saletés.. Les médoc périmés... Il serait un itinérant? Il n'as pas l'air aussi sale que d'Autre que j'ai pu croiser... Peut-être que c'est récent? Je... N'ai pas le temps d'y réfléchir plus longtemps. Je pourrais lui proposer de m'accompagner pour pouvoir le soigner lui aussi? Oh? Mais quelle chance! Je n'ai pas le temps d'ouvrir la bouche pour essayer de dire un truc sensé qu'il se propose lui-même de venir avec moi... J'espère qu'il me laissera le soigner avant de disparaitre à jamais de ma vie. J'aime sa tournure de phrase. C'est carrément le genre de truc que je pourrais dire par moment de stress. Peut-être qu'en fait il est introverti comme moi?... Non... Il ne m'inspire aucunement cela. Encore moins vu la facilité qu'il a à me saisir la main et commencer à marcher pour sortir de la ruelle. Le hic, c'Est qu'il ne sait pas où j'habite alors où est-ce qu'il compte m'emmener comme ça? Peut-être que depuis le début, tout est une mise en scène et que je me suis fait piéger et qu'on est en train de subtilement me kidnapper? On me forcera alors à utiliser mon pouvoir au détriment de ma santé? Je deviendrai un chien de laboratoire? Mes parents s'en voudront toute leur vie de m'avoir incité à me mêler à la société?

C'est alors que mon potentiel kidnappeur itinérant s'arrête net et que je manque lui foncer dedans. Il me demande alors de le guider et je lâche involontairement un petit soupire de soulagement. Je me sert alors de ma main tenant encore la sienne pour l'inciter à marcher en direction de chez moi. Aucune parole, comme ça je ne dit pas d'absurdités. J'avance donc en le guidant, les joues encore légèrement en feu, surtout gêné d'avoir songé à voir le gars comme un méchant alors qu'il a l'air plus inoffensif qu'un papillon de nuit. Il se présente alors, me demandant par la suite mon nom. Oh! Ah! Euh! C'est quoi mon nom déjà? Pourquoi il veut le savoir? Pourquoi il se présente? Je.. Mon nom! Oui. Ne dire que mon nom.... Une bonne inspiration et...

-.... Boréas...

Je ne le regarde toujours pas, gêné, comme d'habitude. Peut-être que je devrais poursuivre la conversation? D'ailleurs... S'il est à la rue, il ne doit pas avoir mangé depuis un moment! J'espère que le trajet ne l'épuisera pas à l'inconscience. On en a pour un bon quinze minutes de marche pour arriver à l'appartement....

-Le parcours sera long avant la guérison....

Ok.. C'est peut-être sorti de nulle part, mais ça a du sens...?

Aaron avait saisi la main de cet inconnu d’un air décidé, avant de commencer à marcher en direction de… D’où exactement ? C’était qu’il avait pour objectif de ramener ce pauvre bougre jusqu’à chez lui pour le soigner, mais c’était tout de suite plus compliqué quand on ne savait pas où se trouvait notre destination, non ? Le chaton se tourna donc vers son compagnon d’infortune, espérant qu’il pourrait lui indiquer la direction, mais plutôt que de lui répondre, le jeune homme prit les devants en marchant dans la bonne direction, le tout sans lâcher la main d’Aaron. L’Anglais afficha alors un grand sourire et en profita pour se présenter, son sourire se faisant aussitôt bien plus chaleureux quand il put enfin mettre un prénom sur cette personne qu’il raccompagnait jusqu’à chez lui.

« C’est un joli prénom ! Vous êtes italien ? En tout cas, je suis ravi de faire votre connaissance, m-même si bon… J’aurais préféré le faire dans de meilleures circonstances où vous n’auriez pas été blessé… »

Aaron soupira doucement et posa finalement ses yeux sur la main de Boréas qui tenait toujours la sienne, sentant aussitôt ses joues s’empourprer alors que son camarade lui sortait encore une phrase un peu étrange. Est-ce qu’il voulait dire qu’ils en avaient pour un moment à marcher avant d’arriver ? Quoi qu’il en soit, plutôt que de s’inquiéter pour le temps de trajet, le chaton resserra légèrement l’étreinte de sa main sur celle de Boréas, pendant que ses yeux scrutaient les environs avec une pointe de panique.

« E-Euh… Boréas ? J-Je… C-Ce n’est pas que ça me dérange que nous nous donnions la main pour ne pas nous perdre, m-mais… »

Aaron avait le visage complètement cramoisi, baissant immédiatement la tête après avoir croisé le regard étonné d’une passante, qui se retourna dans leur direction une fois qu’ils l’eurent dépassée.

« J-Je crois que nous ferions mieux de marcher l’un à côté de l’autre… J-Je ne voudrais pas que les gens pensent que nous… Enfin… C’est que… V-Vous savez… N-Nous sommes deux hommes, a-alors… »

Aaron déglutit difficilement et s’arrêta net, forçant Boréas à faire de même. Il avait subi tellement de brimades à cause de son orientation sexuelle avant d’arriver à Banchisa, qu’il ne voulait surtout pas infliger ça au pauvre homme blessé par sa faute.

« J-Je ne voudrais pas vous causer encore plus de torts… »

Rhaaaa ! Aaron n’avait pas avoué clairement être homosexuel, mais il était affreusement gêné et avait maintenant peur que Boréas l’ait compris et se mette à le regarder bizarrement. Ce ne serait pas le premier et sans doute pas le dernier après tout…

Je continue d’avancer, reprenant à peine une couleur normale lorsque celui qui m’accompagne commence à me dire des choses… Étranges? J’avoue ne pas tout comprendre au début. Pourquoi soudainement s’intéresse-t-il au fait que je le guide en lui tenant la main afin qu’il ne parte pas encore dans une direction insensée? Qu’est-ce que les gens on a dire? Et oui, belle constatation, nous sommes deux… hommes…

Oh… Je crois que je commence à comprendre. Je ralentit et finalement je n’ai pas le choix de m’arrêter, Aaron m’empêchant de poursuivre. Je me retourne vers lui pour découvrir une tomate à sa place et tout fini par prendre son sens.

-Ah….

C’est sortit tout seul alors que je commence à me faire remplacer moi aussi par une tomate. M-Mais pourquoi pense-t-il à cela?? On n’a rien d’un couple non? C’est pas fréquent les gens qui se tiennent par la main? Mais non. Bien sûr que non! Quel idiot je suis! Comment j’en suis venu à le traîner par la main alors que je suis du genre à rester éloigner par crainte? J’ai fait miroir on dirait… Et j’avais un peu peu peur qu’il ne suive pas. Je ne le connais pas plus que cela après tout. Il aurait pu disparaitre dès que j’aurais eut le dos tourné et je n’aurais pas pu le soigner.

Je lâche finalement sa main et détourne un peu le regard baissé, gêné et un peu désolé de l’avoir mit dans l’embarras. Mais il est vraiment un peu idiot de dire qu’il pourrait me causer encore du tord alors qu’en premier lieu, c’est ma maladresse qui nous a fait tomber. Il devrait plutôt m’accuser ou au moins m’en vouloir. Je dois au moins m'excuser de lui avoir tenu la main et donc de l’avoir gêner.

-Le regard des autres ne devient réalité que si on laisse leur jugement nous définir. Y porter attention est donc futile….

Je.. Je fini par me retourner et reprendre lentement la route. Encore pas mal cramoisie. Je Jette tout de même un coup d’oeil en direction de l’autre garçon pour m’assurer qu’il suive…

Ah mais.. Je ne me suis pas vraiment excuser en fait… Tant pis! Je trouverai un autre moment? Comme il me suit, je continue le chemin d’un pas assez rapide. Je ne veux pas le semer, mais il commence à être temps qu’on soigne nos plaies. On met encore un bon moment avant d’arriver devant l’immeuble. On monte de deux étages et nous voilà devant la porte. J’entre. Je tends l’oreille, aucun bruit. Je contre-vérifie avec l’absence de souliers près de l’entrée. Mes colocataires ne sont pas là. J’en suis quelque peu soulagé puisque je n’ai pas envie de m’expliquer avec eux. L’appart aux couleur clair est plutôt vaste. Le petit couloir d’entrée nous mène d’abords à la cuisine puis au salon qui se trouve au fond du même espace. La déco est assez sobre et le mobilier aux teintes plus foncées.

-T-Tu peux t’asseoir là…

Je pointe le canapé et je disparait dans ma salle de bain. Je fouille un peu l’armoire pour finir par trouver les boites de pansements divers, les compresse stériles et les tampons désinfectants. Je mouille aussi deux lingettes et en apporte deux secs, au cas ou. Je reviens avec tout cela et les laisse tomber sur un coin du canapé. J’ouvre alors un tampon d’alcool et me tourne vers Aaron prêt à… tenter de le soigner.

-T’as du sang où?

Le visage d’Aaron avait viré au cramoisi quand il s’arrêta et expliqua à Boréas qu’il valait sans doute mieux qu’ils ne se tiennent plus la main s’ils ne voulaient pas trop attirer les regards des autres passants. Après tout, le chaton avait déjà vécu des moments difficiles à cause de son orientation sexuelle et il ne voulait surtout pas que son interlocuteur se retrouve à subir les mêmes regards, jugements ou brimades par sa faute. Par chance, Boréas lâcha la main d’Aaron qui se sentit soupirer doucement de soulagement, avant de frotter nerveusement la peau de sa main qui avait été en contact avec celle de son interlocuteur pour essayer de chasser cette sensation de chaleur qui lui donnait encore l’impression qu’ils se tenaient la main. Apparemment, Boréas avait été extrêmement gêné par la situation lui aussi, puisque son visage avait également pris une teinte cramoisie. Le jeune homme prit d’ailleurs les devants pour marcher jusqu’à son appartement, précédant un chaton qui fixait sa main et le trottoir qui défilait à mesure qu’il avançait. Il s’arrêta toutefois net quand Boréas reprit la parole pour lâcher une phrase des plus étranges que le chaton ne comprit absolument pas. C’était un peu trop intellectuel pour lui tout ça !

« Ah euh… D’accord ? Je… Je ne suis pas sûr d’avoir tout compris, m-mais vous devez être quelqu’un de très fort si vous arrivez à ne pas faire attention au jugement des gens. Je vous envie ! »

Boréas n’avait certainement pas vécu des choses aussi compliquées que lui, c’était sans doute pour ça qu’il arrivait aussi bien à se détacher du jugement des autres. Aaron aurait bien voulu en être capable lui aussi et il l’avait été pendant un temps, mais quand les regards laissaient finalement place aux gestes, c’était tout de suite plus difficile de ne plus porter attention à de tels jugements !

Quoi qu’il en soit, après un trajet qui se passa plutôt silencieusement, Aaron ayant eu un peu peur que Boréas lui sorte à nouveau une phrase qu’il ne comprendrait pas parce qu’il était trop bête, les deux hommes arrivèrent à destination. Le chaton suivit timidement son camarade à l’intérieur du bâtiment, laissant trainer son regard curieux un peu partout. C’était vraiment autre chose à côté de son logement miteux ! Est-ce que Boréas avait beaucoup d’argent ? Qu’est-ce qu’il faisait dans la vie d’ailleurs ?

« Dites… Qu’est-ce que vous faites comme travail si ce n’est pas trop indiscret ? »

Aaron entra ensuite à l’intérieur de l’appartement, ouvrant de grands yeux ronds en constatant l’immensité des lieux. Rien que la cuisine était plus grande que son appartement tout entier ! Le chaton se sentait perdu et un peu mal à l’aise, sa curiosité ne pouvant toutefois pas l’empêcher de regarder partout autour de lui. Il s’assit docilement sur le canapé quand Boréas l’y invita, attendant patiemment qu’il revienne avec tout le matériel nécessaire pour procéder aux soins. Sauf qu’avant qu’Aaron puisse dire ou faire quoi que ce soit, son hôte lui demanda où il saignait. Le chaton le fixa à nouveau avec des yeux ronds, ne comprenant pas bien où il voulait en venir.

« Hein ? M-Mais… C’est vous que nous étions venus soigner, pas moi ! Vous avez encore du sang sur le visage ! »

Oui, les soins de Boréas passaient avant tout le reste ! Alors, après avoir remercié son hôte d’avoir apporté tout ce matériel, Aaron récupéra le tampon d’alcool que tenait son voisin et l’invita à s’assoir sur le canapé, juste à côté de lui. Chose faite, il s’approcha du visage du jeune homme en fronçant les sourcils, essayant de voir si la blessure était grave. En réalité, le sang avait déjà séché, mais, par précaution, le chaton garda son air extrêmement concentré sur le visage pour tendre le tampon vers le sourcil de Boréas, sa langue sortant même à un coin de sa bouche pour appuyer sa concentration.

« Ne bougez surtout pas. Je ne voudrais pas risquer de vous mettre le tampon dans l’œil… Ah, par contre, arrêtez-moi si jamais je vous fais mal ! »

Aaron inspira profondément et se lança, se faisant le plus précautionneux possible pour bien nettoyer ce petit bobo qui ne nécessiterait sans doute rien de plus qu’une désinfection.

Après avoir joué les infirmiers du dimanche, Aaron quitta l'appartement de Boréas et entreprit de rentrer chez lui, ne sachant pas trop quoi penser de cette rencontre. Ce jeune homme semblait à la fois gentil par ses gestes, mais aussi incroyablement acerbe par ses mots... Est-ce qu'il pourrait un jour devenir l'ami du chaton ? Seul l'avenir nous le dira !