L'air iodé de l'aventure |PV Sorina|

La journée de boulot s’était terminée sans encombre pour Noah. Enfin… Peut-être juste pour lui en réalité. Il fallait dire que depuis qu’il avait fait la connaissance de Rafaël lors de cette excursion en forêt pour faire du cross avec le vélo de ville de sa mère, les deux collègues étaient devenus assez proches. Un vrai petit duo comique ! Du coup, si Noah s’amusait encore plus en délirant avec la nouvelle pompière, il avait bien senti que la plupart de ses collègues étaient un peu dépités de voir qu’à présent, ils seraient deux à faire les conneries ! Mais au moins, on ne pouvait par leur reprocher de ne pas mettre l’ambiance ! Et si en plus ils faisaient parfaitement leur boulot… Ils étaient juste un peu fatigants par moments, mais tout le monde les appréciait et s’amusait de leur complicité qui s’était rapidement développée.

Quoi qu’il en soit, après avoir quitté la caserne à la fin de sa journée de boulot, Noah se rendit directement au complexe sportif pour faire un peu de basket. Il dut regarder à plusieurs reprises l’heure sur son portable, parce qu’il devait passer au port en début de soirée, afin d’accueillir son petit-frère qui était de retour d’un court voyage dans le sud de l’Italie. Tout le reste de sa famille était assez occupé, et comme ils étaient tous très soudés, il était hors de question que le petit Liam fasse son retour sur l’île sans personne pour lui faire un gros câlin de bienvenue ! Et juste pour être sûr de ne pas louper le coche, Noah avait même mis plusieurs alarmes. Le problème quand on était aussi accro au basket que lui, c’était qu’il était bien souvent difficile de s’arrêter parce qu’on ne voyait pas du tout le temps passer !

Grognant quand même quand la sonnerie parvint jusqu’à ses oreilles, alors qu’il terminait un magnifique dunk, Noah s’empressa de ranger son ballon dans son sac de sport, après s’être épongé avec une serviette. Il prit quelques instants pour se poser et se désaltérer, puis il se rhabilla, enfilant un sweat par-dessus son maillot de basket. Tant pis, il garderait son short lui descendant jusque sous les genoux pour le trajet, il se changerait une fois de retour dans son appartement. Troquant ses chaussures de sport contre des chaussures de ville, la dégaine de Noah était donc… « parfaite ». Heureusement que sa belle gueule rattrapait un peu son manque de style flagrant du moment ! Si sa mère, ancienne mannequin, le voyait accoutré comme ça… Elle ferait sans doute une syncope !

Son sac en bandoulière sur son épaule, Noah quitta donc le complexe sportif pour aller à pied jusqu’au port. Il préférait marcher plutôt que de prendre les transports en commun, c’était plus vivifiant, surtout avec l’air de la mer qui lui fouettait le visage alors qu’il longeait la côte ! Son casque sur les oreilles, ayant mis de la musique sur son téléphone, Noah arriva donc pile poil en même temps que le bateau. Il avait juste piqué un petit sprint final en entendant sa corne résonner, annonçant son entrée dans le port. Stoppant sa musique et baissant son casque pour qu’il soit autour de son cou, Noah glissa ses mains dans les poches de son sweat, un grand sourire aux lèvres, prêt à accueillir son cadet.

La tête brune qu’il affectionnait tant se rapprocha de lui en même temps que tout un tas d’autres passagers, Noah n’attendant même pas qu’il y ait un peu moins de monde pour foncer sur son frère et lui faire un énorme câlin, le soulevant même du sol.

« Liaaaaam ! Bon retour à la maison ! T’as fait bon voyage ? T’as fait plein de photos ? T’as faim ? T’as bien dormi ? »

Quel grand-frère poule celui-là… Il lâcha son cadet après que celui-ci lui eut fait un gros câlin et un bisou en retour, attrapant sa valise pour lui éviter d’avoir à la traîner sur tout le trajet du retour. Noah comptait bien le raccompagner jusqu’à chez lui et… Peut-être qu’ils mangeraient ensemble avant qu’il ne rentre dans son appartement à lui !

Mais pendant leur embrassade, la foule s’était dissipée. Il ne restait plus qu’une personne, toute seule, qui semblait un peu perdue. Noah la regarda avec un air intrigué, son frère le poussant dans le dos avec un sourire, se doutant bien qu’il crevait d’envie d’aller lui donner un coup de main, si tant est qu’elle en avait besoin. Noah lui fit un petit sourire en coin, et s’approcha donc de cette personne inconnue avec un visage radieux.

« Bonsoir ! Est-ce que je peux vous aider ? Vous avez l’air un peu perdu alors si je peux vous donner des indications ou autre… Vous n’êtes pas d’ici ? Vous connaissez un peu Banchisa ? Ah… Ou alors vous attendez peut-être juste quelqu’un… Désolé si c’est le cas, mais si vous vous ennuyez, je peux aussi attendre avec vous ! Ah, au fait, moi c’est Noah ! »

Même si cette personne attendait effectivement quelqu’un ou refusait tout simplement son aide, Noah avait tenu à se présenter, souriant toujours aussi chaleureusement en tendant sa main. On l’avait bien éduqué et il avait toujours été très sociable, c’était donc quelque chose qu’il faisait très souvent. Sans doute que la moitié de la ville le connaissait du coup !

Sorina avait fait un long voyage sur ce bateau qui allait accoster au port de Banchisa. Elle faisait rouler sa valise d'une main, pensive en regardant le paysage. Les derniers mots de sa mère étaient qu'elle devait lui écrire tous les jours. Les derniers mots de sa tante étaient de laisser sa mère tranquille et de profiter de sa nouvelle vie. Ironiquement, la jeune Bellini souriait en se remémorant leur dernier déjeuner ensemble. Elle était rassurée de savoir sa mère en sécurité et bien épaulé. Tout en sachant pertinemment que son père n'oserait jamais traverser l'Atlantique pour aller la chercher là-bas, car il détestait sa sœur. D'ailleurs, Sorina pouvait confirmer que sa tante pouvait être un peu colérique. Elle en gardait même un douloureux souvenir. Sa tante qui lui criait des bêtises en Italien pour faire sortir un parfait inconnu de sa chambre. Je ne vous raconterai pas le sermon qu'elle reçut d'abord, pour ensuite recevoir une claque dans le dos de félicitations. À croire que sa tante notait les étalons et les brebis égarés qui finissaient dans le lit de sa nièce.


*Ah! Ce qu'elle va me manquer… * pensa-t-elle avant de sortir une lettre de sa poche. Une lettre qu'elle n'avait pas encore osé ouvrir. Sur l'enveloppe, d'une écriture élégante et délicate, il n'y avait que son prénom. Elle reconnaissait là le style d'écriture de sa sœur Helena et Sorina se doutait que les propos tenus dans cette lettre, n'allait pas être agréable.


Elle s'empressa de l'ouvrir et lu brièvement le petit mot tout en s'approchant du bord du bateau. Sorina eut un petit rictus et leva les yeux au ciel. Si elle n'avait pas ses lunettes en ce moment, les gens auraient pu remarquer que ses yeux avaient pris une teinte légèrement rouge avant de revenir au vert émeraude. Elle était en train de déchirer la lettre en mille petits morceaux quand le capitaine signala leur arrivée au port. Pas question d'accepter ne serait-ce que quelques minutes de plus à la teneur de cette lettre. Sorina s'était promis de ne pas regarder derrière et de vivre sa nouvelle vie sans se soucier de ce que son père pouvait bien penser d'elle. Le pied sur la terre ferme, elle respirait l'air frais tandis que tout le monde se prenait dans les bras ou s'embrassait. La brunette n'attendait pas personne en particulier, alors elle sortit la brochure de Banchisa et commença à le feuilleter dans le but de trouver un endroit pour passer la nuit.



« Voyons voir…non pas ici… » Murmura-t-elle pour elle-même sans se soucier qu'il y avait encore du monde autour d'elle. En fait, pour être plus précise, un homme s'était approché et lui proposer son aide. Pendant qu'il lui posait toutes ses questions, Sorina clignait des yeux et l'observait attentivement. À voir sa tenue et sa carrure, Sorina tentait de deviner à l'avance ce qu'il faisait comme métier. La soudure? La mécanique? Non, ses mains n'étaient pas assez calleuses pour ça. De l'athlétisme? Un entraîneur? Si elle avait pu en ce moment, elle se serait frappé le front d'un coup poing. Ce n'est pas parce qu'il portait un sweat et un short que cela faisait de lui un entraîneur. La preuve, elle ne se promenait pas en bikini en ce moment. *Un instant, ça n'a aucun sens, commence par te présenter et ensuite tu perceras ce mystère… *


Comme si l'homme devant elle était une énigme à percer... Ce la jouant Colombo, elle pencha la tête vers l'avant tout en faisant glisser ses lunettes sur le bout de son nez avec un petit sourire en coin. Comme si son regard pouvait tout analyser. En fait, non pas du tout, mais elle avait toujours rêvé de faire ça, au moins une fois. Elle n'avait aucune idée s'il était un sorcier ou non, mais Sorina semblait trouver drôle de prendre le risque pour s'imaginé le corps musclé de l'homme accueillant qui l'intriguait. Ses yeux émeraudes avaient un éclat un peu plus lumineux, puis l'Américaine replaça ses lunettes avec son index pour ensuite lui dire :


« Bonsoir Noah! Tu tombes bien, je suis nouvelle sur l'île et je n'ai aucune idée où aller pour me restaurer. Est-ce qu'il y a un hôtel dans le coin qui prend des locations de dernières minutes? C'est tout moi, j'ai oublié d'appeler en avance et en plus, je ne connais personne ici. Avant que tu me poses la question, oui oui je suis saine d'esprit et je ne suis pas partie sur un coup de tête. En fait si, mais j'ai obtenu un travail et je commence demain. Je n'ai juste pas planifié…le reste du voyage. J'avais surtout prévu de manger un bout en feuilletant cette brochure et réfléchir à la suite. » Avoua-t-elle penaude. Au même moment, elle remarqua quelqu'un derrière son sauveur mystérieux qui semblait attendre. « Oh! tu peux juste m'indiquer sur la carte les restaurants et les hôtels abordables, ne t'inquiète pas, je peux me débrouiller pour le reste. »


S'il y a bien une chose que Sorina détestait, s'était de s'imposer dans une réunion de famille ou de couple. Ne sachant pas la nature de leur relation, elle préférait laisser sous-entendre qu'elle pourrait se débrouiller. Et puis, la Bellini prévoyait déjà d'apprendre à le connaître dans les jours à venir. Et pour conclure cet échange, son estomac gargouillait, lui rappelant sa faim.


« Rassure moi, il y a de la pizza ici? » Demanda-t-elle sérieusement. *Pour vu que sa réponse est oui, sinon mon année de travail ici va être longue. *

Poussé dans le dos par son cadet, Noah s’était donc approché de cette jeune femme qui semblait un peu perdue, la brochure locale dans les mains. L’Américain fut ensuite un peu surpris de la voir l’observer en baissant ses lunettes, dévoilant ainsi de jolis yeux émeraude, mais il ne s’attarda pas davantage dessus, attendant que la nouvelle arrivante lui dise si, oui ou non, elle avait besoin d’aide. Un grand sourire se dessina alors sur les lèvres de Noah quand l’inconnue lui expliqua sa situation. C’était donc bien une nouvelle venue ! L’Américain lâcha même un petit rire quand la demoiselle lui assura que non, elle n’était pas partie sur un coup de tête. Enfin… Presque pas. Ce fut toutefois Liam qui prit la parole le premier, se rapprochant des deux autres avec un doux sourire aux lèvres.

« Bienvenue à Banchisa alors ! Et ne vous inquiétez pas pour moi, je connais le chemin jusque chez moi et je sais d’avance que Noah sera insupportable si on vous laisse vous débrouiller. Je préfère de loin qu’il vous guide pour vos premiers pas à Banchisa plutôt que de l’entendre toute la soirée s’inquiéter pour vous ! En tout cas, j’espère que vous vous plairez ici ! »

Le sourire de Liam s’étira davantage, avant qu’il ne vienne faire un nouveau câlin tout tendre à son grand-frère, qui le prit dans ses bras et lui fit ensuite un signe de la main avec un air gêné, son autre main venant frotter sa nuque. Allons bon… Pour quoi allait-il passer devant cette nouvelle arrivante maintenant ?

« Ehm… Désolé, j’étais simplement venu le chercher au bateau pour le raccompagner chez lui et… Je crois qu’il a raison, ça m’aurait quand même franchement embêté de te savoir toute seule en ville à essayer de te débrouiller… Alors, commençons par le commencement : évidemment qu’il y a des pizzerias ! Je te propose même qu’on avance pour en trouver une histoire de te remplir un peu l’estomac ! Est-ce que je peux t’aider avec tes bagages ? »

Noah tendit sa main vers la jeune femme d’un geste avenant, son sourire ne quittant pas ses lèvres.

« Ah, au fait… Histoire que je t’appelle pas « Hey » sans arrêt, est-ce que tu pourrais juste me donner ton prénom ? Ça sera plus simple comme ça ! »

L’Américain pouffa et attendit que la jeune femme soit prête pour commencer à avancer sur le ponton, en direction de l’effervescence de la ville.

« C’était la brochure de Banchisa que tu regardais ?  T’as déjà repéré des trucs qui t’intéressent ? Profites-en, je suis à ta disposition pour la soirée, alors tu peux me demander tout ce que tu veux ! Enfin… Dans la limite du raisonnable quand même ! Te trouver un hôtel, je pense que c’est faisable, et si jamais c’est trop compliqué, maintenant tu connais quelqu’un sur place, alors tu ne seras pas à la rue. »

Noah fronça le nez en tournant son visage vers la demoiselle. Il faisait sans doute trop vite et trop facilement confiance aux gens, mais oui, il était clairement en train de lui dire que, si jamais elle ne trouvait pas un hôtel où loger au moins cette nuit, il pourrait toujours l’héberger chez lui en attendant.

« Au fait, c’est quoi ce travail que tu commences demain ? »