Regard sur le passé [Pv Sunny]

- On ne sait pas comment il a fait, mais il est parvenu à retrouver ce gosse en 1h alors que nous étions à sa recherche depuis 48h. Il parait que son père a fait appel à lui quand nous lui avions dit qu’au bout de 48h, les recherches étaient suspendues.
- C’est louche non ? Il devait forcément savoir où il se trouvait… ou alors c’est l’un d’eux ? Tu crois qu’il est suspect dans cette affaire.
- Non, je ne pense pas, mais bon, vu comme il a parlé au chef… il est bon pour 2 jours de gardes à vue. D'ailleurs, j'ai jamais vu le chef sortir aussi rouge de cette sale. Ça a fait le tour du commissariat cette histoire ? Le pire, c’est qu’il nous a clairement fait passer pour des incompétents pour le coup.

Les deux policiers de la machine à café continuèrent la discussion.

« Si on veut vraiment savoir tout ce qu’il s’est passé, il faudrait remonter quelques heures plus tôt. Alors qu’un gamin croupissait, tombé dans un trou sur un chantier, mise en pause le temps que la pluie se calme. Il ne savait pas depuis combien de temps, il était là. Quelle idée de vouloir faire ce défi stupide qu’on lui avait lancé à l’école… Il devait ramener des photos d’un lieu interdit et n’avait pas trouvé mieux que ce chantier trois quartiers plus loin. A un moment, il avait entendu quelqu’un parler… Une lampe avait balayé le trou, mais sans passé sur lui et il était tétanisé de froid… paralisé. Mais une nuit, plus tard, un homme l’a appelé par son prénom et à trouver une échelle pour descendre. Il parlait avec gentillesse, tentant de le calmer. Lui demanda de se maintenir sur son dos, ce fut dur et long, un de plus long moment de sa vie, mais une fois dehors, l’homme aux cheveux blancs le reprit dans ses bras et le maintenu malgré le poids de ses huit ans. Plus tard, il retrouva son père et sans comprendre pourquoi les forces de l’ordre avaient emmené son sauveur sans aucune forme de procès, malgré les vives protestations de son père. »

C’est ainsi que Sam se retrouva confronté au chef de service dans une petite pièce servant au interrogatoire. L’homme ne semblait pas méchant au fond, mais le jeune homme lui ne pouvait pas supporter la situation, il avait simplement rendu service à un voisin en détresse.

- Alors dite-moi Samuel Winters, vous avez un pouvoir, je suppose, ce serait bien la seule chose qui expliquerait votre facilité à retrouver cette enfant. Si c’est le cas, quel genre de pouvoir est-ce ?
- Le genre à faire parler les débiles est encore activé visiblement…

Samuel ne se confierait pas aussi facilement, son pouvoir étant avant tout son outil de travail. Cela énerva le chef visiblement et il ne passa pas moins d’un quart d’heure à se faire réprimandé de toutes les façons possibles. Mais ne se laissa pas démonté, toujours la parole légère. Il parvint à rester secret jusqu’au bout et fini dans une cellule de garde à vue. Ses oreilles eurent tôt fait de traîner quand son gardien eut un appel d’un collègue.

- Quoi ? Sérieusement, ils ont mis la nouvelle sur cette affaire ? La pauvre, elle a vraiment le droit à aucun traitement de faveur. Surtout qu’une adolescente qui a fugué… Elle peut être n’importe où à Banchisa. Je me demande ce qu’elle va bien pouvoir faire… Oui… oui tu as raison. Oh ! Attends, il faut que je ramène le repas de midi au prisonnier.

Le voilà prisonnier maintenant ? Tss c’est ce qu’on allait voir. Samuel sourit doucement et ferma les yeux quelques instants, écoutant les bruits de pas allé et venir jusqu’à ce que les pas pesant du gardien bedonnant se firent entendre. Il se leva et avoua avec un grand sourire.

- Ah ben quand même ! Je commençais à mourir de faim… Est-ce que j’ai au moins le droit à un peu d’eau avec mon pain ? Ou j’ai été un peu trop méchant ?

Il sourit, mais au moment de s’approcher de la grille pour prendre le plateau au gardien, il trébucha et se cogna la tête ainsi qu'une partie du corps contre la grille. L’homme éclata de rire, mais inquiet s’approcha quand même un peu. Lorsqu’il repartit laissant le plateau au jeune homme, il ne remarqua même pas que ce dernier avait glissé quelque chose dans sa poche avec un petit sourire narquois. C’était trop facile, se dit-il, l'homme n'avait même pas remarqué qu'il avait simulé la douleur. Sam s’installa sur le lit de camp et commença à manger le délicieux plat de haricots qu’on lui avait ramené avant d’être interpellé.

- Eh ! Le boulet, tu as de la visite, debout !

Samuel leva les yeux au ciel en souriant et lâcha d’une voix amusée.

- Oui monseigneur, ouaf ouaf… Je ne donne pas la patte par contre. M’est avis que c’est ce que votre chef vous apprend à faire en premier… non ?

Un grognement énervé de la part du flic et un sourire satisfait sur le visage du jeune homme qui en attrapant le pain sur le plateau se dirigea vers la grille en posant un bras contre. Une asiatique se présenta à lui et Samuel ne manqua pas de dire.

- Ah, c’est beau l’Europe, toute cette diversité ethnique. Quel progrès.

Fiou ! L’italien, ce n’était quand même pas une mince affaire ! Sun-Young avait beau avoir atteint un bon niveau avant son déménagement, elle devait quand même demander à certains natifs de ralentir un peu le débit de parole pour réussir à bien tout comprendre. Cela faisait à peine une semaine qu’elle était arrivée à Banchisa, et même si la séparation avec sa famille avait été plus dure que lors de son départ pour la capitale, la Coréenne était vraiment heureuse d’avoir débarqué ici ! Rien que le trajet en ferry lui avait tiré un sourire d’une oreille à l’autre tant elle était ravie de retrouver un pied-à-terre au bord de la mer. Et comme le principal avait été réglé avant même son arrivée, Sun-Young put aussitôt prendre possession de son nouveau quartier général situé non loin de la plage et du grand phare qu’elle s’était juré de rapidement découvrir. La jeune femme avait eu le droit à 3 petits jours pour prendre ses marques avant de commencer son travail, et ce fut dès le début du mois de décembre qu’elle entama sa nouvelle page professionnelle dans la police technique et scientifique de Banchisa !

Pour quelqu’un d’aussi passionné par tout ce qui sortait de l’ordinaire, se retrouver dans un ancien refuge de sorciers était une véritable aubaine ! Elle avait même réussi à ce que son ancien supérieur lui fasse une recommandation pour qu’elle puisse travailler le plus possible sur les affaires impliquant des sorciers, même si, de son côté, son seul don était sa détermination sans faille ! Sun-Young prit rapidement ses marques, même si bon nombre de ses collègues portaient un regard sceptique sur cette petite asiatique fraîchement débarquée, qui n’avait pas une grande carrière derrière elle et qui, en plus, s’habillait vraiment bizarrement. Les jours qui avaient suivis, la Coréenne avait donc principalement observé ses nouveaux partenaires de travail, jusqu’à ce qu’un matin, on lui annonce qu’elle allait travailler sur sa toute première enquête : une adolescente qui avait fugué. Sun-Young accepta cette toute première mission avec un immense sourire et se mit aussitôt à la tâche, se rendant au domicile de la demoiselle pour enquêter avec ses collègues et épluchant les réseaux sociaux à l’aide d’indices.

Très concentrée, on finit toutefois par la sortir de sa bulle par la simple évocation du mot « pouvoir ». Tel un suricate, Sun-Young se redressa et écouta attentivement la conversation de ses collègues. Apparemment, ils avaient coffré un type qui avait un pouvoir et qui avait « miraculeusement » retrouvé un enfant qui avait disparu depuis 48 heures, en bien moins de temps qu’il n’avait fallu pour le dire. Intriguée, la Coréenne demanda où se trouvait à présent cet homme, puis elle quitta son poste en indiquant avoir besoin de lui parler pour son enquête, après avoir survolé le dossier concernant cette affaire. Vêtue d’un jean slim, de baskets et d’un t-shirt vert foncé sur lequel était floqué un tyrannosaure noir en train de cracher un arc-en-ciel, t-shirt qui était surmonté d’une veste en jean claire, Sun-Young pressa le pas avec son carnet Star Wars et son crayon à l’effigie de Gudetama dans les mains. Elle traversa tout le poste et arriva avec un grand sourire près de la cellule, s’inclinant poliment devant son collègue qui lui souhaita bonne chance avant de disparaitre.

« Bonne chance ? »

Est-ce qu’elle avait mal compris ? Pourquoi lui souhaitait-il bonne chance ? Sun-Young tourna donc son visage radieux vers le prisonnier qui lui balança une réplique des plus cinglantes pour l’accueillir. Ah, d’accord… C’était pour ça le « bonne chance »… Ce type ne semblait pas très coopératif !

« N’est-ce pas ! Vous devez savoir de quoi vous parlez en plus, j’ai cru lire dans votre dossier que vous veniez des États-Unis, ça nous fait déjà un point en commun ! Nous sommes tous les deux des étrangers sur cette petite île ! »

Sun-Young le gratifia de son plus beau sourire. Il pouvait cracher son venin autant qu’il le voudrait, elle ne se laisserait certainement pas atteindre aussi facilement ! Elle était là pour son affaire ! Et aussi pour cette histoire de pouvoir… La Coréenne s’approcha de la grille, son carnet collé contre sa poitrine par ses deux bras, puis elle détailla avec un regard pétillant de curiosité cet homme derrière les barreaux.

« J’ai aussi lu que vous étiez apparemment un sorcier ! C’est merveilleux ! Est-ce que c’est grâce à votre pouvoir que vous avez pu retrouver ce petit garçon ? Je sais qu’on vous a mis ici à cause de votre discussion ehm… houleuse avec mon chef, et qu’on vous soupçonne aussi d’être à l’origine de cette disparition, mais mon instinct me dit que ce n’est pas le cas. »

C’était un peu une raison idiote, surtout que Sun-Young voyait ce type pour la première fois, mais de ce qu’elle avait brièvement pu lire sur cette affaire avant d’arriver ici, cet homme n’avait rien de suspect. Dans quel but aurait-il kidnappé un enfant si c’était pour finalement le rendre à son père sans demander aucune compensation ?

« Je suis nouvelle, mais je peux vous dire que vous avez vraiment mis mon chef en rogne ! Enfin, je ne suis pas venue pour ça… J’aimerais savoir si vous pouviez réitérer ce que vous avez fait pour retrouver cet enfant ? Peut-être que ce n’était qu’un coup de chance après tout… »

Sun-Young fixait l’homme avec une petite moue montrant qu’elle était en pleine réflexion, son stylo venant tapoter ses lèvres. Est-ce qu’elle essayait de le provoquer en disant ça ? Peut-être ! Elle venait d’arriver et était sans doute un peu maladroite dans sa façon de faire, mais son premier supérieur avait assuré à son nouveau chef que même si elle semblait complètement à côté de la plaque, elle était d’une efficacité redoutable !

Bonne chance … oh que oui, elle allait en avoir besoin. En plus, elle semblait toute gentille la pauvre. Sam ne se laissa cependant pas vraiment amadouer et ouvrit les politesses avec autant de ferveur qu’avec n’importe lequel de ses collègues. La réponse fut cependant, inattendue. Loquace cette petite, le jeune homme cependant ne se laissa pas démonté.

- Donc j’en déduis que c’est une coutume italienne d’enfermé ceux de l’ouest derrière des barreaux et de filer le sale boulot à ceux de l’est ? Accueillant comme pays, non ?

Oui, il avait bien entendu et avait compris que ça devait être elle la nouvelle, d’autant qu’un de ses collègues avait lourdement insisté sur le fait qu’il aimait bien les petites asiatiques comme elle. Samuel lâcha un petit sourire carnassier suite à sa remarque en voyant un regard noir se poser sur lui derrière le dos de la jeune femme. Mais la suite, il avait beau dire qu’il n’avait aucun pouvoir, personne ne semblait le croire. La jeune femme était visiblement convaincue comme ses collègues. Samuel lâcha d’une voix étonnée.

- Mais … tu dois sûrement être une sorcière toi aussi ! Une telle imagination… je t’assure ! ça tiens de la magie pur ! Il n'y à pas d’autres explications. Sérieusement, c’est si rare chez vous de voir des gamins se paumer sur des chantiers… Un petit stage en Amérique vous ferez vraiment du bien. Puis votre chef a qu’à se mêler de ses affaires s’il ne veut pas qu’on lui manque de respect.

Il avait la fin avec un léger dédain affiché, même lui n’avait pas utilisé son pouvoir avant d’être sur le chantier. Bon sang, ils avaient fouillé tous les forets du coin sans même penser au plus évident. Samuel, cependant, convins que cette jeune femme avait un peu plus de jugeote car elle l’avait déjà classé comme innocent dans cette affaire, il convainc donc.

- Cela dit, vous êtes sûrement la plus sensée que j’ai croisé ici. Au moins une personne qui réfléchit un peu sous ce toit. Vous sauvez l’honneur de votre uniforme à mes yeux. Si tant est qu’il lui en reste.

Elle piqua rapidement son intérêt avec la suite, avouant enfin qu’elle était nouvelle, comme Sam l’avait supposé plus tôt. Cependant, mettre ainsi en doute les talents du jeune homme eut le don de lui faire lever un sourcil, elle avait osé dire quoi là ? Que Sam était incapable de retrouver une pauvre ado en fugue ? Non mais !

- Eh ! La chance n’a rien à voir le dedans et je peux vous le prouver autant de fois qu’il le faudra !

Il recula des barreaux avant de réalisé que c’était un piège. Bon sang, il venait de tomber dans un panneau vieux comme le monde par pure vanité. C’était du Sam tout craché, elle l’avait cerné aussi facilemen ? Non pas du tout, impossible et si Sam se défendait, elle comprendrait alors qu’il avait bien un pouvoir… Dans les deux cas en fait en faite, elle l'avait eu. Il lâcha d’une voix sur la défensive.

- Houlà, non attendez… Je vous vois venir vous. C’est juste pour vérifier la véracité de votre théorie un peu plus tôt et vous avez failli m’avoir. Bien jouer, j’ai failli tomber dans le panneau. Mais non, je ne dévoilerais pas mon pouvoir comme ça.

Cependant.

- Je vous arrête de suite avant que vous me disiez que la sécurité d’une gamine est en jeu… Je me ferais ne pas avoir ! … J’en rien à faire de cette inconsciente, c’est son problème si elle s’est mis le dedans. … Rah ! Faites-moi sortir d’ici pendant trois heures… et je vous la retrouverais. Tant qu’à y être, je me ferais un plaisir de prouver l’incompétence de votre brigade encore une fois.

Un dilemme d’ordre moral s’était déclenché dès son refus et la fois faire des allées et venues dans sa cellule avait sûrement dû être drôle alors que le jeune homme tentât de se trouver des arguments plus contre lui-même plus que contre la jeune femme.

Sun-Young ne put s’empêcher d’afficher un petit sourire amusé aux mots du prisonnier. Elle finit par hausser les épaules avec une moue faussement innocente.

« Je préfère de loin le traitement de faveur qu’on m’a réservé au vôtre ! Et puis, très sincèrement, je ne me sens même pas concernée… Qu’est-ce qui vous fait dire qu’on me refile le sale boulot ? »

C’était vrai ça ! Sun-Young était on ne peut plus heureuse de pouvoir travailler sur sa première affaire et elle le serait tout autant de plancher sur les suivantes ! Son métier, c’était sa passion et il n’y avait pas de petite affaire ou d’affaire moins importante qu’une autre. Alors même si on lui avait effectivement refilé une affaire de fugue qui ne vendait pas vraiment de rêve, la Coréenne prenait cette mission très à cœur et ferait tout pour retrouver cette adolescente avant qu’il ne lui arrive malheur. Si Samuel avait essayé de lui envoyer une pique avec ses mots, c’était encore une fois loupé !

La suite du discours du prisonnier fit plisser les yeux de Sun-Young qui croisa les bras sous sa poitrine, sans lâcher son calepin ni son crayon. Elle n’aimait pas trop qu’on manque de respect à son supérieur, même si elle ne le connaissait pas encore très bien… En tout cas, elle pensait avoir plutôt bien cerné ce type face à elle : il avait confiance en lui et n’hésitait à se montrer incisif. La technicienne décida quand même de retrouver son beau sourire.

« C’est vrai que mon imagination est assez débordante… Je suis flattée que vous pensiez que je suis une sorcière grâce à elle, malheureusement, mon seul super-pouvoir, c’est d’être ultra déterminée à résoudre les affaires qu’on me confiera. Et la preuve de son efficacité, c’est que je suis toujours là à discuter avec vous pour essayer d’y parvenir, alors que vous vous donnez pourtant beaucoup de mal pour me faire grincer des dents. Ah et, encore une fois, je ne me sens pas du tout concernée par vos critiques, puisque ça fait tout juste une semaine que je suis arrivée et que je travaille sur ma toute première affaire. »

C’était assez déstabilisant de voir que Sun-Young gardait son calme et son sourire malgré toutes les attaques de Samuel, mais rien ne pourrait ébranler sa détermination ! Il avait beau critiquer les compétences de ses collègues, la Coréenne n’était pas arrivée depuis assez longtemps pour se sentir visée. Elle afficha d’ailleurs une mine surprise aux mots qui suivirent, décroisant ses bras pour tirer avec ses deux mains déjà bien prises sur le bas de son t-shirt.

« Un uniforme ? Où est-ce que vous en voyez un, vous ? Je ne suis qu’une pauvre petite technicienne moi, vous savez ! D’ailleurs, j’ai complètement oublié mes manières, je ne me suis même pas présentée ! Je m’appelle Sun-Young Ahn, mais tout le monde m’appelle Sunny. »

La Coréenne sentit son sourire s’étirer pendant qu’elle faisait une petite révérence exagérée devant Samuel. Elle était du genre joueuse, mais elle avait l’impression d’être carrément effrontée à répondre avec autant d’aisance à tous ces mots pourtant désagréables que le prisonnier lui lançait. Et, pour continuer sur sa lancée, Sun-Young décida même de piquer l’égo de son interlocuteur. De ce qu’elle avait pu voir, elle ne doutait que peu de l’inefficacité de cette technique et elle eut raison ! Samuel avait marché dans son piège à pieds joints ! Le sourire de la jeune femme s’étira au fil des secondes, jusqu’à ce qu’un rire franc ne passe ses lèvres quand le prisonnier essaya de se rattraper, en vain.

« J’ai « failli » vous avoir ? Vous en êtes sûr ? On dirait pourtant que vous avez marché droit dans mon petit piège. Non, marcher n’est pas le bon mot… Comment on dit déjà en italien, hum… Ah oui ! Vous n’avez pas marché, vous avez carrément couru ! »

Sun-Young pouffa, mais préféra ne pas enfoncer davantage le clou, se doutant que continuer à le taquiner n’aurait qu’un effet contreproductif. Il finirait certainement par se vexer et se renfermerait sur lui-même sans accepter de l’aider dans son enquête, et ce n’était certainement pas ce que la Coréenne voulait.

« Vous savez, je ne vous demande pas de me dévoiler votre pouvoir, j’imagine que c’est quand même quelque chose d’assez intime pour un sorcier… J’avais juste besoin de savoir si vous en aviez un qui pourrait m’aider à retrouver cette jeune femme avant qu’il ne lui arrive quoi que ce soit, et vous venez de me confirmer que c’est le cas. Je n’ai pas besoin de plus. Peu importe votre méthode et votre objectif, la seule chose qui m’importe c’est de la ramener à ses parents. »

Sun-Young offrit un nouveau sourire à Samuel. S’il voulait se cacher derrière l’excuse de ridiculiser sa brigade, libre à lui. Il pourrait même cracher tout le venin qu’il voudrait sur eux si ça lui faisait plaisir, mais le principal était vraiment de la retrouver.

« Alors si vous acceptez de m’aider à la retrouver, même si « vous n’en avez rien à faire d’elle », je devrais pouvoir plaider en votre faveur et vous faire prendre un peu l’air pour quelques heures. Par contre, j’imagine que je n’ai pas besoin de vous préciser que vous reviendrez ici dès que nous aurons terminé, et que si vous essayez de vous échapper ou de nous mettre des bâtons dans les roues, les conséquences risquent d’être assez lourdes. »

Le pire avec Sun-Young, c’était qu’elle était même capable de vous expliquer les pires trucs avec un sourire d’ange… Alors, Samuel allait-il accepter ce marché ? La Coréenne avait tendu sa main libre vers lui, attendant sa réponse, tandis que son autre main maintenait son carnet contre sa poitrine. Au fond d’elle, elle espérait quand même ne pas en avoir trop fait… S’il refusait sa proposition, elle serait sacrément embêtée et elle se voyait très mal devoir le supplier !

Samuel devait admettre qu’elle était maline cette policière. Il ne l’avait clairement pas vu venir et elle n’avait pas hésité à se servir de l’élément de surprise pour le piéger. Sauf que ça ne marcherait qu’une fois. Avant d’en arriver là, elle avait voulu faire savoir qu’elle était toujours mieux lotie que lui, possiblement impossible… Samuel eut un petit rictus et dit d’une voix détendue tout en répondant à sa question une fois finie.

- Ah bon, mais je ne suis pas si mal pourtant. Je peux flemmarder autant que je veux et on m’apporte même le repas. Bon, ce n’est pas un trois-étoiles, mais je donnerais une bonne note à ma sortie. Oh ça ? Vos collègues justement, vous pensez vraiment qu’ils se soucient de quelqu’un comme moi quand il décide de papoter autour d’un café ?

Puis, il la rembarra sur son pouvoir en la taxant d’en avoir un aussi. Mais cela n’eut pas vraiment l’effet escompté… Mais c’était qui cette fille ? Qui voudrait être un sorcier dans ce monde ? Elle se donnait du mal pour ne pas se laisser atteindre et l’avouer. Mais sur ce point, elle faisait erreur, bien loin de se douter que Sam était comme un renard entouré par des chasseurs. Logique qu’il montre un peu les dents non ? Elle plaisanta aussi sur son uniforme assez rapidement, ce n’était qu’une expression, mais Samuel lâcha d’une voix amusée.

- Aucun doute que l’uniforme ne vous serez pas allé.

Puis le voilà ! Ce moment que Sam n’avait pas vu venir, elle venait de le faire tourner en bourrique et était bien la première à réussir un tel exploit avec lui. En l’espace de quelques secondes, elle avait été plus loin que son supérieur qui avait passé plusieurs heures dans une salle d’interrogatoire avec lui. Le jeune homme tenta de rattraper, mais en vain. Il lâcha entre ses dents.

- Ouais couru… C’est le mot.

Puis elle lui confia alors qu’elle se moquait bien de ses raisons, tant qu’il pouvait l’aider. En échange de quoi, elle pourrait lui permettre de se dégourdir les jambes le temps de cette affaire. Samuel l’observa d’un œil torve avant de retrouver un air plus sérieux, malgré son petit sourire. Il lâcha d’une voix calme.

- Donc, plutôt que de demander à vos charmants collègues, vous venez quémander l’aide de la personne qu’ils ont mis au trou. Vous m’étonnez, je dois l’admettre. Je me nomme Sam Winter, même si en soi, vous le saviez déjà.

Il croisa les bras. Devait-il vraiment l’aider ? Où la laisser se débrouiller ? Non en soit, ils faisaient vraiment d’une pierre deux coups, tous les deux. Sam pouvait prendre l’air tout en aidant quelqu’un et elle pourrait résoudre son affaire tout en envoyant un message clair à ses collègues… Même si ce dernier point semblait plutôt lui échapper. Samuel soupira.

- Elle a quel âge cette gamine ? C’est une ado de ce que j’ai entendu. 11 ? 12 ? Une fugue si j’ai bien compris… Vous êtes consciente qu’il peut y avoir une personne externe en cause dans cette histoire ? Un petit copain par exemple.

Il posa son pouce sur son menton et un doigt sur ses lèvres. Signe qu’il réfléchissait.

- Ça fait combien de temps qu’elle a fugué ? Si ça date d’il y a moins d’une semaine, je devrais être en mesure de remonter la piste. Au-delà… je ne pourrais rien faire pour vous. Mon petit talent de pistage à des limites.

Cependant, il devait peut-être lui avouer un petit détail avant qu’elle n'aille voir le gardien. Sinon, il ne risquait pas vraiment de pouvoir sortir d’ici. Lorsqu’elle eut fini de lui expliquer les tenants et aboutissants de cette affaire. Sam lâcha d’une voix sérieuse malgré un petit air amusé.

- Ok, j’accepte de vous aider. Mais qu’on soit clair ! Je ne le fais pas pour vous, ni pour votre brigade. Si je le fais, c’est pour cette gamine… Oh et tenez… Disons que j’aime avoir une assurance au cas où. Mais je pense que votre ami gardien de cellule sera sûrement content de les revoir. Heureusement que je l’ai et retrouvé d’ailleurs.

Il tendit les clés des cellules à la jeune femme avec un air clairement amusé. Mais d’une certaine façon, c’était un acte de bonne foi de sa part. Peut-être le couvrirait-elle pour ce petit « incident » ? Ou bien le dénoncerait-elle sans hésitation ? Quoi qu’il en soit, Samuel avait accepté son offre et pour lui, un deal est un deal.

Sun-Young afficha une petite moue aux mots de Samuel, finissant par hausser les épaules.

« Ça c’est leur point de vue. Je ne vois pas en quoi retrouver une adolescente pour la ramener saine et sauve chez ses parents serait un sale boulot. Et si c’est vraiment ce qu’ils pensent, alors ils n’ont peut-être rien à faire ici et devraient songer à se reconvertir. »

C’était assez surprenant de voir qu’un petit bout de femme aussi rayonnant pouvait réussir à être aussi incisif, le tout sans se départir de son sourire qui plus est ! Son boulot était très important pour elle, et la Coréenne avait énormément de mal à accepter qu’on puisse dénigrer une affaire simplement parce qu’elle n’avait rien d’hollywoodienne. Et puis, même si Sun-Young n’avait pas beaucoup d’expérience, elle s’était fait une petite réputation à son ancien poste à Séoul. La demoiselle n’avait pas sa langue dans sa poche et n’hésitait jamais à tacler les gens si elle jugeait qu’ils dépassaient les limites.

Quoi qu’il en soit, après avoir fait tomber Samuel dans son piège avec une certaine facilité, Sun-Young expliqua la véritable raison de sa présence ici : elle voulait que l’homme l’aide sur son affaire. Le temps pressait, la Coréenne ne voulait surtout pas trainer davantage et risquer que cette pauvre jeune fille soit blessée ou pire encore. Puis, à nouveau, aux mots de Samuel, Sun-Young sourit et haussa les épaules.

« Eh bien, comme vous le savez, je suis nouvelle ici, donc je n’ai pas encore pu me faire une idée des compétences de tous mes collègues, mais puisque vous semblez aussi sûr de vous, j’ai bien envie de vous laisser une chance. Surtout que, comme je l’ai dit tout à l’heure, je sais d’instinct que vous n’avez rien à faire là à propos de l’affaire précédente. Alors autant qu’on s’entraide et qu’on aide également cette jeune fille ! »

D’une pierre deux coups comme on disait ! Et puisque Samuel accepta de l’aider, Sun-Young entreprit de lui donner toutes les informations dont elle disposait en ouvrant son magnifique carnet Star Wars devant elle. Une demoiselle de 13 ans qui avait fugué. Aucun petit-ami à la connaissance des parents, mais un comportement qui leur avait semblé étrange depuis quelques temps. Elle leur avait donné l’impression de se renfermer sur elle-même, d’être plus distante. Et cela faisait tout juste plus de 24 heures qu’ils n’avaient plus de nouvelles d’elle.

« L’adolescence est une période compliquée pour beaucoup. J’ai déjà épluché les réseaux sociaux pour récupérer des informations la concernant. Elle n’a plus rien posté depuis le signalement de sa disparition présumée par ses parents. Ils n’ont pas l’air au courant, mais je soupçonne en effet une personne externe de l’avoir poussée à fuguer. Elle a laissé plusieurs messages sur les réseaux où elle laissait sous-entendre qu’elle avait un petit-ami et qu’elle avait envie de s’enfuir avec lui loin d’ici. Je ne connais pas encore bien le type de criminalité du coin, mais ça pourrait très bien être un homme bien plus âgé qu’elle qui lui aurait fait miroiter monts et merveilles. Mon instinct m’aiguille sur de la manipulation, mais peut-être que je me trompe ! On ne pourra le savoir que si on arrive à retrouver Elisa. »

Sun-Young afficha un sourire bien plus léger que les précédents. On pouvait clairement comprendre qu’elle prenait cette affaire très au sérieux et qu’elle ferait tout ce qui était en son pouvoir pour la résoudre.

« Alors votre pouvoir est un pouvoir de pistage avec une date de péremption ? C’est assez intéressant, c’est la première fois que je rencontre un sorcier avec une telle compétence ! Hum… Un peu comme la vision d’aigle dans Assassin’s Creed ! Ah… Désolée, vous n’avez peut-être pas la référence, mais je vous recommande chaudement ce jeu si vous n’y avez jamais joué ! Je pourrai même vous en prêter un si vous voulez ! »

Quelle grosse geek, vraiment ! On parlait d’une adolescente disparue, et Sun-Young arrivait quand même à caser ses jeux vidéo dans la discussion, elle était incroyable !

Quoi qu’il en soit, maintenant que tout était réglé, il n’y avait plus qu’à faire sortir Samuel de là. La Coréenne allait tourner les talons pour récupérer les clés de la cellule détenues par son collègue, mais le prisonnier la stoppa dans son élan en lui tendant… ces mêmes clés. Sun-Young les fixa avec de grands yeux ronds, avant qu’un immense sourire ne vienne aussitôt étirer ses lèvres, ce qui n’était sans doute pas la réaction à laquelle Samuel s’était attendue.

« Retrouvées ? Dites plutôt que vous les avez volées ! Je note donc que vous êtes du genre à avoir les mains baladeuses avec les hommes… Et je vous dirais bien de ne pas bouger mais… Ce n’est pas utile, non ? »

Sun-Young fronça le nez et récupéra les clés, avant de tourner les talons en direction de son collègue qui semblait occupé à boire son café en dégustant une petite pâtisserie. On ne disait pas que les clichés étaient toujours basés sur des faits avérés ? Parce que là, on pouvait difficilement faire plus cliché ! La Coréenne afficha un grand sourire et sauta devant son collègue pour attirer son attention.

« Et voilà ! J’ai terminé ! J’ai passé un accord avec le prisonnier. Il a promis de m’aider avec mon affaire de fugue, comme il l’a fait avec le petit garçon un peu plus tôt. Ça ne vous pose pas de souci, n’est-ce pas ? Comme ça, je vous débarrasse de cette langue de vipère pour que vous puissiez finir tranquillement votre goûter ! Ah, par contre… Pourrais-je avoir les clés de sa cellule ? »

Sun-Young tendit joyeusement sa main devant son collègue, puis, non sans grogner en lui disant qu’elle faisait une grosse erreur, l’homme fouilla dans ses poches pour en sortir les fameuses clés et les déposer dans la main de la Coréenne. Celle-ci le remercia chaleureusement, avant de trottiner de nouveau vers la cellule de Samuel, agitant les clés devant son nez.

« Vous n’êtes pas le seul à savoir détourner l’attention des gens ! Je vous ai couvert pour cette fois, alors j’espère bien que vous saurez me rendre la pareille. »

Sun-Young avait en effet réussi à détourner facilement l’attention de son collègue avec son enthousiasme, n’ayant eu qu’à glisser les clés là où elles s’étaient trouvées à l’origine pour ne pas attirer davantage d’ennuis à Samuel. La Coréenne ne perdit donc pas plus de temps et ouvrit la cellule, invitant le prisonnier à en sortir.

« On va simplement passer prévenir mon supérieur, et on pourra y aller ! Ma voiture est garée à l’extérieur, on l’empruntera pour se rendre au domicile d’Elisa. Vous pourrez faire votre truc de pistage là-bas ? Il vous faut de la préparation ou ça se déclenche quand vous voulez ? »

Cette femme ne semblait pas particulièrement déranger par le point de vue de ses collègues. Samuel se dit qu’il était inutile d’insister sur ce sujet, car au fond, ils tombaient plutôt d’accord même si le voleur ne l’admettrait pas de vive voix. Puis de toute façon, comme il avait fini par accepter sa proposition, Samuel allait devenir son partenaire de crime temporaire.

Si on lui avait dit un jour qu’il ferait équipe avec la police… Il se dégoûtait. Mais bon, quoi qu’il en soit, elle lui expliqua rapidement l’histoire qui semblait simplement n’être qu’une fugue en effet. Pourtant, un détail dans le raisonnement de la jeune femme embêta Samuel qui observa son interlocutrice jusqu’à ce qu’elle ait fini. Il lâcha d’une voix calme.

- Ça se voit que vous ne venez pas de la rue vous… Si elle a fugué, c’est plus un appel au secours qu’autre chose. Donc, faut peut-être s’attendre à ce qu’il y a d’autres personnes proches d’elle en cause. Les parents ne vont pas dire tout ce qu’ils font à leur gamine… Ni comment ils peuvent lui rendre la vie dure par exemple. Donc, si elle a fugué, ce n’est peut-être pas simplement pour retrouver son amoureux. Quand on fugue de cette manière sans tenir personne au courant, on cherche surtout à fuir quelque chose.

Samuel avait parlé sur un ton détendu, limite détaché. Pourtant, il n’avait même pas besoin de se donner un air sérieux pour faire comprendre qu’il savait pertinemment de quoi il parlait. Sinon, toute sa vie de sa naissance jusqu’à son adolescence ne serait pas un secret pour lui que même les flics ne pouvaient connaître en épluchant son dossier. Sa vie à l’orphelinat avait été purement et simplement effacé.

Elle émit une hypothèse, mais le jeune homme ne tomberait pas une nouvelle fois dans son piège en confirmant ou en niant. Il lâcha calmement.

- Peu importe comment ça marche, tant que le résultat et là. Puis est-ce que j’ai l’air d’avoir une console dans ma cellule ?

Elle lui fit ensuite rapidement comprendre qu’elle avait parfaitement compris que c’était un petit voleur. Oui, il avait les mains baladeuses, pas avec les femmes heureusement d’ailleurs ! Cependant, c’était un peu son second talent, il n’était pas un pro pour rien. Le jeune homme laissa ensuite Sonny tout arranger, mais se montra un peu curieux quand elle lui avoua qu’elle l’avait couvert.

- Dommage, je ne vous cache pas que j’aurais aimé voir sa tronche en se rendant compte que le type qu’il dénigre depuis ce matin était en train de se payer sa tête. Remarqué, si j’avais voulu m’enfuir, ça aurait été un jeu d’enfant. Mais chance pour vous, je n’ai qu’une parole. Je gère votre enquête, fait passé votre brigade pour une bande de loosers et retournerait sagement dans ma cellule avec le sourire du travail bien fait… Tiens ça doit être pour ça que je ne vois pas grand monde sourire ici.

Il avait lâché la fin sous la forme d’une réflexion personnel mais assez forte pour être entendu. Un regard noir se posa sur lui venant d’une personne derrière un bureau. La récompense d’une vanne bien envoyée. Samuel lui fit un petit signe de la main avant de suivre Sunny pour affirmer d’une voix plus songeuse.

- Pourquoi aller voir ses parents ? Suffit de m’emmener au dernier endroit où on l’a vu. Si possible avec une horloge dans les parages et je pourrais remonter sa piste sans soucis. C’est aussi simple que ça. Disons que je peux simplement voir des choses qui vous sont invisibles et qui me révèlent tout ce que je veux savoir. C’est tout autour de vous pourtant, mais même en vous concentrant très fort, vous ne les verrez jamais.

Il lâcha d’une voix un peu plus amusée, limite malsaine.

- Ou alors ! Je peux en profiter pour voir aussi si ses parents sont clean ?! Allé savoir s’ils ne l’ont pas battu, ça justifie la fugue.

Quoi qu’il en soit, il fallait d’abord qu’elle parle à son supérieur et ce dernier ne semblait pas vraiment content de voir Sam hors de sa cellule. Le voleur lâcha d’une voix calme envers sa partenaire temporaire, presque amusé.

- Il n’est pas à prendre avec des pincettes… ne me remerciez pas.

Sun-Young fronça les sourcils quand Samuel lui fit remarquer que ça se voyait qu’elle ne venait pas de la rue. Non, et alors ? En quoi ne pas venir de la rue empêchait d’avoir besoin d’aide ou de lancer des appels au secours ? Cet homme avait la langue acérée, mais l’esprit aussi visiblement assez fermé…

« Je n’ai pas dit que mes premières déductions étaient forcément les bonnes, c’est le principe même des déductions d’ailleurs, de trouver des indices et des pistes qui peuvent les affirmer ou les infirmer. Je ne viens effectivement pas de la rue, mais d’un simple petit village de pêcheurs. Ça ne veut pas dire pour autant que je ne peux pas comprendre le ressenti ou le vécu d’autres personnes. Je n’aurais certainement pas réussi à résoudre autant d’enquêtes avant de venir ici si je ne savais pas faire un minimum mon travail, vous ne croyez pas ? Je prends note de vos premières impressions en tout cas. Nous n’avons plus qu’à mener l’enquête tous les deux pour savoir qui de nous deux a raison ! »

Ah… Son sourire s’était imperceptiblement crispé… Finalement, Samuel avait peut-être réussi à piquer un peu son égo en lui disant qu’elle ne comprenait rien… Sun-Young le savait, elle n’était pas parfaite, et contrairement à cet homme qui pouvait compter sur son pouvoir, elle, elle ne pouvait compter que sur ses compétences d’humaine banale et sa détermination. En tout cas, la Coréenne s’était retenue très fort de lui conseiller de ne pas garder ses œillères et de ne pas transposer sa propre expérience sur cette affaire. Elle n’avait pas eu le loisir d’éplucher sa vie en détails, mais s’il s’était focalisé avec autant de force sur les parents en les remettant en cause, nul doute que c’était parce qu’il avait un passif avec les siens. Et un plutôt mauvais à l’entendre parler… Mais Sun-Young n’était pas là pour jouer les psys, ni pour braquer son futur coéquipier.

Fort heureusement, l’ambiance se détendit un peu entre les deux jeunes gens, la Coréenne ne pouvant s’empêcher de rire aux mots du détenu.

« Ah ? Parce que vous vous sentez tellement bien ici que vous prévoyez de prendre une pension complète ? Non, parce que sinon, je pense que vous devriez sortir dans la journée ou dès demain dans le pire des cas, surtout si j’interviens en votre faveur auprès de mon supérieur. Ma proposition de vous prêter un de mes jeux tient donc toujours si vous comptez sortir d’ici un jour ! »

Quoi qu’il en soit, il était maintenant temps de mettre les voiles s’ils voulaient résoudre cette affaire au plus vite. Après avoir donc récupéré les clés que Samuel avait volées à son collègue, Sun-Young les remit à sa place grâce à une brillante diversion, revenant ensuite vers le détenu pour le faire sortir de sa cellule. La Coréenne ne se départit pas de son sourire et haussa les épaules à ses mots.

« Oui, oui, d’accord, la police n’est qu’une bande de loosers, j’ai bien compris, vous ne nous aimez pas et votre passion dans la vie c’est de nous montrer à quel point nous sommes de parfaits incapables. Mais vous vous rendez compte que, là, en ayant accepté de m’aider sur cette affaire, vous rejoignez temporairement cette bande de loosers ? Vous avez certainement un petit côté masochiste… Ou alors ehm… Comment on appelle ça… De l’amour vache ? Vous nous crachez dessus pour cacher le fait que vous nous admirez secrètement ? »

Sun-Young pouffa, se doutant bien que ce n’était pas le cas. Et même si tout le venin que crachait Samuel ne l’atteignait pas, la Coréenne devait bien avouer que c’était assez fatigant de toujours l’entendre attaquer. On aurait presque dit un petit animal blessé qui grognait pour ne pas qu’on l’approche… Mais qu’importe, Sun-Young n’était pas là pour le faire changer d’avis. S’il voulait croire qu’ils étaient tous des loosers, libre à lui ! Et libre à lui de l’inclure dans le lot. Elle, elle savait ce qu’elle valait, c’était le plus important !

« Eh oui, malheureusement, le commun des mortels comme moi doit se contenter de bien moins de facilités pour faire son travail ! »

Sun-Young avait toujours admiré les sorciers et leurs capacités hors du commun, mais la conversation avec Samuel lui donnait presque l’impression d’être un sous-être simplement parce qu’elle n’avait pas hérité d’un don aussi précieux que le sien. Était-il raciste ? Beaucoup d’humains détestaient les sorciers, mais l’inverse était également vrai. Et là, sur cette île, dans cet ancien refuge de sorciers, c’était elle, la pauvre petite humaine, qui était en minorité. Mais ce n’était pas ça qui lui ferait peur !

« Vous savez, on nous apprend dès notre formation dans la police à ne pas transposer notre expérience personnelle sur les affaires que l’on traite. J’ai bien compris que vous aviez eu quelques soucis avec vos parents ou les parents d’une autre personne, mais gardez bien à l’esprit que nous sommes là pour retrouver Elisa. Quand ce sera fait, nous pourrons l’interroger directement pour tout savoir de sa relation avec ses parents si c’est ce qui vous inquiète, mais il est hors de question de fouiner dans leurs affaires avant de l’avoir retrouvée. »

Sun-Young s’était fait étrangement plus sérieuse. Peut-être que Samuel n’avait aucun scrupule à aller à l’encontre des lois établies, mais ce n’était pas le cas de la Coréenne. S’il voulait vraiment l’aider, alors il devait suivre les règles.

Quoi qu’il en soit, Sun-Young approcha de son supérieur pour lui expliquer ses intentions. Celui-ci, comme il fallait s’y attendre, se mit bien vite à grogner et à essayer de la dissuader. Mais la Coréenne n’en démordit pas et, après quelques instants à discuter, son supérieur capitula avec un profond soupir.

« Merci beaucoup chef ! Vous verrez, vous ne le regretterez pas ! »

Sun-Young lui offrit un grand sourire et attrapa le bras de Samuel sous l’excitation d’avoir obtenu ce qu’elle voulait, pour l’entraîner vers la sortie, et plus précisément vers le parking où se trouvait sa petite voiture, une magnifique Mini Cooper d’un rouge flamboyant.

« Allez, en piste ! Hum… Comme on ne connait pas très bien la ville tous les deux, je pense que le plus sûr est qu’on suive le GPS. Votre ceinture est bien attachée ? Vous êtes prêt ? »

Le sourire malicieux de Sun-Young ne laissait rien présager de bon quant à sa conduite… Elle installa d’ailleurs son téléphone sur le tableau de bord avec la fonction GPS et attendit que Samuel lui confirme qu’il était prêt pour démarrer et filer en direction du collège, là où on avait vu Elisa pour la dernière fois.

Samuel avait accepté d’aider la jeune femme qui semblait déjà un peu trop sûre d’elle. Bon ok, elle l’avait piégé une fois, mais fallait pas non plus se sentir pousser des ailes. Le jeune homme lui donna tout de même son avis sur la question, supposant qu’elle avait un peu survolé certains points essentiels. Après tout, Sam par habitude et surtout, car il avait été élevé dans ce sens. N’aimait pas envisager qu’une seul piste, il fallait toujours tout prévoir et car sinon, on perdait l’avantage de l’anticipation. Donc, la plupart du temps, il devait se baser sur l’inconnu pour avancer à l’inverse de la jeune femme qui avait besoin de tangible. Samuel ne remettait pas vraiment la façon de faire en cause.

- Oh donc maintenant vous voulez simplement résoudre cette enquête pour savoir qui a tort ou raison. Personnellement, je dis cela, car je ne veux pas retrouver cette gamine si c’est pour que vous la renvoyer dans un environnement toxique pour elle. Alors, faite votre boulot et enquêté pour connaître les causes de sa fugue. Moi, je me charge de vous la retrouver.

Samuel avait parlé avec un peu plus de sérieux, mais rapidement noyé derrière son petit sourire amusé. Il ne voulait pas qu’elle puisse se rendre compte que malgré son air intouchable, il s’inquiétait pour cette ado, au-delà de sa simple fugue. Lui qui avait déjà connu cette situation en interne savait qu’on pouvait faire n’importe quoi pour s’enfuir. Il avoua après être retourné au fond de sa cellule pour se coucher dans le lit avec nonchalance.

- Non, merci, je n’aime pas vraiment emprunter les affaires des autres.

Ce n’était pas faux, mais pas entièrement vrai non plus, surtout venant de quelqu’un qui venait de rendre la clé du gardien. Disons que Sam aimait emprunter sans mettre au courant les propriétaires des dites choses. Une fois, dehors, le jeune homme ne manqua pas encore une occasion de se faire remarquer par tout le service. Oh ! Que c’était grisant ! Il jubilait littéralement de voir autant de regards noirs tourné vers lui ! Les remarques de Sunny n’eurent pas vraiment l’effet escompté en réalité et il se contenta de dire en ricanant.

- Mais tellement ! Si vous saviez, ça a toujours été mon rêve de pouvoir mettre des gens qui sont probablement innocent derrière des barreaux et de les regarder de haut ! Ensuite, prendre mon pied en m’installant dans un fauteuil devenu beaucoup trop petit pour moi avec le temps à cause des boites de beignets quasi-journalière que je pourrais m’empiffrer sur mon temps de travail… Vous avez compris de qui je parle n’est-ce pas ?

Lâcha-t-il avec un petit clin d’œil à Sunny avant qu’une femme en uniforme ne le regarde avec un regard bien salé. Samuel avec qui il ne fallait surtout pas avoir de contact visuel dans un moment pareil l’observa et se pencha vers elle pour lâcher d’une voix plus basse comme s’il ne voulait pas froisser ses autres collègues.

- Pas vous évidemment ! Vous faites un travail super ! Continué comme ça, je vous adore !

Puis il suivit la jeune femme qui l’avait fait sortir avant de trop pousser le bouchon. Bon, on peut dire qu’elle avait les idées bien tranchées et ne voulait rien savoir de la proposition de Sam qui rétorqua d’une voix plus amère concernant les parents.

- Encore faudrait-il que j’en ai eu… Vous parlez d’un gamin qui n’osera peut-être pas dénoncer ses propres géniteurs. Dans tous les cas, j’espère pour vous qu’on ne se trompera pas d’endroit. Ma marge pour la retrouver risque d’être beaucoup plus mince, déjà que j’ai usé une partie de mon pouvoir ce matin… Ça serait bête de devoir revenir le lendemain pour finir ce qu’on a commencé… Heureusement que je ne l’ai partagé avec personne par accident.

À vue de nez, il devait encore avoir une bonne heure et un quart d’heure pour son pouvoir… Peut-être plus. Samuel préférait ne pas se prononcer, mais autant tenir au courant qu’il était plus limité qu’elle ne pourrait le croire. Ce serait un travail d’équipe et à cette pensée, pendant qu’elle était occupée avec son chef. Sam, qui était resté dehors, lâcha.

- Moi faire équipe avec un flic… Bouah je me dégoûte…

Elle revint fière d’elle et Sam se permit même un petit signe de main en lâchant avec un grand sourire.

- Merci chef ! Je ne vous décevrais pas !

De l’ironie, quelle excellente idée. Il fixa Sunny en souriant avec amusement. Ah ben oui, là, c’était Disneyland pour lui et autant dire qu’il comptait bien laisser un bon souvenir de sa tête dans cette brigade. Oh, faite qu’il joue aux fléchettes avec son portrait ! Pitié ! Pensé qui fit rire Samuel sans aucune raison apparente alors qu’il suivait l’Asiatique jusqu’à sa voiture. Une fois dedans et il demanda d’une voix plus détendue.

- Bon, ou l’a-t-on vu en dernier du coup ? Attendez ! Ne me dites rien… Près de son établissement scolaire ou de l’arrêt de bus non loin.

Il fit semblant d’utilisé de la magie, mais il savait d’avance que c’était là, c’était un point de départ logique pour toute fugue. D’ailleurs, il n’avait pas dit ça pour affirmer une quelconque supériorité sur sa partenaire cette fois, mais vraiment, car il en avait la certitude et voulait montrer à Sunny qu’il était plus terre-à-terre que ce qu’elle pourrait bien croire.

« Je prends mon travail très au sérieux, donc non, je ne souhaite pas résoudre cette affaire simplement pour vous prouver que vous avez tort et que moi j’ai raison. Mon objectif est bien évidement de retrouver Elisa saine et sauve, avant qu’il lui arrive quoi que ce soit, et de faire en sorte que tout aille pour le mieux pour elle une fois rentrée. Bon, bien évidemment, je ne vais certainement pas cracher sur un petit bonus en vous prouvant que je sais ce que je fais. »

Sun-Young fronça le nez sur un air de défi. Elle avait envie de croire en son instinct et de rabattre, une bonne fois pour toutes, le caquet de ce fanfaron. Il allait en revanche de soit que la Coréenne ferait son travail sérieusement et jusqu’au bout, en ne remettant pas la petite Elisa dans un foyer toxique si c’était celui-ci qui l’avait poussée à fuguer. Mais avant de déterminer si c’était le cas, il fallait d’abord commencer par retrouver la demoiselle !

Après avoir haussé les épaules à la réponse de Samuel quant au fait qu’il n’aimait pas emprunter les affaires des autres, Sun-Young ouvrit la cellule pour laisser le prisonnier en sortir. Et bien évidemment, l’Américain se fit aussitôt une joie de fanfaronner, s’attirant tous les regards courroucés des collègues de la Coréenne qu’ils croisaient. La jeune femme soupira doucement, préférant ne pas renchérir, puisque ça n’avait que pour effet de jeter encore plus d’huile sur le feu. À peine arrivée, elle allait déjà se mettre tout le monde à dos par la faute de ce type à qui elle avait voulu donner une deuxième chance, c’était merveilleux ! Ses parents allaient certainement la sermonner de ne pas avoir fait plus attention et d’avoir un peu trop écouté son instinct. Mais qu’importe. Ces soucis seraient des soucis pour la Sun-Young de demain !

La nouvelle réponse de Samuel eut ensuite pour effet d’attiser sans doute beaucoup trop la curiosité de Sun-Young. D’un, il n’avait pas eu de parents, de deux… Il pouvait partager son pouvoir ?! Pour de vrai ? Comment faisait-il ? La Coréenne eut rapidement des étoiles dans les yeux en le fixant, avant de retrouver un minimum son sérieux pendant qu’ils avançaient vers le bureau de son supérieur.

« Ne vous inquiétez pas pour Elisa. Je vous l’ai dit, je sais ce que je fais. Si vraiment ça se passe mal avec ses parents, je saurai l’amener à parler. Il paraît que je suis plutôt douée pour ça, vous ne vous souvenez pas ? »

Sun-Young afficha un sourire malicieux en fixant Samuel, faisant bien évidemment référence à ce piège qu’elle lui avait tendu un peu plus tôt et dans lequel il avait foncé tête baissée. La Coréenne pouvait parfois agir de manière fourbe pour obtenir les informations qu’elle voulait, mais, le plus souvent, il lui suffisait d’être elle-même, entière, bienveillante et sincère, pour qu’on se confie tout naturellement à elle. Surtout que parler à une simple technicienne, c’était bien moins impressionnant et effrayant que de parler à un policier en uniforme ! Non, vraiment, Sun-Young n’avait pas peur, elle savait que tout se passerait bien. Ils allaient retrouver Elisa, mettre à la lumière du jour ce qui l’avait poussée à partir, et tout irait à nouveau pour le mieux pour tout le monde !

La brune ne renchérit donc pas sur les autres informations que Samuel lui avait données sans doute malgré lui, préférant garder ça de côté pendant qu’elle s’arrangeait avec son supérieur pour sortir enquêter avec l’ex-prisonnier. L’homme accepta, et ce fut toute guillerette que Sun-Young retrouva Samuel qui fanfaronna une nouvelle fois, ce qui lui valut un petit coup de coude dans les côtes de la part de la Coréenne.

« Dites donc ! Vous ne savez vraiment pas quand vous arrêter ! Quel sale gosse ! Tenez-vous à carreaux le temps qu’on sorte, sinon vous pouvez dire adieu à votre petit bol d’air frais ! »

Sun-Young s’était penchée vers lui pour qu’il soit le seul à entendre, puis elle l’entraîna jusqu’à l’extérieur et sa petite voiture tape-à-l’œil.

Un profond soupir de soulagement passa alors ses lèvres. La Coréenne s’était sentie un peu oppressée et mal à l’aise à cause de tous ces regards noirs qui s’étaient tournés vers elle à partir du moment où elle avait sorti Samuel de sa cellule. Puis, ce fut en grimpant dans sa voiture qu’elle eut un flash et se tourna vivement vers son partenaire du jour.

« Ah ! Votre pouvoir ne se partage pas simplement en vous touchant, hein ? J’aurais peut-être dû vous demander avant de vous donner le coup de coude tout à l’heure ! »

Sun-Young déposa ses affaires sur la banquette arrière et démarra le moteur après avoir lancé son GPS sur son téléphone portable, pouffant en voyant Samuel faire son petit numéro de magicien.

« Woaw, la magie est vraiment exceptionnelle ! Heureusement que vous avez hérité de ce don, je n’ose pas imaginer comment serait votre quotidien si vous n’aviez aucune perspicacité ! »

La Coréenne fronça le nez et commença à rouler, reprenant avec un air plus sérieux.

« La dernière fois qu’on l’a vue, c’était effectivement près de son collège, aux alentours de 17h00, juste après la fin de ses cours. Ses amies ne sont au courant de rien, mais elles nous ont confié l’avoir trouvée un peu étrange depuis le matin-même, comme sur ses gardes et agitée. »

Sun-Young afficha une petite moue, se disant qu’il fallait vraiment qu’ils arrivent à la retrouver. Il ne lui fallut ensuite que quelques mètres pour commencer à rouler assez sportivement, ce qui tranchait plutôt beaucoup avec son physique et la voiture qu’elle avait. Il fallait dire que la Coréenne adorait tout particulièrement les jeux de course, et qu’elle avait toujours eu une conduite un peu brusque et rapide, même si elle faisait bien évidemment extrêmement attention à respecter le code de la route.

« Alors ? Vous avez un quota de pouvoir à utiliser chaque jour ? C’est comme ça que ça fonctionne ? Combien de temps est-ce que vous pensez qu’il vous reste pour aujourd’hui ? »

Sun-Young garda son sérieux, semblant réfléchir à toute allure pendant qu’elle conduisait, jusqu’à stopper sa petite voiture juste devant le fameux collège où avait disparu Elisa.

« On est arrivé ! Est-ce que je dois m’éloigner pour vous laisser une marge de manœuvre ? Ou est-ce que je peux rester près de vous ? Ça m’arrangerait, je vous avoue, comme je ne peux pas voir ce que vous allez avoir la chance de voir. Et puis, qui sait, peut-être que ma vision de simple humaine pourrait vous surprendre et vous faire remarquer des choses que vous n’aviez même pas vues ! »

Sun-Young afficha un petit sourire en coin et sortit de la voiture, s’empressant de récupérer ses affaires sur la banquette arrière, en plus d’une sacoche bien fournie et d’un appareil photo qui se trouvaient dans le coffre. Parfait, ils n’avaient plus qu’à commencer !

Visiblement, la petite asiatique n’en démord pas et voulait faire savoir qu’elle saurait s’en sortir pour comprendre ce qu’il s’était passé avec Elisa. Si elle avait su les tenants et les aboutissants du pouvoir de Sam, nul doute qu’elle aurait clairement accepté de le laisser faire. Le jeune homme ne pouvait pas trop en dire, c’était déjà compliquer pour lui de se retrouver dans un endroit pareil.

Une fois dans la voiture, il se détendit de façon significative, prouvant que c’était un réflexe de défense de sa part plus qu’autre chose. Ils ne savaient même pas que c’était un voleur, mise à part quelques petits délits par ici et par là sans gravité dans son casier judiciaire. Le jeune homme pouvait donc être serein bien qu’on ne savait jamais trop ce qui avait pu se passer entre temps.

Mais par chance, Sunny était le bleu du commissariat et donc, elle avait tout à gagner en faisant équipe avec Sam. Déjà, elle se montrait d’office indépendante vis-à-vis de ses collègues. Mais en plus, elle prouvait qu’elle avait un meilleur sens de déduction dans la mesure où il l’avait conduit jusqu’à Sam. Ce dernier étant probablement la meilleure chance de retrouver cette fille.

Après quelque politesse échangée, Sam se refroidit un peu concernant son pouvoir, constatant qu’elle avait retenu ce qu’elle n’aurait pas dû. Il lâcha d’une voix clairement cynique.

- Non, il se partage en lançant des paillettes et en y croyant très fort ! JE vous déconseille de me toucher si vous voulez qu’on retrouve cette gamine. Je ne supporte pas ça.

Et c’était vrai, Sam détestait déjà ça. Mais en plus si elle ne l’écoutait pas, il perdrait un temps précieux de son pouvoir. Sauf que Sam ne pouvait pas vraiment lui dire. Donc, il devait encore se montrer faussement drôle pour cacher ses faiblesses. Après quoi, durant la discussion, elle lui posa d’autres questions. Il soupira, comme s’il devait expliquer à un enfant quelque chose d’évident.

- Disons que le pouvoir d’un sorcier, c’est comme un muscle. À trop sollicité ce muscle, il finit par se froisser, se courbaturer et j’en passe. Cependant, utilisé à bon escient, le muscle se renforce peu à peu. Je pense que je devrais avoir bien assez de temps pour la retrouver. Sauf que dans mon cas, ma limite, c’est un épuisement complet. Donc, une fois atteinte, je ne pourrais plus rien faire pour vous. D’où le fait qu’on n’a pas une grosse marge d’erreur.

Il ajouta.

- On a une description de ce qu’elle portait avant sa disparition, sac à main ? Coiffure particulière ? N’importe quoi qui la rendrait plus facile à repérer ?

Puis une fois arrivé sur place, le jeune homme suivit Sunny qui demandait déjà ce qu’elle devait faire pendant que Sam faisait son travail. Le jeune voleur n’ayant pas ses lunettes de soleil… Ce serait compliqué qu’elle ne voit pas ses yeux. Mais il avait besoin de se concentrer et les demandes incessantes n’allaient pas l’aider. Du coup, il lâcha d’une voix sérieuse.

- Ok ! Ok ! J’ai besoin que vous fassiez une chose ! Compter jusqu’à 10 dans votre tête… Je vous assure, c’est important !

Il la laissa faire et activa son pouvoir. Par chance, la jeune femme qu’il cherchait était bien présente et en regardant l’horloge de l’arrêt de bus, il remonta facilement jusqu’à l’heure exacte en un rien de temps. 10 secondes plus tard, quand Sunny lui demanda ce qu’il en était, le jeune homme lui avoua en la regardant dans les yeux avec son regard doré.

- Ah non mais j’ai retrouvé sa piste en 5, les autres secondes, c’était pour profiter d’un petit moment de silence.

Petite vengeance de ce qu’elle lui avait fait dans sa cellule. Il lui fit un sourire amusé avant de pointer une direction du doigt.

- Elle est partie à pied par-là. Oh et elle n’arrêtait pas de regarder son téléphone et dans tous les sens. Soit elle cherchée, soit elle évitait quelqu’un ? Ses parents devaient passer la prendre ?

Il se mit à marcher avant de dire.

- Suivons sa piste avant qu’il ne soit trop tard.

« Oh, super ! J’ai justement un peu de paillettes et de poudre de fée dans la boîte à gants ! Je savais bien que ça me servirait un jour ! »

Sun-Young fronça le nez en jetant un regard malicieux à son voisin, avant de prendre la route. C’était assez marrant de l’observer ! Il avait semblé un peu plus détendu une fois installé sur son siège, mais dès que la Coréenne avait parlé de son pouvoir ou même de le toucher, il s’était comme raidit et mis sur la défensive, en témoignait cette réplique cynique. Il n’avait vraiment pas fallu longtemps à la technicienne pour comprendre que la technique de défense de Samuel, c’était l’attaque. C’était sans doute pour ça qu’elle ne s’offusquait pas et prenait tout ce qu’il disait avec légèreté. Elle nota toutefois qu’il n’avait vraiment pas l’air à l’aise avec le fait qu’on puisse le toucher, gardant pour elle la petite déduction qu’elle en fit, quant au fait qu’il s’agissait certainement de la façon de procéder pour qu’il puisse partager son pouvoir. Sun-Young était curieuse, mais elle était professionnelle avant tout et savait respecter un minimum les gens. Si Samuel n’aimait pas le contact physique, alors la Coréenne ne le toucherait pas. Tout le monde n’était pas aussi tactile qu’elle après tout !

Quoi qu’il en soit, sur la route, elle écouta attentivement ce que son voisin lui expliquait concernant les pouvoirs en général, et le sien en particulier. Elle avait un peu l’impression d’être une idiote finie à qui on expliquait quelque chose de simple, mais qu’importe. Sun-Young était surtout ravie d’en apprendre plus sur cet univers qui lui semblait à la fois si proche et si lointain.

« Je vois ! C’est comme pour tout, avec de la pratique on finit par s’améliorer et mieux maîtriser les choses ! Ne vous inquiétez pas, je ferai en sorte de vous faciliter au maximum la tâche pour que nous puissions la retrouver avant que vous soyez à court d’énergie. Mais hum… Quand vous parlez d’épuisement total… Est-ce que ça veut dire que vous vous évanouissez purement et simplement ? Ou est-ce que vous perdez simplement toute votre énergie en restant conscient ? Non, parce que bon… Ce n’est pas que je vous trouve gros ou que je doute de ma force, mais si je dois me retrouver à vous porter jusqu’à la voiture… »

Sun-Young ne put s’empêcher d’afficher un sourire malicieux en imaginant la scène : si jamais Samuel se retrouvait effectivement à bout de forces… Ce serait sans doute plus que tentant de simplement le laisser là et de repartir avec Elisa en le laissant en plan ! Ça lui ferait sans doute les pieds et calmerait un peu sa verve ! Mais pour l’heure, la Coréenne devait continuer à composer avec lui, lui expliquant que la demoiselle avait visiblement disparue avec son sac de cours sur le dos, qu’elle avait ses longs cheveux coiffés en une tresse et qu’elle portait un gros manteau d’hiver, un bonnet, une écharpe, mais que sa jupe s’arrêtait au niveau de ses genoux. Du moins, c’était comme ça que ses parents et ses amies l’avaient vue pour la dernière fois.

Les deux enquêteurs arrivèrent donc à destination, Sun-Young s’enquérant aussitôt de ce qu’elle pouvait faire pour aider ou ne pas gêner Samuel. Elle le regarda avec surprise quand il lui demanda de compter jusqu’à 10 dans sa tête, mais, crédule, elle s’exécuta. La Coréenne s’était même reculée un peu, afin de ne pas interférer avec des ondes ou quoi que ce soit d’autres qui pourraient permettre à Samuel de trouver une piste. Puis, au bout des 10 secondes, Sun-Young se rapprocha donc de son collègue éphémère pour le regarder avec curiosité.

« C’est bon ? Ou est-ce que vous avez besoin de plus de temps ? »

La réponse qui s’en suivit fit plisser les yeux de la Coréenne, qui afficha rapidement une moue faussement vexée, son bras s’armant pour donner une tape sur l’épaule de Samuel. Sun-Young se ravisa toutefois au dernier moment, se rappelant qu’elle ne devait surtout pas le toucher. Elle inspira alors profondément en se redressant, puis elle ferma les yeux et se mit à masser ses tempes avec ses index en fronçant les sourcils. Elle resta ainsi quelques secondes, en baragouinant quelque chose dans sa langue natale, comme si elle était en train de jeter un sort. Le pire, c’était qu’elle avait l’air hyper concentrée ! Qu’est-ce qu’elle faisait au juste ? La technicienne finit par soupirer longuement et roula des épaules, comme si elle venait de faire un gros effort.

« Voilà. Comme je ne peux pas vous toucher et donc vous donner le coup que vous méritez pour cette mauvaise blague, je vous ai kické mentalement de toutes mes forces ! »

Ce n’était pas aussi jouissif que de le kicker pour de vrai, mais Sun-Young s’en contenterait. Elle marcha alors sur les talons de Samuel, avant de soudainement faire une petite fixette sur le regard doré qu’il arborait à présent.

« Wah… C’est super beau ! Enfin, n’allez pas croire que je vous drague à coup de « vos parents sont des voleurs : ils ont pris toutes les étoiles du ciel pour les mettre dans vos yeux », parce que vous n’êtes pas du tout mon genre ! J’admire juste la couleur ! J’imagine que c’est quand vous activez votre vision d’aigle du coup, c’est génial ! Ehm… Sinon, oui, je vous suis ! Et personne ne devait passer la prendre, non. Elle devait se rendre à des cours du soir après sa journée au collège. Est-ce que vous pouvez voir ce qu’elle regardait sur son téléphone ? »

Sun-Young se demandait vraiment quel était le niveau de détails avec lequel Samuel pouvait voir les choses. Non, vraiment, sa curiosité la dévorait et elle avait envie de le bombarder de questions, mais elle se contint, car il y avait plus important : retrouver Elisa ! Maintenant du mieux qu’elle put tout son matériel contre elle pour ne rien perdre en chemin, la Coréenne retrouva donc tout son sérieux.

« Dépêchons-nous ! Je sais que je n’en ai pas l’air avec mon corps de crevette, mais je suis plutôt sportive ! S’il faut courir, alors je suis prête ! »

Oui, même chargée comme un mulet, elle ne se laisserait pas si facilement distancer !

Sam avait parlé du pouvoir des sorciers, mais à vrai dire, il ne savait pas du tout comment pouvait fonctionner les autres pouvoirs. Ni s’ils gagnaient en complexité à force de pratiques. Le pouvoir d’Isabella ne semblait d’ailleurs même pas être du même genre que le siens. Cependant, s’il avouait ouvertement qu’il parlait simplement de son pouvoir, alors Sun n’aurait aucun mal à mieux le cerné. Elle ne semblait pas vraiment avoir été au contact de nombreux sorciers et sur ce point… Ils avaient ça en commun.

Le jeune homme l’observa alors qu’elle parlait, mais ne répondit pas du tout à sa question. C’était quelque chose qu’il préférait garder pour lui en l’état actuel des choses. Mais Sam savait une chose, trop utilisé son pouvoir le vidé de ses forces et ils pouvaient aisément en mourir s’il ne prenait pas garde. Car lorsque cela lui arrivait, il pouvait frôler un coma de plusieurs jours selon l’intensité d’usage. Faire un coma sans que personne ne soit au courant… C’était risqué. Donc plutôt que de répondre, il se contenta de détourner son attention vers le paysage, comme s’il n’avait pas entendu.

Ce fut une fois arrivé sur place que Samuel entra en action, invitant sa partenaire à compter les secondes jusqu’à avoir trouvé sa cible. Il fit savoir quand c’était le cas, non sans en profiter pour punch la jeune femme au passage qui eut une réaction pour la moins inattendue. Suffisamment pour faire hausser les sourcils de Sam qui finit par admettre avec un sourire.

- De toutes vos forces hein ? Ça doit être pour ça que je n’ai absolument rien sentit mentalement.

Après quoi, elle remarqua rapidement le fait que la couleur des yeux de Sam avait changé, ce n’était pas dur à voir cela dit. Elle ne put s’empêcher de faire une remarque à laquelle il leva les yeux au ciel d’un air blasé, non pas qu’il le prenait mal. Mais plutôt qu’il n’aimait pas cette partie de son pouvoir… Ce n’était pas discret et un peu voyant dans le noir. Résultat, quand il voulait l’utiliser, il devait sans arrêt faire attention ou mettre des lunettes de soleil. Il rebondit rapidement sur ce qu’elle dit en premier pour affirmer avec un peu plus de sérieux ensuite.

- La vision de quoi ? Oh puis laissé tomber, vous avez jamais vu des yeux ou quoi ? Non je ne peux pas voir, c’est assez complexe comme vision, du coup, c’est déjà pas mal que je puisse repérer une silhouette et la reconnaître.

Après quoi, il remarqua que Sunny était plutôt chargé et la délesta au moins d’un sac sans lui laisser le choix du oui ou non en le prenant sur une épaule. Il reprit la marche avant de remarquer un détail.

- Elle a un tic nerveux, ça fait trois fois qu’elle se gratte la tête… et … elle se dirige vers le centre commercial, je crois. Génial… va falloir que je trouve une solution pour planquer mes yeux… Ah non attendait. Quelqu’un l’a rejoint, un type, plus grand qu’elle d’une tête. Ils s’embrassent et repartent par là.

Samuel ne se rendait pas compte qu’il parlait en temps réel, car il avait l’action sous les yeux. Mais il pointa du doigt la direction en question, sans trop savoir ou ça menait.

Sun-Young ne pouvait s’empêcher d’être toujours plus frustrée à mesure qu’elle échangeait avec Samuel. Sa curiosité concernant les sorciers et les pouvoirs était plus que débordante, mais son collègue du moment ne semblait pas du tout enclin à parler de lui, ni de son don. La Coréenne grommela intérieurement, préférant ne pas offrir à son voisin le plaisir de lire sur son visage toute sa frustration de ne pas avoir quelques réponses ou informations à se mettre sous la dent, jusqu’à ce qu’ils arrivent sur les lieux du début de leurs recherches. Et comme si ce n’était pas déjà suffisant, la frustration et l’agacement montèrent encore d’un cran avec les agissements et les mots de Samuel, qui piquait ouvertement la pauvre Coréenne totalement ignorante sur le fonctionnement de son pouvoir. Bon sang… Il avait tellement de chance qu’elle ne puisse pas le toucher pour lui faire passer l’envie de se moquer d’elle !

« Ah bon ? Vous n’avez rien senti mentalement ? Mince… Est-ce que ça voudrait dire que votre tête est tellement vide que c’est pour ça que mes tortures mentales ne peuvent même pas vous atteindre ? »

Sun-Young garda son grand sourire aux lèvres, ayant bien décidé de ne pas se laisser attaquer sans répliquer un minimum. La seule chose qu’elle espérait, c’était que Samuel n’allait pas finir par prendre la mouche et partir parce qu’il serait trop vexé.

Fort heureusement, la discussion se fit un peu plus légère alors que la Coréenne plaisantait sur la couleur des yeux de Samuel, même si celui-ci répondit avec beaucoup plus de sérieux. Bon, après, il n’avait pas tort, il fallait rester sérieux… Il ne fallait pas oublier qu’ils étaient là pour retrouver une adolescente ! La technicienne allait répliquer, mais elle fut coupée dans son élan par son collègue temporaire qui la délestait d’un sac sans même lui demander son avis. Sun-Young fronça aussitôt les sourcils, mais encore une fois, au moment où elle ouvrit la bouche pour répliquer, Samuel lui coupa l’herbe sous le pied en reprenant la parole et en se mettant à marcher dans la direction que semblait avoir empruntée la demoiselle qu’ils recherchaient. La Coréenne lui emboîta alors le pas et se mit même à trottiner pour le suivre, puisqu’il marchait de plus en plus vite.

« Attendez ! Prenez ça ! Vous aurez l’air un peu ridicule, mais ça sera toujours moins pire que de montrer à tout le monde vos super yeux de vision d’aigle ! »

Sun-Young pressa le pas et se planta devant Samuel pour lui tendre sa paire de lunettes de soleil, dont les lignes étaient clairement féminines et les verres presque démesurés. Et puisqu’il ne lui avait pas laissé le choix quand il s’était saisi d’un de ses sacs, la Coréenne mit en place ses lunettes sur le nez de Samuel, tout en prenant bien soin de ne pas le toucher, puis elle commença à regarder partout autour d’eux.

« Allons-y ! Je sais que c’est courant pour une adolescente de ne pas parler de sa vie amoureuse à ses parents, mais si même ses amies n’étaient pas au courant… Nous ferions mieux de nous dépêcher ! »

Sun-Young avait retrouvé tout son sérieux, même si, en d’autres circonstances, elle aurait hurlé de rire en voyant la tête qu’avait Samuel avec ses lunettes, attendant que son collègue temporaire la guide de nouveau pour trottiner derrière lui, ses yeux scrutant les environs à la recherche d’un détail qui aurait pu manquer à son camarade.

Les minutes filèrent et ils finirent par arriver au niveau du port. Sun-Young avait beau être sportive, elle commençait à être un peu essoufflée après avoir autant trottiné avec tous les sacs qu’elle transportait. Il ne fallut ensuite pas longtemps à la Coréenne pour repérer la demoiselle. Elle se trouvait sur un ponton non loin, près d’un petit bateau de plaisance, avec un jeune homme qui semblait avoir quelques années de plus qu’elle. L’inconnu était déjà à bord et attendait que la demoiselle grimpe elle aussi, mais c’était comme si Elisa hésitait. Sun-Young fit signe à Samuel de se montrer discret, lui collant toutes ses affaires dans les bras, puis elle s’avança seule sur le ponton. La Coréenne se mêla à quelques autres passants et fit mine d’être une touriste asiatique, comme on en voyait beaucoup, s’amusant à prendre tout et n’importe quoi en photo avec son téléphone, jusqu’à finalement dépasser le couple afin de laisser traîner une oreille attentive en arrière. Elisa hésitait toujours, son « petit-ami » commençant à se montrer de plus en plus impatient. Si la demoiselle était si heureuse et désireuse de fuir… Pourquoi donnait-elle l’impression d’être effrayée ? Contrainte ? Sun-Young fit vivement demi-tour et s’approcha du bateau. Sa main se referma alors sur le poignet d’Elisa pour l’empêcher de monter à bord.

« Elisa ! Je suis si heureuse de t’avoir retrouvée ! Tes parents étaient morts d’inquiétude ! Ils ont mis tout le quartier à contribution pour te chercher ! Même la police est sur le coup ! Ah ! Tu entends ? Je crois d’ailleurs que des sirènes se rapprochent ! »

Sun-Young savait bien jouer la comédie quand il le fallait, s’étant faite passer pour une voisine inquiète, partie à la recherche de la demoiselle. Bien évidemment, aucune voiture de police n’approchait, mais cette simple évocation suffit à faire paniquer l’inconnu qui démarra aussitôt le moteur du bateau et fila. La Coréenne n’essaya même pas de le rattraper, préférant prendre la petite Elisa en pleurs dans ses bras pendant que, de sa main libre, elle appelait ses collègues pour rattraper le fuyard et venir chercher la petite avec ses parents.

Les collègues de Sun-Young arrivèrent quelques minutes plus tard sur les lieux pour prendre Elisa en charge, puis après avoir brièvement fait son rapport, la Coréenne s’éloigna pour rejoindre le pauvre Samuel qui était resté en retrait avec toutes ses affaires. Quand elle s’approcha de lui, ce fut pour le gratifier d’un immense sourire.

« Merci beaucoup Samuel ! Grâce à vous, on a pu la retrouver avant qu’il ne soit trop tard ! Je ne sais pas s’ils auraient fini par partir très loin, ni s’il lui aurait fait du mal, et je ne connais pas le fin mot de l’histoire pour le moment étant donné que ce sont mes collègues qui vont interroger Elisa, mais je trouve qu’on a formé une super équipe ! Même si, au final, je n’ai pas servi à grand-chose… »

Sun-Young soupira doucement avec une petite moue et s’accroupit face à Samuel, penchant légèrement la tête sur le côté pendant qu’elle l’observait.

« Comment vous vous sentez ? Vous voulez attendre un peu avant qu’on reparte jusqu’à ma voiture ? »

Samuel remonta la piste tant bien que mal, malgré la fatigue naissante doucement. Bon elle l’avait piqué un peu plus tôt, mais s’ils passaient leur journée à ne faire que ça, ce serait un temps précieux qu’ils allaient gâcher pour lui. Car chaque seconde comptait quand on remontait une piste. Les soucis, c’est qu’il ne pouvait pas non plus aller trop vite pour éviter que Sunny ne lui coure après.

Elle lui mit d’ailleurs rapidement ses paires de lunettes de soleil sur le pif pour qu’il cache ses yeux dorés après qu’il lui ait pris son sac. Le jeune homme ne put masquer un air de dégoût sur le moment. Lui, porté un truc pareil… bon c’était plus discret qu’un truc à paillette… cependant, ce n’était clairement pas son style. Il avait tenté d’ailleurs de se défendre, mais en vain.

- Eh ! Non ne me mettez pas ce truc sur le … Mais eh !

Trop tard, il les avait déjà sur le nez et de toute façon. Il fallait se résoudre à la réalité… Elle avait raison sur ce point. Samuel aurait voulu ses propres lunettes de soleil, mais bon… Faute de mieux. Il lâcha donc un soupire lourd de circonstances. Le principal, c’était de retrouver la gamine, pensa Sam à de multiples reprises.

Par chance, il restait encore une bonne quinzaine de minute lorsqu’ils retrouvèrent la piste. Même si Sam n’était pas à bout, il avait déjà un bon coup dans le nez et accepta sans se débattre d’attendre qu’elle se charge du reste. De toute façon, il ne pouvait rien faire de plus et avait besoin de s’asseoir un peu.

- Sérieux, je pourrais me barrer là, elle n’est pas prudente cette femme.

Lâcha-t-il quoi que conscient que personne ne l’entendait. Vu la vitesse à laquelle ce type s’était enfui d’ailleurs, ça prouvait qu’il n’était pas clair du tout. Il mémorisa le visage dans un coin de sa tête et se dit que dès qu’il serait libéré. Le jeune homme se ferait une joie de remonter une autre piste. Cependant, aujourd’hui, il n’était plus en état et le principal avait été de retrouver la fille qui fut confié à des personnes plus adapté pour gérer une ado.

Sunny revient pour le remercier et il se leva tant bien que mal. Il ne put s’empêcher de sourire en rétorquant d’une voix narquoise.

- Une super équipe, normal, c’est moi qui ai tout fait. Je vous ai fait une promesse et je l’ai tenu… Je préfère qu’on rentre, de toute façon, ça ne passera pas comme ça. Il va me falloir une bonne nuit de repos. Même les lits de vos cellules me paraissent confortables là.

Sam eu la sensation que Sunny le regarder bizarrement, il lacha donc sans même verifier si c'était le cas.

- Quoi ? Faut bien dormir quelque part après tout !

Puis, il suivit Sunny de façon un peu plus docile. Le jeune homme n’irait pas bien loin et pas assez rapidement s’il voulait partir de toute façon. Puis c’était bien plus marrant de revenir au centre après avoir encore une fois sauvé les meubles. Cependant, alors que la voiture de la femme flic était en vue. Sam sentit une activation naturelle de son pouvoir. Il avait rendu les lunettes de soleil depuis un bon moment et lâcha d’une voix incrédule.

- Mais que !

Rien n’allait, les silhouettes portaient des tenues qui dataient clairement d’un autre temps… Mais ce n’était pas ça la plus bizarre. Elles courraient dans tous les sens. Comme si quelques choses de dangereux allaient arriver. D’un coup, toutes les silhouettes tournèrent la tête vers un point. Sam ne voyait même plus le monde réel, tout avait été surmonté par la rémanence… Il avait l’impression d’y être en vrai. Jamais il n’avait vu les rémanences avec autant de détails d’ailleurs.

La voix de Sunny se fit entendre, mais impossible de la voir. De toute façon, il avait fini par tourner la tête, inquièt vers le point que tout le monde fixaient, l’Etna. Samuel avait la sensation qu’il n’avait pas la même forme. La montagne dorée explosa alors et en à peine quelque instant, une coulée rapide descendit jusqu’à emporter la plupart des personnes présentes sur place. Sam avait beau savoir que ce n’était pas vrai, il leva les mains comme pour se défendre et sentit son corps faiblir d’un coup. Ça n’avait duré que quelques secondes… Pourtant, il lui restait encore au moins 10 minutes de pouvoirs. Le jeune homme n’avait rien compris. De toute façon, à l’instant où il avait été traversé par l’éruption, il se sentit tomber au sol et plus rien.

Qu’avait-il vu avec son pouvoir ? Pourquoi s’était-il activé tout seul ? Ce furent les seules pensées qu’il eut avant de sombrer dans l’inconscience. Une dernière vision du monde réel alors que son pouvoir cessa toute activité… Sunny… et sa foutu voiture qui n’était pourtant plus si loin !

Malgré le sérieux de la situation dans laquelle ils se trouvaient, Sun-Young n’avait pas pu s’empêcher de pouffer en voyant Samuel finalement se résoudre à porter les lunettes de soleil que la technicienne lui avait gentiment prêtées en les lui posant sur le nez, non sans avoir protesté au préalable. Parfait ! Il avait compris que râler ne mènerait à rien avec elle et, surtout, il avait compris qu’ils s’étaient assez amusés tous les deux. Le temps pressait, il fallait absolument qu’ils retrouvent Elisa ! Ils pourraient toujours continuer à se balancer des piques à tout va dès lors qu’ils lui auraient permis de rentrer chez elle ! Ou pas. Sun-Young n’était pas certaine de recroiser un jour Samuel, sauf s’il se faisait à nouveau arrêter. Car même si la Coréenne était du genre à apprécier tous les gens qu’elle croisait et s’attachait même très facilement aux autres, elle avait bien compris que le jeune homme souhaitait tout sauf sympathiser avec elle. Alors soit, elle ne le forcerait pas. Ce n’était pas son genre ! Si Samuel préférait rester dans son coin plutôt que d’avoir une super amie comme elle, c’était son problème à lui !

Quoi qu’il en soit, une fois arrivés sur les quais, c’est Sun-Young qui prit les choses en mains et qui parvint à tirer la pauvre Elisa d’affaire, son « petit-ami » ayant pris la fuite sans demander son reste pendant que la technicienne appelait ses collègues afin de prendre en charge l’adolescente. Son travail était terminé à présent car ce n’était pas elle qui s’occupait des interrogatoires, alors elle put retourner auprès de Samuel, n’ayant pas douté une seule seconde qu’il l’aurait sagement attendue. C’était sans doute naïf de sa part, mais même si le jeune homme était pire que désagréable dans ses mots, Sun-Young avait comme la sensation que c’était quelqu’un de confiance. Alors, quand elle constata qu’il n’avait effectivement pas bougé, la Coréenne sentit son sourire s’étirer un peu plus, avant qu’elle ne s’enquière de son état. Samuel se releva tant bien que mal, avant de se mettre de nouveau à fanfaronner. La technicienne s’entendit soupirer doucement alors qu’elle souriait toujours.

« Mais oui, c’est vous le grand et le magnifique Samuel qui avez permis qu’on boucle cette affaire ! Je ne suis qu’une pauvre technicienne qui vous sert de faire-valoir, votre humble assistante. C’est d’ailleurs pour ça que vous êtes là, à tenir debout avec la plus grande difficulté et même à rêver de dormir en cellule, c’est que vous avez vraiment tout donné pour honorer votre promesse. Ah mais attendez… Qu’est-ce que je faisais moi, déjà, pendant que vous piquiez votre petit roupillon avec mes lunettes de soleil sur le nez ? »

Sun-Young fronça le nez et récupéra d’ailleurs ses lunettes, ayant constaté que les yeux de Samuel avaient repris une couleur normale. Il ne voulait pas l’avouer, mais ils avaient réellement fait un execellent travail d’équipe tous les deux, la Coréenne n’en démordrait pas !

Après avoir récupéré toutes ses affaires pour ne pas accabler le pauvre Samuel déjà exténué d’encore plus de poids, les deux collègues éphémères reprirent la route en direction de l’endroit où Sun-Young avait garé sa voiture. Sur tout le trajet, les discussions se firent plutôt rares, la Coréenne préférant ne pas trop solliciter Samuel pour ne pas le fatiguer davantage, restant même à l’affût du moindre signe de faiblesse. Et au moment où ils arrivèrent à destination, l’homme se figea soudainement. Intriguée, Sun-Young s’arrêta elle aussi pour le dévisager. Ses yeux étaient de nouveau dorés, signe qu’il avait activé son pouvoir. Mais pourquoi ? Il cherchait encore quelque chose ? Ou quelqu’un ? Et pourquoi avait-il l’air aussi perdu ? Voire presque effrayé ?

« Samuel ? Tout va bien ? »

C’était bizarre, il ne semblait ni la voir ni l’entendre, son visage s’étant même tourné vers l’Etna. Sun-Young fit de même en plissant les yeux, essayant de comprendre ce qui avait pu attirer l’attention de son voisin, mais celui-ci esquissa soudainement un mouvement de défense en levant les mains. La Coréenne eut tout juste le temps de se mouvoir pour essayer de le rattraper, que les jambes de Samuel lâchèrent sous son poids. Sun-Young fut aussitôt entraînée vers le sol, puisqu’elle avait serré le jeune homme contre elle afin d’amortir sa chute au mieux. Grimaçant à cause de la douleur qu’elle ressentait au niveau de son genou visiblement meurtri par la chute, la Coréenne reporta bien vite son attention sur Samuel qu’elle avait toujours dans les bras.

« Samuel ! Vous m’entendez ? Bon sang… Je suis censée faire quoi maintenant ? C’était très malin de votre part de rien vouloir me dire sur votre pouvoir ! Vous pourriez être en train de mourir que je ne le saurais même pas ! Abruti ! »

Heureusement que, grâce à son travail, Sun-Young avait acquis un grand sang-froid ! Elle ne paniqua pas et s’assura que Samuel respirait toujours. Il ne présentait visiblement aucun signe inquiétant, il semblait simplement évanoui. Par précaution, la Coréenne attrapa son téléphone portable et contacta le commissariat pour leur expliquer qu’elle aurait besoin d’un médecin une fois de retour au poste afin de s’assurer que tout allait bien pour Samuel. Quand elle raccrocha, Sun-Young soupira profondément.

« Franchement… Vous savez que j’ai juste terriblement envie de vous laisser planté là ? Ça vous aurait fait les pieds… Vous avez de la chance que j’ai un minimum de conscience professionnelle et que je tiens à vous témoigner ma gratitude pour l’aide que vous m’avez apportée aujourd’hui. Oh et puis, pourquoi je m’embête à vous parler au juste ? Sale marmotte ! Vous êtes lourd en plus ! Dans tous les sens du terme ! »

Sun-Young grogna et essaya de soulever Samuel après s’être délestée de tous ses sacs. Elle eut toutes les peines du monde à le remettre dans sa voiture, avant de repartir en direction du commissariat. Sur place, ses collègues l’aidèrent à descendre la Belle aux bois dormant pour le remettre dans sa cellule, la Coréenne étant restée encore quelques instants près de lui, juste pour s’assurer qu’il allait bien après cette auscultation rapide du médecin. Soulagée, Sun-Young se pencha ensuite sur le visage de Samuel, paisiblement endormi. Elle plissa les yeux et lui fit une belle pichenette sur le front pour se venger de tous les mots incisifs qu’il avait eus à son égard. Puis, satisfaite, elle tourna les talons et retourna dans son labo pour poursuivre son travail. Décidément, ça avait été une sacrée journée ! Est-ce que ce serait désormais son quotidien, maintenant qu’elle était installée sur cette île où vivaient de nombreux sorciers ? N’importe qui aurait pu être découragé, mais, à cette pensée, un immense sourire étira les lèvres de Sun-Young. Elle avait déjà hâte de voir ce que l’avenir lui réservait à Banchisa !