Bas les pattes ! |PV William|

Aujourd’hui, sur la place centrale de Banchisa, avait lieu un événement tout particulier que Sun-Young adorait : une brocante ! Cela faisait déjà plusieurs jours que la Coréenne trépignait d’impatience à l’idée d’aller chiner parmi les différents étals tenus par des particuliers. Cela pouvait paraître être un passe-temps de petit vieux, mais la technicienne avait déjà eu la chance de trouver plein de pépites à petits prix dans ces rassemblements, principalement de vieux jeux vidéo dont les propriétaires souhaitaient se débarrasser sans même connaître leur véritable valeur. Sun-Young était un peu triste pour eux, elle s’en voulait presque de les arnaquer en achetant pour quelques euros des jeux qui valaient une petite fortune de par leur rareté, mais… La collectionnite aigüe de la Coréenne et son amour inconditionnel pour les jeux vidéo finissaient par l’emporter. Surtout que bon… Il ne fallait pas oublier que la technicienne ne roulait pas sur l’or ! Elle avait déjà investi la grande majorité de ses économies dans sa petite voiture d’un rouge vif et d’une marque renommée, le reste attendant patiemment sur son compte en banque d’être utilisé, que ce soit pour les courses, pour son loyer ou pour d’autres petits plaisirs personnels. Alors, si Sun-Young pouvait se dégoter de nouvelles pépites pour quelques pièces, elle n’allait certainement pas cracher dessus !

Le soleil réchauffait la place de ses rayons, une petite brise fraîche se faufilant tout de même entre les différents stands. Les températures remontaient doucement, mais Sun-Young préféra ne pas trop se découvrir au risque d’attraper un vilain rhume. Et comme elle n’avait pas prévu de rencontrer qui que ce soit, et de rentrer aussitôt son petit tour terminé, la Coréenne avait opté pour une tenue on ne peut plus confortable et pas du tout raffinée : un jean, des baskets blanches, ainsi qu’un sweat à capuche d’un beau vert sur lequel était floqué un diplodocus rose. Les mains vissées dans la poche ventrale de son sweat, Sun-Young flâna donc entre les stands, s’arrêtant à plusieurs reprises, mais bien plus souvent pour discuter avec les tenanciers que pour acheter. Non, avant de craquer, il fallait qu’elle fasse un premier tour complet !

Les cheveux relevés en une queue de cheval haute, qui virevoltait au rythme de la légère brise qui soufflait, Sun-Young continua son inspection des divers stands, jusqu’à ce que son regard sombre soit immédiatement capté par un reflet du soleil. Battant des paupières et passant brièvement le dos de sa main sur ses yeux, la Coréenne se rapprocha un peu et…

« Non ! Impossible ! »

Les yeux de Sun-Young s’ouvrirent en grand quand elle constata que la jaquette du jeu qui avait reflété le soleil n’était autre que celle de « Silent Hill: Shattered Memories » sur PlayStation 2 ! Un jeu tellement rare qu’il était presque impossible à trouver ! Il devait coûter un bras sur Internet ! Alors comment pouvait-il se trouver ici ? Dans une brocante ?! La Coréenne n’en revenait pas, restant interdite quelques secondes à fixer tour à tour la boîte du jeu et le petit vieux qui se trouvait derrière la table où reposait ce précieux trésor. Elle finit par revenir sur Terre et presser le pas : il lui fallait absolument ce jeu ! Non pas parce qu’il valait une petite fortune, mais parce que c’était typiquement le genre que Sun-Young adorait (entre autres bien sûr).

« Bonjour Mons- »

Sun-Young s’était parée de son plus beau sourire pour saluer le vendeur, mais elle fut immédiatement coupée dans son élan par une main qui entra dans son champ de vision et… se saisit de son précieux jeu ! NON ! Non, non, non ! Il fallait que ce sale type lâche cette boîte ! Elle l’avait vu en premier ! Paniquée, la Coréenne sentit son cœur battre à tout rompre dans sa poitrine alors qu’elle tournait son visage vers son voisin.

« Dites… Vous comptez le prendre ? Je l’avais repéré et je comptais justement l’acheter… »

Sun-Young affichait à présent sa bouille la plus adorable possible, joignant ses mains devant sa poitrine pour accentuer son côté mignon et tenter de faire craquer l’homme. Ah… D’ailleurs, il lui disait vaguement quelque chose ce type… La Coréenne était presque certaine qu’ils s’étaient déjà croisés, mais il y avait bien plus important pour l’heure que de réussir à retrouver qui il était : il fallait qu’elle le fasse céder ! Elle voulait ce jeu ! Presque plus que tout au monde ! C’était limite une question de vie ou de mort ! Il ne pouvait pas le lui prendre comme ça, juste sous son nez !

Un jour comme un autre, enfin si l’on peut dire, car un jour de repos pour Will n’était jamais un jour comme un autre. L’infirmier ne savait jamais quoi faire de son temps libre et résultat, il se retrouvait bien souvent à tourner en rond chez lui ou dehors sans réel but. C’est durant une de ses errances qu’il tomba sur un vide-grenier, se souvenant alors qu’il avait voulu y aller la dernière fois, mais que le temps lui avait manqué, Will se dit alors que ce serait une bonne occasion de trouver un ou deux jeux pour sa console.

Vagabondant dans les allées, le jeune homme observa avec tranquillité les différents stands qui s’offraient à lui, vêtements, vieilleries, même un stand complet de figurine Pops. Autant dire que c’était la foire à la saucisse et tout le monde y aller de son petit stand pour vendre les affaires de son grenier. Le plus amusant, c’est qu’on pouvait souvent trouver des affaires intéressantes de la part de personne méconnaissant leur propre marchandise.

C’est ainsi que Will finit par remarquer quelques jeux ps2 sur un stand tenu par un vieil homme, sûrement pour se débarrasser des affaires de son enfant ou petits-enfants. Quoiqu’il en soit, il remarqua bien rapidement deux jeux qui pourraient l’intéresser. Un jeu d’horreur et un autre plus acté aventure. Très bien, va pour les deux, Will avait les moyens après tout.

Mais avant de pouvoir faire quoi que ce soit d’autre que de prendre les deux jeux en main. Une jeune femme l’interpella pour lui demander s’il comptait bien prendre les jeux en question. Il ne sut pas trop duquel elle parlait, car elle en désigna qu’un seul. En revanche, le visage de la jeune femme lui disait quelque chose… l’avait-il croisé ?

Le vendeur connaissait aussi l’infirmier qui avait pris soin de sa femme pendant un temps à cause d’un souci de santé. Ne laissant pas vraiment le temps aux deux jeunes personnes de réagir, il interpella Will en s’approchant malgré le stand entre eux.

- Oh bonjour, ça me fait plaisir de vous voir ici.
- Bonjour, comment va votre femme ?

La coréenne fut l’espace de quelques secondes oublié jusqu’à ce que l’homme demande de quoi il s’agissait. Will répondit alors calmement.

- Rien de grave, c’était à propos des jeux que j’ai en main.

Le vendeur ne pouvait pas aggraver la situation plus alors qu’en sortant après avoir mal compris.

- Oh vous voulez les prendre. Hors de questions que je vous les fasse payer, voyons. Ils sont à vous et à votre charmante amie. Je vous les offre. Mademoiselle, c'est un type en or, ne le laché pas.

Will sursauta doucement avant de chercher à rétablir avec maladresse.

- Non mais vous m’avez regardé… Je ne peux pas être avec elle voyons !

Il avait voulu dire qu’elle était un peu trop bien pour lui… mais la perte de sa capacité cognitive n’aida pas à se faire comprendre et désormais, il était là, penaud avec deux jeux en mains qui visiblement appartenaient désormais autant à lui qu’a elle… Will lâcha d’une voix en grande partie inquiète pendant que l’homme se faisait interpellé par un client.

- Ah, là, on va avoir un souci.

Et il avait toujours les jeux en mains.

Ce timing de l’enfer ! À peine Sun-Young eut-elle repéré une petite pépite sur un stand, un jeu d’horreur ultra rare sur PS2, qu’une autre personne s’en saisit juste sous son nez ! La Coréenne n’hésita pas une seconde et commença à supplier du regard l’homme qui lui disait vaguement quelque chose. Sauf que son voisin n’eut pas le temps de lui répondre, puisque le tenancier du stand coupa sans aucune gêne la conversation que Sun-Young avait entamée pour commencer à discuter avec le voleur de jeu. La Coréenne attendit sagement que les deux hommes terminent leur petite affaire, plissant les yeux en fixant plus intensément que jamais le précieux jeu que l’autre tenait toujours entre ses mains. Sérieusement, il en avait pris deux, il pouvait bien lui en laisser un, non ?

Mais les mots du vieil homme qui suivirent firent se redresser d’un coup la technicienne, qui le fixa avec de grands yeux ronds. Elle battit même des paupières à plusieurs reprises, ayant du mal à comprendre ce qu’il se passait. Est-ce que ce type… Leur proposait vraiment de prendre ces jeux gratuitement ?! Alors que l’un d’eux valait une petite fortune ?! Oui, c’était le seul détail que Sun-Young avait retenu, n’étant pas gênée pour un sou que le vieil homme ait pu croire qu’ils étaient en couple tous les deux. Sauf que la réponse de son voisin lui fit plisser les yeux et claquer sa langue contre son palais. Qu’est-ce qu’il voulait dire ? Elle n’était pas assez bien pour lui, c’était ça ?! Quel goujat !

Le tenancier fut ensuite interpellé par d’autres passants, laissant Sun-Young face à face avec ce malotru voleur de jeu. Son air vexé laissa finalement place à un grand sourire qui ne présageait rien de bon.

« Un souci ? Vraiment ? Je n’en vois aucun personnellement. Ce gentil monsieur nous a offert à tous les deux ces jeux, nous n’avons donc plus qu’à partager ! Par contre, avec ce que vous avez osé dire tout à l’heure à mon propos… Je ne vais pas me contenter de vous proposer une garde alternée et partir gentiment en attendant que ce soit à mon tour de pouvoir y jouer. Vous avez été particulièrement désobligeant dans vos mots, j’exige donc réparation. C’est bien comme ça qu’on dit en italien, non ? »

Sun-Young prit les jeux des mains de l’inconnu, décrivant le deuxième du regard, avant que son sourire ne s’étire davantage en constatant qu’il y avait un autre jeu très intéressant sur l’étal : un Mortal Kombat, lui aussi sur PS2 ! Elle s’en saisit donc après avoir fouillé dans son sac en bandoulière pour en sortir un billet de 50 € qu’elle glissa dans la petite caisse du tenancier qui était occupé un peu plus loin avec d’autres passants. À tous les coups, il leur aurait dit de l’embarquer gratuitement avec les autres jeux, mais il était hors de question pour la technicienne de partir d’ici sans dédommager un minimum le vieil homme.

« Ce serait trop simple que vous vous excusiez, je ne serai pas satisfaite avec de simples mots. Alors, à la place, ce que je vous propose, c’est qu’on s’affronte à la loyale sur ce jeu-là. Et puisque je ne suis visiblement pas assez bien pour vous, ça ne vous dérangera pas que cet affrontement se déroule chez vous, non ? Il n’y aura aucun quiproquo si vous amenez une inconnue à votre domicile, étant donné qu’il est parfaitement impossible que nous puissions former un couple selon vos dires. »

Sun-Young gardait son sourire aux lèvres, mais on sentait clairement dans le ton de sa voix que cet inconnu l’avait quand même vexée. Il ne la connaissait même pas et osait dire de telles choses ? Habituellement, la Coréenne passait au-dessus de toutes les critiques qu’on pouvait lui faire, mais là… C’était la goutte d’eau ! Il avait quand même essayé de lui voler son précieux jeu dès le départ ! Et maintenant… Voilà qu’ils se retrouvaient à devoir faire une garde alternée !

« Vous ne pouvez pas refuser de toute façon. Parce que si vous le faites, je compte bien vous pourchasser jusqu’à chez vous pour savoir où vous habitez et mieux revenir récupérer mon jeu dès la semaine prochaine ! D’ailleurs, estimez-vous chanceux que je préfère régler notre petit litige de cette façon qu’en vous collant une claque bien bruyante sur le visage et en faisant un esclandre qui ferait se retourner tous les passants vers nous, histoire de bien vous mettre la honte. »

Sun-Young garda les trois jeux contre sa poitrine, avant de plisser les yeux tout en fixant son interlocuteur.

« En tout cas, je trouve que vous jugez bien vite les gens sans même les connaître… J’espère pour vous que ce n’est pas parce que j’ai les yeux bridés ! »

La Coréenne continua à le juger du regard, se maudissant intérieurement de toujours considérer toutes les situations de la vie quotidienne comme des défis à relever. Puisque ce type l’avait mal jugée sans même la connaître, Sun-Young avait terriblement envie de lui prouver qu’il avait tort et que c’était une fille géniale !