Chasser l'écureuil

Thomas, mon grand frère, m’avait invité à passer quelques jours avec lui et sa famille à la campagne. J’avais accepté et après avoir averti mes colocataires, je m’étais sauvée d’eux. Et je dois dire que ça m’a fait un bien FOU ! J’étais bien trop heureuse de pouvoir passer du temps avec mon grand frère d’amour ! J’ai même joué avec sa petite fille. Bref, ça m’a fait de petites vacances et ça m’a fait beaucoup de bien !

Et maintenant, je rentre chez moi. Chez nous. J’ai hâte de revoir Boré et Cisco ! Je leur ai rapporté un petit quelque chose. Enfin, QUELQUES petits quelques choses. Nous sommes allés dans un petit village et on a vu une bonbonnière. Du coup, j’ai rapporté pleiiiiiins de bonbons aux garçons (et pour moi aussi !). Je me demande s’ils se sont ennuyés de moi. Je suis certaine que Boré non, il est toujours mieux tout seul on dirait. Peut-être que ça va faire plaisir à Cisco en tout cas. J’ai beaucoup parlé d’eux à Thomas. Je lui ai dit qu’ils sont vraiment des garçons gentils (et que Boré est vraiment mignon, même s’il ne m’aime pas trop on dirait). Tout ça pour dire que j’ai bien hâte de rentrer et tout ça !

Pour rentrer, j’ai décidé de piquer au travers des petits parcs, rien de vraiment compliqué. C’est juste qu’après TOUT ce temps passé dans les transports en commun, j’avais besoin de me dégourdir les jambes un peu. Il commence à faire sombre un peu, le soleil se couche. Je suis presque tentée de me trouver un point sympathique pour juste regarder tout ça tranquille… Et une autre partie de moi, veut bien retrouver mon lit, ma chambre, mes colocs rapidement !

Après un moment, je m’arrête et je fouille dans mon sac en bandoulière pour trouver mes clés… Sauf que je me rends compte que j’ai perdu quelque chose ! Je devais marcher trop rapidement pour me rendre compte qu’il s’est glissé en dehors ! Oh non ! Je ne veux pas le perdre ! C’est ma peluche préférée ! Je la traîne toujours avec moi lorsque je voyage… Et lorsque je suis chez moi, je dors avec. C’est un écureuil que Thomas m’a offert justement. Quand il m’a vu avec, il m’a sorti un « ENCORE !? » et je lui ai fait ma petite tête d’ange et il m’a pardonné rapidement.

Sauf que là, si je le perds, je vais me sentir bien mal. Il me l’avait donné juste avant de quitter pour l’Italie… La première fois. Il m’avait dit que c’était un écureuil, parce qu’il me voyait toujours grignoter et tout ça ! Mais là, je l’ai perdu ! Et ça me fait capoter un peu ! Je dois le retrouver ! Je ne réfléchis pas un seul instant avant de me mettre à sa recherche. Je suis certaine de l’avoir en descendant du bus, parce qu’il était sur mes genoux pendant une bonne partie du trajet. Sauf que là…

Peu importe. Je grogne un peu, parce que ça m’énerve de ne pas savoir où il est. La solution la plus simple, c’est de faire tout le trajet inverse à pied ! Ça m’ennuie, mais je n’ai pas le choix. Et je ne peux pas me dépêcher, parce que si je fais ça trop rapidement, je risquerais de passer à côté. Bon aller. Je commence à marcher plus lentement, regardant PARTOUT où il pouvait bien être. J’espère juste que personne n’est parti avec. Sinon, je vais être tellement triste…

Alors que je me mets à chercher, j’ai une étrange impression de déjà-vu. Ça m’en donne des frissons, je peux difficilement expliquer pourquoi… Comme si cette scène… Je l’avais déjà vécu… Je secoue la tête, je dois me concentrer sur ma peluche !    

Bah ouais, ça arrive juste dans les films et les livres et voilà que ça m’arrive. Je fonce dans quelqu’un. Le coup me fait reculer de surprise et très rapidement, je reprends mon équilibre, parce que, ce n’est pas vrai que je vais m’échouer comme un caca à terre. Sauf que mon sac en a décidé autrement. J’ai fait un mouvement tellement brusque que j’ai quelques trucs qui sortent de mon sac. Le gars se met à grogner en anglais et je ne me gêne pas pour lui répondre dans la même langue, le regardant droit dans les yeux.  

- Et toi ? Tu ne voulais pas faire gaffe aussi ?

Sans attendre, je me penche et commence à ramasser mes trucs au sol. La poisse. Au moins, je n’ai pas des sous-vêtements qui ont décidé d’en sortir. Juste mes clés, mon téléphone et les sacs de bonbons que j’ai acheté pour moi et mes colocs. Ramassant le tout, je fronce les sourcils. Le mec me prend pour une poupée de porcelaine ou quoi ? Ce n’est pas parce que j’ai les cheveux roses et que je suis minus à comparer de lui que forcément, je suis un petit être fragile.

- Ça va, t’es pas le premier mur dans lequel je fonce dans ma vie. Et toi ? Tu vas survivre ou tu vas te mettre à chialer parce que je t’ai foncé dedans ?

Je me relève une fois que j’ai fourré pas mal tout dans mon sac assez rapidement. Enfin, j’pense que je n’ai rien oublié… Sauf ma peluche que je ne trouve pas. Mon sac reste ouvert, il est plein à craquer, c’est pour ça que j’ai perdu mon écureuil… Ça me fait encore quelque chose. D’ailleurs, je ne vais pas perdre de temps avec ce dude-là. Je vais juste lui dire bye comme tout être humain normal et passer mon chemin.  

- J’ai perdu un truc important. Il doit être par terre quelque part. Bon, désolée de t’avoir bousculé, sauf que je dois y aller, je ne veux pas que quelqu’un mette la main dessus avant moi…

Voilà, c’est tout. Je le dépasse, je poursuis mon chemin, c’est tout ce qu’il y a faire anyway. Et bon, je ne vais pas demander à un inconnu de m'aider à trouver un objet.

Il me rattrape et je finis par ralentir le pas. Le pauvre, je le fais presque courir. C’est amusant je trouve ! J’écoute ce qu’il a à me dire. Il veut m’aider. C’est bien rare les gens aussi « gentils » que cela. Aider la pauvre inconnue que je suis… Il n’est pas un peu trop crédule celui-là ? Il pense peut-être que je suis une enfant ? Si c’est le cas, je ne vais pas me prier pour le démonter bien comme il faut. Être rapide c’est cool quand tu veux frapper quelqu’un, la personne ne voit pas venir les coups. Je réfléchis un moment sur ce qu’il me dit et ouais, il peut bien m’aider. Ce n’est pas parce que ça me fait plaisir hein ! C’est que je suis fatiguée, j’ai hâte de rentrer et de faire un grooooos dodo, bien collé contre mon écureuil… Quoi que je vais devoir certainement la laver.

Puis, bon on va se le dire, ça va me permettre de le mater lorsqu’il va se pencher s’il cherche quelque chose. Ça va rendre la recherche un peu plus agréable. Je le juge du regard un moment. Ouais vraiment pas moche celui-là. J’ai quelques bonnes idées pour le récompenser s’il est gentil avec moi. Je lui fais un petit sourire mielleux, lui répondant enfin :

- C’est bon, j’accepte ton aide, mais c’est seulement parce que ça va être plus rapide avec toi et je vais pouvoir te mater.  

Et je n’arrête pas de me dire que s’il m’aide c’est qu’il est trop naïf, un truc du genre. Je fais quelques pas en sa direction, je lève la tête, puis pose mon index sur son torse. Je ne suis pas gênée. Je prends alors un air très sérieux alors que je lui demande :

- T’a pas peur que je sois une tueuse en série ou une kidnappeuse qui essaie seulement de t’amadouer jusqu’à son camion pour qu’on ne te retrouve plus jamais ?

Je garde mon air pendant un certain moment avant de pouffer de rire. Je suis pas mal certaine qu’il ne va pas me croire, mais c’était juste amusant. Je me recule avant de lui avouer ce que je suis en train de chercher.

- Bon… J’ai perdu une peluche. Je lui lâche un regard glacial, juste au cas où monsieur aurait envie de se moquer de moi parce que c’est une peluche. C’est un écureuil. J’y tiens beaucoup et… Non c’est tout, j’y tiens juste beaucoup. Il est beige, brun et blanc et il a une petite noisette sur le ventre.

Je retiens un « il est vraiment adorable », il le verra bien par lui-même. J’aurais préféré avoir perdu mon animal de compagnie, quelque chose que l’on peut appeler et qu’il répond lorsqu’on le cherche… Mais bon, c’est plus difficile avec une peluche.

- J’ai pris le bus et j'ai descendu là-bas, dis-je en pointant la direction de l’arrêt de bus à quelques minutes de marches d’où nous étions. Et j’ai traversé les petits parcs pour venir jusqu’ici. Le mieux, c’est de rebrousser le chemin jusqu’à l’arrêt de bus et de chercher ma… peluche. Elle était dans mon sac quand j’étais dans le bus, je m’en souviens, c’est après que je ne sais pas où elle a fini.

J’ai une petite moue, un peu découragée par tout ça. J’espère qu’on ne la cherchera pas trop longtemps. Je reprends ma route, plus lentement pour qu’il me suive, lâchant un :

- Il va falloir que je t’offre un truc en échange si jamais tu la trouves, j’imagine…

Parce que ça me tente pas plus qu’il le faut de le remercier. Même si c’est la moindre des choses à faire. Il n’a qu’à me dire qu’il est son « prix ». On verra bien pour la suite.

Alors qu’il me dit que je suis directe, je ne peux pas lui empêcher de lui faire mon plus grand et mon plus charmeur de mes sourires. Ouais, je suis directe et j’assume assez bien d’ailleurs ! En tout cas, avec lui. Mais le monsieur, il est un peu trop sérieux et veut seulement m’aider à chercher. Bon d’accord, j’ai compris, ce n’est pas lui qui va satisfaire mon bonheur ce soir. Dommage, il est assez mignon… Quoi que peut-être après, une fois qu’on aura retrouver mon écureuil, on va pouvoir passer à des choses un peu plus « sérieuses ».  

Le dude pense qu’il me fait peur, genre « c’est peut-être moi la crapule ». Bof quoi. Une crapule n’aurait pas cette tête-là et il ne m’aurait pas proposé de m’aider. Ou il aurait essayé de me kidnapper depuis longtemps. J’hausse des épaules, absolument pas convaincue.  

- Ouais peut-être, mais au moins je sais me défendre, ça devrait bien aller.

Je lui fais un petit clin d’œil. En vrai, je n’ai pas peur des gens, surtout des garçons et même si c’est durant la nuit. Je veux dire, avec la vitesse avec laquelle je suis capable d’aller, je sais que si je place un coup de pied ou de genou bien comme il faut là où ça fait mal, il y a très peu de chance qu’une personne mal intentionnée soit capable de me rattraper… Sauf s’ils sont dans une auto et là, même encore, il va falloir qu’ils aillent vite. Il ne faudrait juste pas que mon pouvoir chie pendant ma course et tout devrait très bien aller. Je sais me défendre. D’ailleurs, ça pourrait être cool des cours de karaté, d’autodéfense, un truc du genre. Je serais trop bonne, j’en suis certaine.  

« Trouvé » ? Genre comment ça, il a trouvé ma peluche !? Il ne l’a même pas dans les mains et le dude vient me dire qu’il l’a trouvé. Et genre, je ne sais même pas si on est proche de l’endroit où elle est tombée, c’est du gros n’importe quoi ça !

- Pas besoin de le savoir pourquoi ou comment, ça se voit à ta tête, tu es un magicien ! C’est juste que tu manques un peu de sérieux parce que tu n’as pas ton chapeau et ta cape.

En vrai, s’il ne veut rien me dire, bah tant pis, je suis curieuse, mais je ne veux pas non plus qu’il se pousse sans rien dire, sans que j’aie ma peluche entre mes pattes. Du coup, je préfère jouer la carte des trucs idiots, dans l’optique ça le fasse rire un peu.  

Et tant qu’à être dans les trucs idiots, je trouve que c’est une excellente idée de continuer sur ça. C’est assez facile. Alors le monsieur qui m’aide s’appelle Sam. « Sam aux belles fesses ». Ce surnom-là me fait quand même sourire. Il faudrait vraiment que je mate pour vrai.  En tout cas, il est désirable je trouve. Il doit avoir une copine, tout ça. C’est toujours ça le problème avec les BGs : ils ont toujours des copines trop jolies et tout ça. Ce n’est pas juste.  

- L’homme que j’ai maté, c’est vrai que ça te va bien, mais c’est qu’il y en a beaucoup que je mate dans une journée, j’t’oublierais facilement.

D’ailleurs, maintenant qu’il s’est présenté, je peux faire pareil.

- Moi c’est Amelia, si tu es trop paresseux, tu peux aussi m’appeler Ame, je vais me retourner quand même. À moins que tu ne préfères un autre surnom genre « la beauté fatale que j’ai aidé l’autre soir ».  

Je lui fais un retard taquin, m’attendant pas à de tel compliments de sa part. Puis, je ne sais pas trop encore pour sa récompense, je lui renvois donc la balle, c’est plus simple comme ça, et ça va me laisser le temps de réfléchir un peu.  

- Et pour ta récompense… J’ai quelques idées, mais je voulais savoir si tu n’avais pas un truc en tête avant.  Je ne veux pas que mes idées te déçoivent.  

Je ne sais pas trop comment prendre son commentaire. Dans une sens je pourrais être flattée parce que, je n’y suis pas allée de main morte en lui fonçant dedans… En fait non, c’est lui qui m’a foncé dedans et pas l’inverse. Qu’il se calme lui ! Et je me dis que s’il y a un gars qui me veut du mal, il ne verra rien parce que je vais utiliser mon super pouvoir pour lui donner des coups super vite, notamment dans les parties (et peut-être ailleurs si j’ai le temps), assez pour qu’il ait le souffle coupé et qu’il s’en veuille à tout jamais d’avoir voulu tenter de me toucher.

- En autre…

Je laisse un petit côté mystérieux à mon super secret. J’ai vraiment été tenté pendant une faction de seconde de lui dire que c’était à cause de mes beaux yeux, mais je suis certaine qu’il ne m’aurait pas cru.

- Ah, non ! Ce n’est pas un crime de dire la vérité à ce que je sache. Et ce n’est pas moi qui va t’en empêcher.  

Je lui souris également, puis je continue de le suivre. Je sais pas mal où on s’en va, puisqu’en ce moment on rebrousse avant tout le chemin que j’ai parcouru. Je dois dire que je regarde tout de même un peu partout pour m’assurer qu’on ne passe pas devant ma peluche sans qu’on s’en rende compte.  

Je relève la tête lors qu’il me propose que je lui fasse visiter un peu la ville. À ça ! Je suis tellement bonne pour connaître tous les racoins de la ville. Ça fait tellement de temps que j’y suis, que je connais les bons « spots » et j’ai mes préférés aussi. La meilleure boîte de nuit, le meilleur resto, la meilleure vue. Enfin… Selon moi. Je trouve que l’offre est très intéressante et je ne peux qu’approuver sa proposition.

- Si tu es capable de me suivre, bien sûr que je peux être une excellente guide ! J’sais pas encore ce que je vais te montrer, mais je trouverais bien un truc super sympa. Je connais pas mal tout ce qu’il faut savoir ici et les endroits sympas à voir. Tu viens d’où d’ailleurs ? Ça fait combien de temps que tu es ici ? Est-ce que tu fais juste jouer les touristes ou tu vas rester pour un bout ?

Je n’ai pas pu m’empêcher de me mettre à lui poser quelques questions. Je suis vraiment curieuse de savoir d’où il vient. Il parlait anglais tantôt, ça réduit quand même les possibilités… Sauf que bah… Ça fait quand même beaucoup de possibilités tout de même. Je suis curieuse d’en apprendre un peu plus sur ce Sam. Je ne sais pas s’il va rester tout aussi « mystérieux » ou s’il va plutôt répondre à mes questions.  

Finalement, je me dis que j’aurais pu faire une bonne journaliste, poser toutes sortes de questions à tout le monde. Je pourrais faire mon propre journal à potin… Ou peut-être juste un blog… quoi que c’est pas mal passé date… Peut-être faire des vidéos youtube… Un truc du genre… Il faudrait que je réfléchisse à ce projet.  

Son « petit talent » est clairement quelque chose qui m’intrigue, mais j’ai bien compris qu’il ne m’en dirait pas plus que ce qu’il me donne déjà. Disons qu’on va profiter de ce qu’il me donne et la prochaine fois, avec un peu de chance, il voudra bien me dire ce qu’il en est. J’ai soudainement un éclat d’idiotie qui me traverse et je ne perds pas une seule seconde pour le partager.

- En fait, t’es un stalker ! C’est pour ça que tu peux retrouver tout et n’importe quoi, je comprends maintenant !

Je le regarde, plutôt amusée. En aucun cas je lui dis ça pour le provoquer… Quoi que… Ça peut paraître pour de la provocation également. Mais ça m’amuse. Aussi bien d’assumer. Je l’aime bien ce Sam, je suis bien contente de pouvoir lui faire le tour de la ville prochainement. Il m’apprend qu’il est ici depuis quelques semaines, je comprends mieux pourquoi il a besoin d’un guide de ville maintenant.

- Oh c’est chouette que tu restes plus longtemps, tu vas voir que c’est sympa ici ! Enfin, moi j’aime bien. Et ouais je vis ici, mais ça ne fait pas si longtemps, bientôt un an que j’ai mis les pieds ici pour de bon ! En fait, je viens de pas si loin de chez toi, je viens du Canada… Quoi qu’en même temps, ça dépend où tu viens des États, parce que le Texas, par exemple, ce n’est pas à la porte d’à côté.

J’explique à Sam un peu tout, ce pourquoi je suis là, sans vraiment l’expliquer non plus. C’est difficile de lui dire que je m’ennuyais beaucoup trop de mon frère et c’est pour ça que je suis ici… Enfin, que je suis venue ici pour la première fois.

- Sauf que ça fait longtemps que je viens ici, à vrai dire, mon frère habite la ville depuis de nombreuses années et je venais passer mes étés ici. Maintenant je connais la ville comme le fond de ma poche !

Et c’est peu dire ! En fait, je me rends compte que c’est encore à cause de lui si je suis encore ici. Mais ici, avec Sam. C’est à cause de la peluche, c’est à cause de mon voyage en sa compagnie. Je ne suis pas triste que ce soit le cas. En tout cas, si Sam me permet de remettre la main sur ma peluche, ce sera un mal pour un bien.

- Aujourd’hui, mon grand frère a déménagé à la campagne et c’est de là que je venais. Il m’avait invité à passer quelques jours chez lui. C’était vraiment bien ! Je suis contente d’avoir pu jouer avec mon adorable petite nièce. Je dois dire par contre que je suis bien contente de retrouver la ville, j’aime plus quand c’est animé. Et pour y aller, j’avais pris le bus.

Je finis par prendre une immense respiration, j’ai décidément beaucoup trop parlé. Je m’en sens presque coupable, mais pas tellement non plus. Les joues un poil rougies, je finis par lui dire :

- Désolée, visiblement, je suis vraiment en train de te raconter toute ma vie. Et toi ? Raconte un peu ! Pourquoi partir des USA pour venir jusqu’ici ?

J’aimerais bien qu’il me raconte un peu sa vie, je suis curieuse de savoir ce qui lui a poussé à partir des USA pour ici. Je suis certaine que la plage pourrait être une bonne excuse, tout comme les jolies italiennes. Peut-être qu’il est parti retrouver l’amour de sa vie, comme dans les films niais que l’on voit tant. Je continue de le suivre, cherchant quand même ma peluche au passage… Sauf que moi, je ne vois pas grand-chose. Lui en tout cas, il semble savoir où il s’en va.

J’opine de la tête. Oui, être stalkeur c’est une façon comme une autre pour contribuer à trouver des objets perdus. On doit quand même dire que ce n’est peut-être pas la façon la plus rassurante de le faire. Faudrait qu’il rende ça un peu charmant pour ne pas donner l’impression d’être le mec le plus chelou de l’univers. Quoi que peut-être un peu moins chelou que ces gens qui volent des sous-vêtements féminins. J’ai entendu parler de ça quelque part, je ne sais plus trop à quel endroit. Bref.  

J’ai beau placoter pour trente, je me fais quand même un peu plus discrète lorsque vient le temps à Sam de me parler un peu de sa vie. Je le suis, j’comprends pas tout à fait où il va, mais il a l’air d’être le genre de mec qui sait où il s’en va. Tant qu’il ne fait pas le chemin jusqu’à chez mon frère, ça me va… S’parce que mon frère habite vachement loin quoi ! Enfin, vachement loin lorsqu’on est à pied. Pour moi, c’est quand même pas pire loin avec mon pouvoir, mais je ne vais pas traîner Sam sur mon dos pour que nous allions plus rapidement.  

Donc, Sam c’est un touriste. C’est quand même cute de voir qu’il voulait connaître l’endroit où ses parents se sont rencontrés ! Je ne me souviens pas si mes parents m’ont déjà dit à quel endroit exactement ils se sont rencontrés. Ça se peut aussi que j’ai oublié. Peut-être qu’il est romantique ? Je buche cependant à la phrase « Et pourquoi ne pas savoir qui ils étaient également. » Il ne connait pas ses parents ? Je fronce les sourcils.  

- Wesh. Rien de « grandiloquent ». Tu sors les mots à rallonge toi ! Comment ça tu ne connais pas tes parents ?

Je dis ça un peu brusquement, mais c’est un peu sous l’effet de la surprise, rien de bien méchant. C’est juste que je veux comprendre. Comment ça il ne connaît pas ses parents ? Je me mets à me faire des films dans ma tête. Peut-être que ses parents l’ont abandonné à la naissance. Peut-être qu’il a été genre une version gars d’Aurore, genre l’enfant martyre ? Ou… Ou… ou pleins, pleins de choses ! Je n’ai pas vraiment de réponses pour satisfaire ma curiosité et ça m’énerve en ce moment.  

Surtout que là, il me reparle de ma peluche. Un gamin l’aurait ramassé. Sur le coup, je ne peux pas m’empêcher de faire la moue, déçue. Et s’il ne veut pas me la redonner ? Je ne peux pas m’empêcher de me demander comment il se faisait que Sam sache une telle chose, mais puisqu’il m’a dit de ne pas poser de question à ce sujet, je reste silencieuse, je m’en mords même l’intérieur de la joue tant que ça me démange !

Je m’arrête un moment lorsque je réalise qu’il va falloir retirer la peluche des mains d’un enfant. Prise de doute, je me mets à parler à toute vitesse :

- Tu… Tu crois qu’ils vont comprendre ? Je ne voudrais pas faire pleurer le gamin parce que je lui enlève une peluche trop jolie parce que c’est la mienne. Je sais que je suis pas mal grande pour avoir une peluche.

Je suis prise par des millions de doutes. Surtout le fait qu’un gamin se mette à pleurnicher parce que je lui demande de me donner la nouvelle peluche qu’il vient tout juste de trouver sur le sol. Peut-être aussi que la mère va se moquer de moi parce qu’elle m’appartient. Je peux toujours dire que c’est un cadeau pour ma petite nièce. Ouais, le coup de la nièce n’est pas mauvais. Et même que pour me faire pardonner, je pourrais donner au gamin quelques bonbons.  

Brusquement je dis :

- OK. On y va. Sinon je vais changer d’avis.

Je me mets à avancer même si je ne sais même pas si c’est la bonne direction.

Je regrette d’avoir posé une question un peu trop personnelle à Sam maintenant. Clairement, je ne m’attendais pas à une telle réponse et ça me choque un peu. Il a été adopté. Mais ce n’est pas tant le fait qu’il a été adopté qui me choque, c’est surtout de la façon dont il m’a dit ça. Comme si lui et ses parents ne s’étaient jamais vraiment « désirés ». C’est bizarre. C’est malaisant. C’est rare, mais ça m’a complètement cloué le bec.  

- Ah.

C’est la seule chose je trouve à lui dire. Bien heureusement qu’on reparle assez vite de la recherche de ma peluche. Je ne suis pas encore enchantée à l’idée de devoir la reprendre des mains d’un gamin. Il me dit qu’il n’est qu’un gamin.  Et je me dis que si j’étais le gamin en garçon, je piquerais l’une de ces crises parce qu’on vient de me prendre mon nouveau jouet. Je tique un peu quand même.  

Sam me donne le chemin à suivre. Ah ouais, je vois bien quelques gamins qui jouent dans l’air de jeu. Je me dis que si je fais ça bien rapidement, le gamin n’y verrait que du feu (rose) et voilà, ce serait terminé. Je ne sais pas, je n’en sais rien.

- Ok. Cool. Merci.

Même si c’est vraiment gentil à Sam de m’indiquer le chemin et tout, je ne me sens pas encore convaincue que ce soit la bonne chose à faire. En même temps, c’est la seule chose que je puisse faire, si je veux la ravoir. Je prends donc mon courage à deux mains.  

- Je reviens.  

Avant de me dégonfler, je pars, je marche d’un pas rapide, plus rapide qu’une personne normale, clairement. Il y a comme l’adrénaline qui me donne une poussée supplémentaire qui active mon pouvoir. Je n’ai pas l’air de Flash, mais l’effet peu paraître un peu étrange. À vrai dire, ça ne me dérange pas du tout. Je fais bien ce que je veux après tout.  

Une fois dans l’aire de jeu, je regarde les gamins… Enfin, je cherche surtout ma peluche. Mes yeux se posent sur un jeune garçon qui joue avec mon écureuil, alors que sa mère le surveille. Je m’approche de la mère et je fais des yeux de chats mignons alors que je lui explique que c’est ma peluche que j’ai fait tomber en sortant du bus. Elle semble un peu réticente sur le coup. Je sors même une photo de la peluche qui était câlinée par ma nièce pendant que j’étais avec elle. Comprenant que je n’étais pas en train de lui raconter des bêtises, elle finit par admettre que j’ai bien raison.

Par contre, le gamin est beaucoup moins raisonnable que sa mère et ne veut absolument pas me laisser ma peluche, même si on a beau, sa mère et moi, lui expliquer qu’elle m’appartient. Bien entendu, il se met à pleurer et là, je ne sais plus du tout quoi faire pour ça. Même sa mère semble un peu exaspérée de la scène. Je pose mon sac sur le banc à proximité et je sors un sac de bonbons aux saveurs variées.  

Je me penche vers le gamin, lui disant que nous allons faire un échange, ces bonbons contre ma peluche… S’il est incertain sur le coup, sa mère l’encourage et voilà que je remets la main sur mon écureuil bedonnant.  

Je les remercie chaleureusement, puis je me sauve aussi rapidement que je suis arrivée dans le parc, ou peut-être un peu plus vite qu’à mon arrivée. J’ai peur que le gamin change d’avis. Je rejoins Sam, même pas essoufflée.  

- Bon voilà, c’est fait.

Je ne suis pas des plus heureuses de cette péripétie. Je préfère ne pas donner de détail. J’ai ma peluche et je la serre fort dans mes bras, comme si j’ai peur qu’elle m’échappe à nouveau.  

- T’avais raison, c’était bien un gamin qui l’avait avec lui.  

Je pousse un soupir. Tout ça m’a encore plus fatiguée que je ne le pensais. C’est un mélange du trajet, de l’ascenseur émotionnel et toutes ces péripéties qui font que je suis complètement crevée. Je pense que je vais prendre une rapide douche en rentrant et juste… me coucher, après avoir salué mes colocs.  

Je ne peux pas m’empêcher de faire une grimace à Sam, tant qu’il m’embête avec sa question. Je n’avais pas besoin qu’il me la ramène sur le tapis. Je veux dire, le gamin m’a assez gossé que j’ai bien envie de passer à autre chose. Je lève les yeux vers le ciel pendant un moment, avant de reprendre un peu contenance, même si c’est assez difficile, presque impossible. J’ai peut-être le ton un peu sec en répondant à Sam.

- Il n’était pas raisonnable surtout. Il ne voulait pas me la rendre. Ce n’est pas le meilleur sentiment du monde quoi. Mais là, c’est fait, n’en parlons plus.

Il a beau se trouver drôle, mais genre, ce l’est pas du tout. J’aurais bien aimé le voir, lui, à ma place, à gérer le gamin et sa mère. C’était pas une partie de plaisir et moi aussi, j’aurais bien rigolé à le voir galérer. Je serre un peu mon écureuil, question de me changer les idées un peu.

Sam rajoute qu’il vient de voir le fait que j’avais fait tomber mon écureuil en peluche. Je suis perplexe pendant un moment. Je me dis qu’il doit avoir un pouvoir, comme moi, je sais bouger rapidement, je ne sais pas, c’est plausible, pas impossible. Me semble que c’est assez probable, pas impossible, mais probable. Je juge Sam du regard pendant un moment, les yeux plissés, comme si je m’attendais à une révélation. Je veux dire, je ne suis pas débile non plus, là, ça fait. Il savait clairement où était ma peluche…

Est-ce que se serait lui qui aurait enlevé ma peluche pour la lui donner au gamin ? Non, peu probable, sinon il n’aurait pas pris la peine de me donner un coup de main pour la retrouver et faire pratiquement tout le chemin en sens inverse.

- Tu l’as vu, tu es donc un voyant. T’en fais pas, je ne vais pas le gueuler à tout le monde ton petit secret. En vrai, tout le monde à ses secrets.

Je lui tapote l’épaule, même s’il est plus grand que moi, lui montrant que j’ai compris son secret, mais que je ne le dirais à personne. Est-ce que j’ai vraiment compris ? Pfff. Mais en tout cas, ça me fait bien rire de lui faire croire que c’est le cas. S’il est voyant, il vient pas mal de se compromettre de toute façon.

- Tu as toujours raison, jusqu’à ce que tu aies tort, c’est ça ?

Je le nargue un peu, ça me fait du bien. Je veux dire qu’il est juste bizarre et avec tout ce qui vient de se passer, je me dis qu’il faut que je ris un peu… Même si ce n’est pas particulièrement évident.

- En tout cas, merci d’avoir retrouvé ma peluche. Si tu veux, je te libère, j’connais le chemin jusqu’à chez moi. Tu as probablement autre chose à faire, de beaucoup plus palpitant que de rester avec moi. Enfin, sauf si tu y tiens, ça me dérange pas vraiment.

Enfin, je veux dire, je n’ai plus besoin de lui, pas plus que ça. Il m’a aidé à retrouver mon écureuil, je l’ai remercié, je me dis qu’après ça, il peut vaquer à ses occupations, aller chez lui. J’sais pas c’est où chez lui. Moi je commence à avoir pas mal hâte de retourner à l’appartement et juste me laisser mourir sur mon lit et dormir beaucoup, beaucoup. Mais s’il tient à continuer à me suivre, je vais survivre aussi, je trouverais bien quelque chose.