Briser la glace [Pv Aaron]

Samuel observait calmement le paysage défiler, affalé dans son siège d’autobus, la tête collée à la fenêtre. C’était long, si y avait bien un endroit ou utilisé son pouvoir n’avait aucun intérêt, c’était ici. À part pour découvrir que la dernière personne assise à côté de lui était un papy asthmatique… Pff, même la notion du temps était embrumées, les minutes devenant peu à peu des heures alors qu’il était bercé par le bruit du moteur et les discussions autour de lui. Son reflet indiquant qu’il avait ses lunettes de soleil sur le nez. Ses habits étaient simples, légers, de quoi voyager en étant à l’aise. Un sweat à capuche gris et un jean.

Le jeune homme soupira, il s’était lancé dans une aventure sur un coup de tension. Peut-être voulait-il comprendre pourquoi… pourquoi on l’avait foutu dans cette endroit de …. Bref. Sam cherchait juste des responsables… Ses parents visiblement, ses « parents ». Une grimace s’afficha sur son visage à cette pensée alors qu’il tourna son regard sur un gamin qui semblait s’être éloigné de ses parents pour l’observer. Ce gamin fit un commentaire sur ses cheveux blancs avant de lui demander comment il s’appelait. Mais la réponse de Sam fut sans appel.

- Le père noël, maintenant lâche moi les clochettes si tu ne veux pas finir avec du charbon dans tes souliers en fin d’année…

Le gamin n’insista pas et retourna auprès de ses parents sans attendre. Sam lui retourna son regard vers l’extérieur et lâcha un second soupir. Mais il arrive quand ce foutu car !

Une fois arrivé à la gare de Banchais, le jeune homme retrouva un semblant de sourire. Faisant quelques mouvements de jambes pour en faire partir les fourmis et les sensations désagréables. Maintenant, trouvé un endroit où dormir et surtout, un endroit ou se restaurer. Un bar, un restaurant, n’importe quoi, car la nuit n’était plus très loin.

Sam se rendit donc sans attendre dans un endroit ou visiblement, il trouverait son bonheur… Mais par un malheureux concours de circonstance, son téléphone décida de ne pas le guider ou il voulait. L’avait-il mal réglé, ou avait-il touché sans le faire exprès sur une autre destination ? Possible, quoi qu’il en soit, il se retrouva dans une ruelle et décida d’utiliser un peu son pouvoir dans l’idée de retrouvé des passants dans le temps qui pourrait l’aiguillé vers une rue plus central.

La chance voulut qu’un type sorte à ce moment pour jeter une poubelle. Ah ben voilà parfait ! Sam s’approcha alors en se faisant remarquer.

- Eh ! Tu crois que tu peux me sauver la vie ?

Dit-il avant de se rendre compte que son pouvoir était encore actif et qu’il ne portait plus ses lunettes de soleil car… la nuit… Ben voilà quoi !

La fin du service d’Aaron approchait. Les clients commençaient à partir les uns après les autres et lui et ses collègues s’affairaient à nettoyer la salle principale. Un coup de chiffon sur les tables, un coup de balai et de serpillière sur le sol, un passage aux toilettes pour tout bien désinfecter et il ne lui restait maintenant plus qu’à jeter les poubelles ! Ce soir, c’était le chaton qui était chargé de fermer le bar, ses autres collègues étant déjà partis depuis quelques minutes. Armé de deux gros sacs poubelle, Aaron zigzagua donc dans l’arrière-salle réservée au personnel, puis il poussa la porte avec son pied.

« Maiiiieuuuuh ! Allez, ouvre-toi ! »

Mais la porte faisait de la résistance, elle ne voulait pas s’ouvrir malgré le pied d’Aaron qui tentait de la pousser. Bon, il avait la force d’une mouche malade, mais fallait quand même pas déconner ! Il n’avait aucun mal à l’ouvrir de cette manière habituellement !

Chouinant en maudissant cette foutue porte, Aaron commença à carrément donner des coups d’épaule dedans. Mais en vain, elle ne voulait pas céder… Le chaton préféra arrêter et lâcher ses deux sacs pour les reposer sur le sol, alors qu’il venait délicatement frotter son épaule à présent douloureuse.

« Pourquoi tu me fais ça, hein ? S’il-te-plaît… Laisse-moi passer… »

Aaron actionna la poignée avec toute l’énergie de son désespoir et sentit que le battant lui laissait finalement accéder à la ruelle se trouvant à l’arrière du bar, là où se situaient les poubelles. Le chaton sentit son visage s’illuminer avec un grand sourire alors qu’il remerciait la porte, comme un gros idiot, se saisissant à nouveau de ses sacs poubelles pour les sortir. Il était tellement soulagé de ne pas avoir cassé la porte et de pouvoir terminer son travail qu’il en était même rendu à chantonner alors qu’il ouvrait le couvercle de la grande poubelle !

Mais alors qu’il était dans sa petite bulle, des mots lancés juste derrière lui l’en tirèrent tellement brusquement qu’il sursauta et lâcha le couvercle qui claqua dans un grand fracas. Grognant, Aaron frotta un peu ses oreilles avec ses épaules, vu qu’il tenait toujours les sacs poubelle dans ses mains, puis il se tourna vers la personne qui l’avait interpellé.

« D-Désolé ! Je ne m’attendais pas à ce quelqu- HIIIIIIII ! »

DES YEUX JAUNES ! Ce type avait des yeux jaunes !! C’était quoi ? Un vampire ? Un loup-garou ? Il allait le manger ? Lui sucer le sang ? Oui, c’était sans doute pour ça qu’il lui avait demandé s’il pouvait lui sauver la vie ! Il voulait le manger pour ne pas mourir de faim !

« N-Noooon ! J-Je suis pas bon ! Je vous jure ! E-En plus, j’ai que la peau sur les os ! Vous auriez encore faim même après m’avoir mangé tout entier ! E-Et puis, je sens vraiment très très mauvais ! »

On pouvait repousser les vampires avec de l’ail après tout, non ? Alors Aaron ne trouva rien de mieux à faire que de serrer les sacs poubelle contre lui, aussi fort qu’il le pouvait, dans l’espoir que leur odeur viendrait se fixer sur lui pour faire fuir ce monstre nocturne assoiffé de sang !

Sauf que voilà, à cause du gros coup de flippe que la vision de ces yeux jaunes avait provoqué chez Aaron, son pouvoir s’était activé malgré lui. Le chaton sentit comme un point très douloureux apparaître au niveau de ses tempes, ce qui le fit grimacer et chouiner. Il comprit immédiatement que quelque chose allait arriver et… Oui. Les sacs se déchirèrent et toutes les ordures se répandirent sur le sol.

« A-Ah… Non… »

Aaron oublié l’espace d’un instant qu’un potentiel prédateur se tenait devant lui, complètement déprimé de voir que tout ce qu’il s’était évertué à mettre dans ce sac se trouvait à présent par terre. Et il ne pouvait décemment pas laisser ça ainsi ! La pollution, c’était mal !

« J-Je… Excusez-moi, je… Est-ce que vous pouvez juste me laisser un peu de temps ? I-Il faut que je remette tout ça dans des sacs poubelle, vous pourrez essayer de me manger à nouveau quand j’aurai terminé, d’accord ? »

La culpabilité d’avoir pollué était donc plus forte que l’instinct de survie d’Aaron… Le chaton était le pire idiot sur cette planète ! L’inconnu allait certainement bien se marrer en entendant le délire dans lequel il s’était enfermé tout seul, ou alors il allait le prendre pour un fou et s’en aller loin avant que la connerie de l’Anglais ne finisse par le contaminer !

Samuel n’avait pas encore réalisé pourquoi l’inconnu avait eu aussi peur de lui, la rue avait dû être déserte pendant un bon moment, car aucune ombre issue de son don n’était apparue dans ses champs de vision. Alors, le jeune homme n’avait même pas conscience que son pouvoir était encore actif quand il avait interpellé l’homme qui sortait sa poubelle.

Ce cri… Samuel porta presque aussitôt une main à son oreille qui souffrit d’un acouphène pas du tout anticipé. Évidemment, dans son esprit, il ne pouvait comprendre et retourna aussitôt pour voir s’il y avait un souci derrière lui. Sauf que non, la rue était toujours déserte. Ok, première rencontre pour Sam et fallait qu’il tombe visiblement sur un taré… Encore la chance quoi. Un soupir et une moue blasée, il lâcha.

- Ok, désolé, mais je mange rarement la chair humaine sans ketchup… Donc tu auras la vie sauve pour aujourd’hui… J’ai juste besoin de …

Il ne put finir sa phrase, car le sac-poubelle de l’autre s’éventra, mais comment ? Samuel lâcha un soupir… Encore la chance quoi. L’inconnu lui mit littéralement un vent à partir de ce moment-là et le jeune voleur soupira à nouveau. Lâchant pour lui-même.

- Je n’ai pas vraiment le choix que de compter sur lui… Autant l’aider même si ça m’enchante pas plus que ça.

Il s’accroupit et entreprit d’aider l’homme à regrouper tout ce qui avait sombré au sol. Le naufrage de la poubelle du taré de la ruelle… Ce serait bof comme titre pour cette histoire. Mais si Samuel ne parvenait pas à trouver quelque chose pour rigoler, y a de fortes chances que la frustration prenne le pas. En ramassant une canette, un chat doré passa non loin, sautant sur une poubelle qui n’était visiblement plus à la même place dans la temporalité réelle, car le chat avait deux pattes posées sur une zone vide mais solide. Il comprit.

- Oh !

Ses yeux changèrent aussitôt le doré contre du gris plus classique. Combien de temps avait-il remonté ? Car le chat allait à reculons, donc, Sam en déduisis qu’il avait laissé son pouvoir rembobiner tout seul, il sourit alors et éclata même de rire en comprenant mieux, mais n’allait pas non plus avouer son pouvoir aussi facilement à un inconnu. Il dit d’un ton détendu.

- C’est ton jour de chance l’ami, vu l'odeur… Je vais me passer du hors-d’œuvre pour aujourd’hui. Tu peux dire merci à ta poubelle qui t’a sûrement sauvé la vie ! Plus sérieusement, je viens d’arriver en ville et je cherche un hôtel, on m’a indiqué vite fait, mais les précisions étaient… Discutables et je me suis retrouvé ici. Tu connais un endroit où je pourrais passer la nuit ? Où au moins boire quelque chose, j’ai une de ses soifs…

Un monstre ! Un monstre mangeur de chair humaine ! Mais pas sans ketchup ?! Aaron se figea, fronçant un peu les sourcils alors qu’il déglutissait quand même difficilement. Ah bah oui, c’était logique, le ketchup, ça apportait tout de suite un petit goût en plus ! Un goût tout doux qui permettait d’accompagner la saveur certainement pas très agréable de la chair humaine… D’ailleurs, ça avait quel goût un humain ? Est-ce que la saveur changeait selon la personne qu’on mangeait ? Le chaton commençait à partir très loin dans ses réflexions, mais il secoua soudainement vivement la tête et scruta le monstre en gigotant un peu, essayant de déceler si, oui ou non, il avait du ketchup sur lui. Sauf que voilà, ce fut pile à ce moment-là que le sac poubelle qu’il tenait entre ses mains décida de lâcher, tout son contenu se répandant aux pieds du chaton. Quelle poisse ! Il avait pollué cette si belle ville de Banchisa, et en plus on allait sans doute le manger avant qu’il n’ait pu réparer ses bêtises !

Aaron s’empressa alors de demander au monstre de patienter un peu, le temps qu’il ramasse tout ça. Il s’était accroupi et tâchait de ramasser le plus gros dans ses bras, laissant le reste sur le cadavre de sac poubelle afin de pouvoir transvaser le tout dans un nouveau sac. Et alors qu’il s’évertuait à tout ramasser, non sans chouiner silencieusement devant cet énième contrecoup de son karma pourri, il sentit une présence tout près de lui. Aaron releva les yeux et se figea immédiatement en voyant le monstre accroupit face à lui. Il étouffa un nouveau « Hiiiiii ! » tout sauf viril, fixant l’inconnu avec de grands yeux ronds, prêt à détaler s’il tendait une main vers lui pour l’attraper. Mais non, à la place, le regard du monstre… changea de couleur ! Aaron resta parfaitement interdit pendant que son vis-à-vis lui expliquait qu’il ne le mangerait pas et que, comme il venait tout juste d’arriver, il cherchait un endroit où passer la nuit. Le chaton le fixa avec ses yeux ronds, papillonnant des paupières à plusieurs reprises, comme s’il ne comprenait pas du tout cet enchaînement très étrange…

« V-Vos yeux… Ah ! J’y suis ! Ils se mettent en doré quand vous vous apprêtez à dévorer quelqu’un, c’est ça ? Et comme je sens mauvais et que vous n’avez peut-être pas de ketchup sur vous, vous avez désactivé votre pouvoir de mangeage de gens, c’est ça ? C’est assez particulier comme pouvoir… Surtout que ce n’est pas très discret, vous devez faire peur à tous les gens que vous voulez manger avec vos yeux, non ? »

Aaron était-il vraiment en train de tranquillement taper la causette avec un type qu’il avait cru capable de le dévorer quelques secondes auparavant ? Absolument ! Pour lui, son raisonnement était tout à fait logique : tant que les yeux de cet homme restaient gris, il ne craignait rien ! Et en plus, il n’était pas si méchant que ça quand il était normal ! La preuve : il était même en train de l’aider à ramasser toutes les ordures qui jonchaient le sol !

« Je remercie ma poubelle alors ! Et je vous remercie aussi pour votre aide… Ca ne sent pas bon et pourtant vous m’aidez… J-Je peux vous indiquer des hôtels si vous voulez, je pense qu’on devrait pouvoir en trouver sur l’ordinateur qui se trouve dans le bureau du patron, mais ce que je suis sûr, c’est que je peux vous offrir à boire ! Pour vous remercier de votre aide ! Est-ce que vous avez faim aussi ? Je suis très maladroit, mais je fais très bien la cuisine ! »

Aaron offrit un grand sourire rayonnant à cet inconnu, se redressant pour aller jeter les déchets les plus gros dans la poubelle qui se trouvait derrière eux. Chose faite, il grogna un peu en essayant de chasser les petites épluchures qui s’étaient collées sur lui, puis il ouvrit la porte arrière du bar.

« Je vous en prie, entrez ! Tout le monde est déjà parti, il ne reste plus que moi ! Et comme je vis seul, ça ne me gêne pas de rester un peu avec vous, le temps que vous ayez bu un peu et trouvé un endroit où dormir ! »

Le chaton était vraiment beaucoup trop gentil et trop naïf pour son propre bien ! Si jamais ce type aux yeux étranges causaient des ennuis, nul doute que le patron d’Aaron ne laisserait pas passer cette faute d’avoir laissé un parfait inconnu pénétrer dans son commerce et, surtout, son bureau !

Ça ne manqua pas, l’homme, lui fit la remarque à propos de ses yeux. Sam se sentit complétement idiot d’avoir eu un tel manquement. Lui qui voulait être discret, bah, c’était particulièrement réussi, si on aurait été dans un cartoon, nulle doute qu’on aurait entendu des applaudissements en bruits de fond.

L’inconnu fit rapidement la relation entre le fait qu’il avait dit qu’aucun humain ne serait mangé et ses yeux redevenu normaux, ce qui eut le mérite de le faire sourire doucement. C’était pas mal, mais malheureusement, pas le genre de chose qu’il irait crier sur les toits… Ni dans la rue d’ailleurs. Donc, autant ne pas conforter l’homme dans cette idée et Sam ne renchérit pas plus en lâchant.

- Ouais, un truc comme ça. C’est même fou que je ne sois pas devenu obèse depuis le temps…

Peut-être comprendrait-il l’allusion. Après tout, si Sam mangeait vraiment des humains, alors comment conserver cette taille assez svelte avec 60 kilos de barbaque au minimum par repas. Le jeune homme avait d’ailleurs envie de rire à cette idée. Il hésita à ajouter aussi que le fait de courir après ses victimes faisait un bon programme fitness… Mais ce n’était probablement pas utile.

L’inconnu lui proposa rapidement à boire en le remerciant pour son aide, Samuel n’avait pas vraiment fait ça dans l’attente d’une récompense. Cependant ce qu’il avait dit avant l’intéressa un peu plus. Car oui, le jeune homme aurait pu se servir de son téléphone s’il n’avait pas oublié d’en modifier le forfait. C’était sa seule véritable erreur. Il avoua.

- Ça me rendrait service, pour le coup ça m’évitera de tourner pendant des heures. Même si je me doute qu’il y a plein d’hôtels, je ne tiens pas trop à tomber sur un endroit miteux non plus.

Un grand sourire, sans avoir des goûts de luxe, il n’avait pas des goûts de me….. Non plus. Le jeune homme le suivit alors à l’intérieur sans se faire prier. Il posa son lourd sac de voyage au sol puis s’approcha du bar pour s’y installer en avouant d’un ton détendu.

- Ça m’arrange, j’aime bien quand il n’y a pas trop de monde autour de moi. Au fait, je m’appelle Sam … Et pour te rassurer définitivement, mes yeux dorés… N’ont rien à voir avec un besoin cannibalisme… Je ne toucherais probablement jamais la viande humaine même… Enfin, j’espère.

La fin n’était pas sérieuse, surtout les deux derniers mots principalement. Samuel, cependant, le fixa et demanda d’un ton plus sérieux.

- Mais j’aimerais que cette histoire reste entre nous. Je ne tiens pas à me faire remarquer. Sauf que se balader avec des lunettes de soleil sans soleil en soirée, c’est pas plus discret qu’avec des yeux doré… Alors ! Les hôtels, ça donne quoi ?

L’inconnu voulut sans doute faire comprendre par des sous-entendus qu’Aaron faisait complètement fausse route avec ses élucubrations, malheureusement le chaton n’était pas assez malin pour le comprendre. Lui et les insinuations… Si vous vouliez qu’il comprenne aussitôt ce que vous vouliez lui dire, il valait mieux le lui dire clairement, sans détours ! Aaron était un vrai idiot, ce n’était plus à prouver !

« Eh bien… J’imagine que vous devez faire pas mal de sport, c’est sans doute pour ça que vous ne grossissez pas… Parce que si vous pourchassez les gens pour les manger, ça vous fait forcément vous dépenser. »

Le pire, c’était que le chaton était HYPER sérieux en disant tout ça ! Il y croyait pour de vrai, en témoignaient cette main qui frottait son menton et cet air en pleine réflexion affiché sur son visage.

Quoi qu’il en soit, puisque le cannibale n’en voulait plus à sa viande fraîche et qu’il lui avait donné un coup de main à ramasser tout le bazar qu’il avait répandu sur le sol à cause de son sac poubelle troué, Aaron lui proposa d’entrer dans le bar afin qu’il puisse lui offrir à boire et l’aider à trouver un hôtel où séjourner.

« Oui, vous avez parfaitement raison ! Je crois que la plupart des hôtels du centre-ville sont plutôt confortables et de bonne qualité, mais si vous ne connaissez pas la ville, vous aurez vite fait de vous égarer ! Surtout si vous avez un sens de l’orientation aussi mauvais que moi ! Vous savez, à mon arrivée ici, j’ai réussi à me tromper et… Je me suis retrouvé dans un love hotel pour ma première nuit… »

Aaron rougit et cacha son visage dans ses mains à l’évocation de cette grossière erreur qui avait bien fait rire la demoiselle à l’accueil. Il était finalement resté sur place, mais s’était senti affreusement gêné en avançant dans les couloirs et en croisant certains clients. Ce n’était pourtant pas difficile de remarquer ce genre d’établissements, mais il fallait croire que le chaton s’était laissé porter par l’euphorie de son arrivée sur l’île et qu’il avait simplement mis son cerveau encore plus sur off qu’à l’accoutumée…

Quoi qu’il en soit, Aaron s’empressa de passer derrière le bar pour poser un verre d’eau devant l’homme qui se présenta et lui expliqua enfin que son regard n’avait absolument rien à voir avec un quelconque côté cannibale. Le chaton ouvrit de grands yeux ronds, ne pouvant s’empêcher de soupirer profondément de soulagement en portant une main sur son cœur. Ouf !

« Me voilà rassuré ! On croise toutes sortes de gens, alors je me disais que vous auriez très bien pu être le premier cannibale que je rencontrais ! Mais je préfère quand même savoir que vous ne risquez pas un jour de me manger… En tout cas, je suis ravi de faire votre connaissance Sam ! Moi, je m’appelle Aaron ! Et vous pouvez compter sur moi, je serai aussi muet qu’une tombe ! Je ne parlerai jamais de vos yeux à qui que ce soit ! Mais hum… Est-ce que vous voulez bien me dire à quoi ils sont dus si ce n’est pas lié à votre envie de manger des gens ? »

Aaron sursauta ensuite légèrement quand Sam lui demanda si sa recherche d’hôtels avançait, le chaton n’ayant pas encore commencé, bien trop occupé à détailler son interlocuteur, assis face à lui.

« Ah ! Oui ! Les hôtels ! Attendez, je regarde ça tout de suite ! Est-ce que vous voulez que je vous serve autre chose que de l’eau ? Peut-être quelque chose d’un peu plus fort ? Je peux aussi vous préparer un petit sandwich ou un croque-monsieur si vous voulez ! »

Puis, en attendant que Sam lui passe commande, Aaron contourna le bar et s’engouffra dans le bureau de son patron, revenant quelques secondes plus tard pour s’assoir près du nouvel arrivant avec un ordinateur portable qu’il alluma.

« Alors hum… Quels sont vos critères ? En tout cas, si jamais vous voulez tester un love hôtel, celui où j’ai séjourné était vraiment très confortable et… Il y en avait vraiment pour tous les goûts ! »

Non, non, ce n’était absolument pas une invitation à y aller ensemble ! Le chaton ne se rendait simplement pas compte que ses paroles pouvaient vraiment être très mal interprétées !

Samuel afficha une mine blasée en constatant que sa petite blague fut prise un peu trop au sérieux, mais bon, peu importe. Si l’inconnu voulait avoir peur, alors soit. Ce n’est pas le voleur qui allait dissiper le malentendu. Il était bien trop crevé pour faire quoi que ce soit de plus que de boire un coup et de se rendre à l’hôtel le plus proche. Donc, il écouta l’inconnu raconter sa vie jusqu’à ce qu’il puisse entrer. La partie du «love-hôtel » l’amusa en réalité et il surenchérit.

- Bah tant qu’à y être, il fallait profiter ! Je suis sûr que t’aurais eu aucun mal à trouver une femme à qui un homme infidèle aurait posé un lapin.

Une petite anecdote avait eu lieu au début de son apprentissage, lorsque son père adoptif avait été débauché pour voler un contrat de mariage auprès d’une femme infidèle. Ça n’avait pas été si compliqué, se faire passer pour un amant et hop, ni vu ni connu. Pendant que la miss se reposait après un ébat houleux, l’homme n’avait eu aucun mal à récupérer le papier qui bloquait dans l’avancement du divorce. Cependant, Sam espérait ne jamais avoir à faire un vol de cette manière.

Une fois à l’intérieur et sur d’avoir quelque chose à boire. Sam décida de rassurer l’inconnu, car il ne tenait pas vraiment à faire courir la rumeur d’un cannibale aux yeux dorés dans les parages. Par chance, cette fois, il fut compris de suite. Bon, il nota dans un coin de sa tête qu’il fallait être clair avec le barman, très clair, car ce dernier ne semblait pas comprendre le second degré, d’ailleurs, il lui demanda en quoi consiste le pouvoir de ses yeux. Cependant, le voleur n’était pas vraiment du genre à dévoiler ce genre d’information. Il lâcha alors d’un ton calme.

- C’est compliqué, mais en gros… je peux… avoir des réponses qu’on ne pourrait pas avoir avec un regard normal… une sorte de troisième œil. Attends, je vais te donner un exemple si j’en ai un sous la main pendant que tu cherches un hôtel. Je vais éviter l’alcool en ce qui me concerne. Tu crois que tu peux me servir un Orangina avec de la grenadine dedans ?

Ses yeux redevinrent dorés presque aussitôt et déjà, il voyait de nombreuses silhouettes allé et venir dans le bar. Il se tourna pour observer la pièce. Histoire de s’assurer qu’il ne loupe pas un détail et ah … Quelque chose d’inhabituel enfin. Oh même intéressant. Visiblement, une des personnes, une femme à en juger par la forme de la silhouette. Sam avait beau maîtriser son pouvoir, ce n’était pas encore suffisant pour discerner les visages. Il fut déconcentré par miser qui semblait plus aussi timide d’un coup. Il manqua d’avaler de travers sa gorgée avant d’éclater de rire.

- Non merci ! Ça ira.

Ben dis donc, c’est qu’il l’avait aimé son passage dans cet hôtel. Sam lui lança un coup d’œil amusé. Il cachait bien son jeu derrière son air de victime. Mais au fond, il était bien libre de faire ce qu’il voulait. Samuel précisa donc.

- Je ne suis pas venu pour ça même si j’aurais préféré. Je cherche quelque chose dans la moyenne et aussi normal que possible. Je préfère ne pas trop dépenser aussi.

Puis il ajouta en guise de preuve sur son pouvoir.

- Oh ! Et je te suggère de jeter un œil à ta caisse. L’une de vos employés tape dedans visiblement, ou alors sa poche arrière et un emplacement de votre fonds de commerce. Elle a tapé deux fois dedans, une fois à 14h27 et … attend.

Il se tourna pour regarder la montre avec ses yeux redevenus dorés encore une fois puis lâcha pendant que son regard revenait au gris.

- 17h08 ! Si tu me crois pas, t’aura qu’à regarder la vidéo de votre caméra de surveillance bien planqué derrière votre plante. Ce qui explique pourquoi elle est coupée aussi précisément à son sommet et pas sur le reste.

Inutile de dire que les joues du chaton avaient immédiatement pris une teinte cramoisie quand Samuel rebondit sur cette histoire de love hotel.

« J-Je… E-En fait, je… Hum… C’est… L-Les femmes ne m’intéressent pas… »

Aaron avait baissé les yeux, ses mains se triturant assez nerveusement. Avouer qu’il était gay, qu’il aimait les hommes… ça lui avait très souvent valu des problèmes quand il était plus jeune. Entre moqueries, regards noirs et plein de jugements… Bon nombre des « amis » qu’il avait pu avoir s’étaient éloignés de lui en apprenant la nouvelle, peut-être de peur que le chaton finisse par s’intéresser d’un peu trop près à eux. À cause de ces divers comportements à son égard, l’Anglais n’avait jamais été à l’aise avec son orientation sexuelle et ne l’évoquait jamais tant qu’il n’en avait pas besoin. Alors oui, il aurait pu tout simplement ne rien dire à ce type qu’il venait de rencontrer, mais Aaron était trop nul pour mentir, alors il préférait être sincère. Il leva un œil inquiet et intimidé vers Samuel, essayant de voir quelle serait sa réaction face à cette révélation. Est-ce qu’il allait, lui aussi, avoir peur pour ses fesses et prendre la poudre d’escampette ?

Fort heureusement, son interlocuteur ne sembla pas vouloir s’étaler davantage sur le sujet et suivit Aaron dans son changement de conversation. Le chaton fut alors grandement intrigué par les explications de Samuel concernant son pouvoir, ne pouvant s’empêcher de lui jeter quelques petits regards curieux pendant qu’il lui préparait sa boisson. Puis, après lui avoir servi son verre, Aaron s’exécuta et commença à chercher un hôtel où son client pourrait séjourner pour la nuit.

« Voilà votre boisson ! Et euh… Est-ce que ça veut dire que vous avez un troisième œil invisible qui apparaît au niveau de votre front ? »

Aaron plissa les yeux et fixa le front de Samuel alors que son regard reprenait une teinte dorée, mais impossible d’y déceler le moindre changement. À la place, il préféra demander à son interlocuteur plus d’informations sur ses critères de recherche, avant de faire une petite moue en l’écoutant.

« Ça veut dire que vous n’êtes pas très heureux de la raison qui vous a poussée à venir jusqu’ici ? En tout cas, je crois avoir trouvé quelque chose qui pourrait vous intéresser ! C’est un hôtel pas trop cher et comme je ne sais pas trop si vous devez y rester longtemps, vous n’aurez même pas à vous inquiéter de ça puisqu’ils acceptent les longs séjours ! »

Et alors qu’Aaron tournait son ordinateur portable vers Samuel pour qu’il puisse juger de lui-même si le lieu lui convenait, celui-ci lui conseilla de vérifier la caisse. Cette déclaration laissa le chaton interdit, avec de grands yeux ronds.

« Qu-Quoi ?! Comment c’est possible ? Tout le monde est gentil ici, personne ne ferait une chose pareille, c’est impossible ! »

Aaron délaissa son ordinateur portable pour se précipiter vers la caisse et l’ouvrir. Le chaton fronça les sourcils très fort, comme si ça pourrait l’aider à mieux repérer cette soi-disant tentative de fraude de la part d’une de ses collègues. Sauf que si on ne le laissait pas toucher à la caisse à la fin du service pour faire les comptes, c’était pour une bonne raison : il était le pire des boulets quand il s’agissait de faire de la comptabilité !

« J-Je… E-Est-ce que vous croyez qu’on peut regarder la vidéo tous les deux ? Ce n’est pas que je ne vous crois pas, mais je ne comprends pas pourquoi une de mes collègues ferait un truc pareil… Est-ce que vous êtes vraiment sûr de chez sûr ? »

Aaron retourna prestement l’ordinateur vers lui pour essayer de retrouver les enregistrements des heures indiquées par Samuel. Déglutissant difficilement, il lança la première vidéo et regarda l’enregistrement avec les yeux à moitié fermés, comme s’il ne voulait surtout pas voir la vérité. Jusqu’à ce que…

« AH ! C’est Giulia ! Non, c’est impossible ! Non, non, non ! Vous avez trafiqué les enregistrements avec vos yeux magiques, c’est ça ? Le patron va être très en colère ! »

Le chaton commençait à paniquer et à trembler légèrement. Son patron était quelqu’un d’extrêmement gentil, mais la seule fois qu’il l’avait vu s’énerver très fort contre un client, cette scène avait réussi à lui glacer le sang ! Inutile de dire que Giulia risquait de passer un sacré mauvais quart d’heure si jamais Aaron la balançait avec ces enregi-

« Ah. »

L’écran venait soudainement de devenir noir. Le chaton secoua doucement l’ordinateur, comme s’il espérait que ça change quoi que ce soit, mais cette panique qui l’avait gagné avait déclenché son pouvoir et cramé purement et simplement l’ordinateur portable de son patron.

« Oh, oh… Il est cassé ? Vous pouvez le réparer ? »

Aaron blêmissait à vue d’œil et il finit par refermer l’ordinateur.

« J-Je… Je vais le remettre à sa place, comme si de rien n’était… Peut-être qu’il fonctionnera de nouveau demain… J-Je… Je vais vous accompagner jusqu’à l’hôtel que j’avais trouvé pour vous si vous voulez bien et si vous me faites confiance vu que vous n’avez même pas pu le voir… Vous êtes d’accord ? C-Ce n’est pas très loin à pied ! »

Très rapidement, son interlocuteur avoua que les femmes ne l’intéressaient pas, ce qui fit légèrement réagir Samuel qui se contentât simplement de hocher doucement la tête. Chacun ses goûts comme on dit et ce n’était certainement pas lui qui allait juger ceux des autres. Il n’avait de toute façon jamais trouvé quelqu’un qui lui plaise assez pour tenter l’expérience au-delà de l’amusement d’un soir ou d’une nuit. Le mode de vie n’y aidant pas vraiment non plus.

Quoi qu’il en soit, le jeune homme se fit une joie de démontré la véracité de ses dires concernant son pouvoir. Bien utilisé, son don pouvait être particulièrement utile. D’autant qu’il se prêtait vraiment bien à sa spécialisation, le fait de pouvoir revenir dans le temps, de voir ce qu’il pouvait se passer dans un endroit où on avait jamais été. Repérer les codes, les caches secrètes, voire même parfois des secrets bien garder. Autant dire que pour s’introduire dans l’intimité des gens sans que ces derniers le sachent, c’était parfait.

Il trouva bien vite quelque chose de suspect en voyant la silhouette dorée près de la caisse… Une femme à coup sûr. L’avantage, c’est qu’il n’était pas dure de faire la différence entre un homme et une femme même si les silhouettes n’étaient pas extrêmement précise. Il répondit malgré tout à la question d’Aaron.

- Un troisième œil sur le front. Non pas du tout ! Heureusement, bonjour la discrétion sinon. Mon troisième œil, c’est plutôt… une autre façon de voir les choses. Je peux voir ce que personne ne peut voir en temps normal. Savoir tout ce qui peut se passer autour de moi, et même connaître les pires secrets des gens.

Un petit sourire amusé, il aurait pu simplement répondre à la question en disant qu’il pouvait voir le passé. Mais ce n’était pas drôle. Une seconde question, Sam resta plus évasifs.

- Que ça me plaise ou non, ce n’est pas le problème. Je voudrais simplement que certaines personnes prennent leurs responsabilités.

Est-ce que Sam leur ferait payer… Assurément. Mais le sujet n’était pas là et il annonça sa trouvaille avant de rire à la réaction du jeune homme. Tout le monde est gentil ? Non, ça n’existe pas, nulle part. Samuel était bien placé pour le savoir. Cependant, tout pouvait être nuancé. Il hocha la tête avec un air sérieux lorsqu’Aaron lui demanda de confirmer s’il était sûr de lui. Puis une fois devant le fait accompli, Samuel observa la vidéo et la silhouette encore présente lorsqu’il activa son pouvoir. Un détail l’interpella en voyant une photo des membres du personnel un peu plus loin et il se leva pour observer la silhouette de plus près. Elle semblait plus… épaisse que sur la photo. Sam hésita avant de fournir un début d’explication… Une paye de barmaid peut ne pas suffire pour préparer l’arrivée d’un enfant ? Visiblement, Aaron semblait certain que ce n’était pas son genre de voler comme ça. Samuel lâcha d’une voix calme.

- Peut-être que… tu ferais mieux d’en parler avec elle avant. Je suppose que le fais qu’elle soit enceinte puisse avoir son importance dans tout ça. Tout le monde n’est pas forcément gentil au fond… mais tout le monde a aussi besoin d’une raison pour voler. Donne-lui sa chance, car sinon, elle se fera viré. Enfin, je ne connais pas votre patron, mais en tout cas, le vol n’est pas souvent acceptable lorsqu’on le commet à l’endroit où on travaille.

Il sourit avant d’accepter la proposition d’Aaron concernant le fait d’aller à l’hôtel ensemble… Enfin, qu’il l’accompagne… pas plus. Samuel avait aussi précisé qu’il ne savait pas réparer les ordis, sans vraiment ajouter qu’il savait seulement les craquer. Il proposa d’une voix calme.

- Bon, je finis mon verre et on y va alors. Ne te prends pas trop la tête avec cette histoire pour l’instant. Parles-en avec elle la prochaine fois et t’aura qu’à aviser en fonction de la réponse. Sinon, tu peux aussi effacer l’enregistrement…

Aux mots de Samuel, le chaton se sentit soudainement blêmir. Il pouvait vraiment connaître les pires secrets des gens avec ce fameux « troisième œil » ? Pour de vrai ? Alors… Est-ce qu’il pouvait savoir que le chaton avait sombré dans la drogue et l’alcool et qu’il avait mis des années à s’en remettre ? Qu’il n’avait longtemps été qu’une loque de qui on profitait ? Non… Si c’était vraiment le cas, alors avouer qu’il était gay n’avait plus rien d’effrayant ! Samuel allait forcément prendre la poudre d’escampette s’il découvrait la vérité sur son passé ! Dire que le chaton était venu à Banchisa pour fuir son passé… Ca n’aurait peut-être pas duré bien longtemps finalement…

« V-Vous pouvez vraiment tout voir ? J-Je… Je sais que vous n’avez aucune raison d’accepter, mais est-ce que vous pourriez ne pas utiliser votre troisième œil magique sur moi ? J-Je… C-C’est que je suis venu à Banchisa pour reprendre à zéro, a-alors ça m’arrangerait que personne ne sache ce que j’ai pu faire avant d’arriver ici… »

Impossible que Samuel refuse, pas avec cet air affreusement adorable de chien battu qu’Aaron lui offrait ! L’Anglais ne savait pas trop bien pourquoi son client du soir était venu jusqu’ici, mais ils étaient tous les deux des étrangers et ils cherchaient visiblement tous les deux quelque chose sur cette île. Comme une sorte de rédemption, même si leurs chemins semblaient très différents.

« Je ne comprends pas bien ce que vous recherchez, mais j’espère très sincèrement que vous atteindrez votre but. E-Et… Que ces personnes prendront leurs responsabilités. »

Aaron ne comprenait vraiment pas, c’était beaucoup trop obscur pour lui. Est-ce que Samuel était là en quête de vengeance ?

Le chaton n’eut malheureusement pas le loisir de se questionner davantage sur les raisons de la venue de son client à Banchisa, puisque ce dernier usa de son pouvoir afin de dévoiler au serveur qu’une de ses collègues se servait visiblement dans la caisse. Aaron en tomba des nues, d’autant plus lorsqu’il constata, sur la vidéo de surveillance, qu’il s’agissait de la si douce et adorable Giulia. Comment c’était possible ? Le chaton était en pleine panique, ne comprenant pas ce qui avait pu lui prendre et redoutant d’avance le savon qu’elle risquait de se prendre par le patron. Heureusement que Samuel, lui, était bien plus calme et qu’il trouva sans doute la raison pour laquelle sa chère collègue avait piqué quelques billets dans la caisse.

« Quoi ?! Enceinte ?! Mais ! Je n’étais même pas au courant ! Et je n’avais même pas remarqué ! Mon dieu, tout s’explique ! Le patron est quelqu’un de formidable, mais c’est vrai que la paye n’est pas très élevée. Mais quand même… Voler le patron comme ça… Aaaah Giulia… »

Et voilà, Aaron était en train de pleurer en imaginant dans quelle situation compliquée sa pauvre collègue devait se trouver. Lui avait déjà du mal à payer son loyer et ses courses, alors qu’il vivait seul dans un appartement miteux avec un matelas pour seul « meuble », alors il n’imaginait même pas à quel point ça devait être difficile pour la future maman. Le chaton sécha bien vite ses larmes en reniflant bruyamment quand Samuel essaya de le calmer.

« Je ne suis pas d’accord avec vous, pour moi, tout le monde a du bon en lui, même si parfois, les gens font des mauvais choix. Je ne savais pas du tout que Giulia était en difficulté, je me sens affreusement nul de ne pas l’avoir remarqué… Bien évidemment, je ne vais rien dire au patron ! Et s’il le faut, je suis même prêt à lui donner la moitié de mon salaire si ça peut lui éviter de voler dans la caisse ! Pauvre Giulia… »

Trop bon, trop con. Il était tellement facile de profiter du pauvre chaton… Il suffisait d’une histoire larmoyante qui le faisait bien culpabiliser, et le tour était joué ! Et si vous étiez vraiment convaincant, nul doute qu’il pourrait même offrir sa vie en sacrifice si ça pouvait vous aider !

« E-En tout cas, merci beaucoup pour votre troisième œil ! Sans vous, peut-être que quelqu’un d’autre aurait remarqué que Giulia volait et ça aurait pu très mal se passer. J-Je… Je ne suis pas certain de savoir comment effacer la bande, mais je sais déjà que je peux faire quelque chose pour l’aider. »

Aaron s’éloigna quelques secondes, le temps de passer par les vestiaires, puis il sortit de sa veste son maigre portefeuille. Il grimaça un peu en voyant qu’il ne lui restait plus grand-chose jusqu’à son prochain salaire, mais qu’importe. Il fourra tout ce qu’il lui restait dans la caisse avec un air déterminé. Chose faite, il retrouva vite son beau sourire, fier d’avoir pu faire une bonne action.

« Vous devez certainement aider beaucoup de gens avec votre super-pouvoir ! Vous en avez de la chance ! Moi, je n’ai rien d’aussi extraordinaire, je suis un simple serveur sans aucun don. »

Le pire, c’était que le chaton disait ça avec le sourire le plus rayonnant qui soit ! Il savait qu’il ne valait pas grand-chose et il était d’ailleurs reconnaissant envers tous ceux qui lui donnaient l’impression d’être un tout petit peu utile.

« Je vous attends en tout cas ! Dès que vous aurez fini, je n’aurai plus qu’à laver votre verre et nous pourrons partir ! J’ai déjà récupéré mes affaires aux vestiaires, il n’y aura donc plus qu’à refermer derrière nous ! En tout cas, encore merci Sam, je vous serai éternellement reconnaissant pour ce que vous avez fait pour Giulia ! »

Après ce que Sam lui avait confié sur son pouvoir, l’homme semblait un peu déboussolé et demanda assez expressément à Samuel de ne pas s’en servir sur lui. Ce qui amena le voleur à sourire de manière satisfaite. Sans le savoir, Aaron avait commis la pire des erreurs. Samuel lâcha dans un grognement amusé.

- Si tu ne veux pas que je fouille… ne m’en donne pas l’idée dans ce cas. Mais si ça peut te rassurer, je ne fais ça que si je suis certain que ça m’apportera quelque chose. Ou pour m’amuser, ça dépend de mon humeur.

La situation avança, lorsque Sam se permit d’en savoir un peu plus sur ce banal vol de fond par un employé… probablement forcé par les circonstances. C’était souvent la principale raison. Et il trouva vite le pourquoi du comment, outre le ventre de la silhouette un peu bombé… Elle avait sûrement du bien le dissimulé sous les vêtements, mais son pouvoir avait le don de rendre les vêtements un peu moins voyants. Bon, il ne voyait pas les gens nus non plus heureusement… Juste qu’il voyait bien mieux les silhouettes grâce à son don. Le jeune homme non loin de lui semblait s’en vouloir ce qui fit doucement lever les yeux au ciel.

- Pourquoi ça serait de ta faute ? C’est elle qui a volé, elle qui a pris la peine de ne pas demander d’aide et surtout elle qui semble avoir pris sur elle de ne pas montrer sa situation. À ta place, je ne me préoccuperais même pas du fait d’avoir remarqué. Maintenant, tu sais la vérité, agis simplement selon ta conscience.

Il haussa les épaules avant d’ajouter d’une voix monocorde.

- Un patron gentil… Aucun patron ne fera passer son personnels avant sa boite, aussi gentil, soit-il, il sera égoïste si la situation l’impose.

Il avait du vécu. Sam avait un sens de la justice exacerbé… Il ne supportait pas le vol qu’il qualifiait d’impropre. Certains patrons volés leurs employés ouvertement. Sam soupira avant de se retourner vers Aaron qui semblait prompt à lui donner une leçon de moral. Le jeune voleur rigola doucement avant de retrouver une voix plus détendu et venir se rasseoir.

- Tu as probablement raison, mon vécu ne m’aide pas vraiment à cerner le bien chez les gens… puis connaître leurs petits secrets non plus. Si tu veux l’aider, le meilleur moyen, c’est de ne pas balancer cette histoire a votre chef et de tacher de comprendre.

Il lui sourit doucement, autant ne pas se montrer trop désobligeant. Samuel avait tendance à oublier que tout le monde ne vivait pas du même côté de la barrière. Son sauveur d’hôtel conclu que Samuel devait aider beaucoup de gens grâce à son pouvoir. Aider ? Samuel l’observa d’un air incrédule. Non pas vraiment, enfin, il avait plus souvent utilisé son pouvoir pour se donner un bon coup de pouce dans le métier… mais aider les autres. Il avoua d’un air songeur.

- Je m’aide déjà moi-même, ce n’est pas si mal.

Puis, il rendit le verre au serveur avant de se lever pour prendre son sac de voyage sur le dos. Avouant qu’il était prêt, Samuel attendit donc que l’homme soit prêt et une fois dehors, il demanda sur un ton détendu.

- Du coup, tu vis ici depuis longtemps ?

Aaron ne put s’empêcher de déglutir difficilement aux mots de Samuel. Il ne s’était pas rendu compte qu’il avait effectivement très mal joué en demandant à son client de ne pas fouiller dans son passé. C’était typiquement le genre de phrases qui donnait justement envie de fouiner ! Non, à la place, le chaton se recroquevilla un peu sur lui-même en voyant le sourire de l’homme.

« T-Très bien alors ! Ne vous fatiguez pas avec moi, je suis parfaitement insignifiant et ça ne vous apportera rien d’autre que hum… Du temps perdu ! Voilà ! Si vous faites ça sur moi, vous allez gaspiller votre temps et votre énergie ! Ça serait quand même dommage ! Je ne mérite pas tant de considération ! »

Aaron était vraiment très doué quand il s’agissait de se dénigrer et, le pire dans tout ça, c’était qu’il pensait vraiment ce qu’il disait ! Quoi qu’il en soit, le chaton se promit de ne jamais essayer de contrarier cet homme, pour ne surtout pas lui donner envie de se venger en fouillant dans son passé !

Le chaton afficha ensuite une petite moue aux mots de Samuel. Il avait un pouvoir qui semblait formidable et qui devait aider beaucoup de gens, pourtant il semblait très froid et distant. Comment Aaron pourrait-il faire comme si de rien n’était avec sa collègue maintenant qu’il avait découvert toute la vérité ?

« C-C’est impossible… J-Je ne suis vraiment pas doué pour mentir ou jouer la comédie… Tout le monde verra qu’il se passe quelque chose de bizarre si j’essaie de faire comme si je ne savais rien… Non, je préfère aider la pauvre Giulia. Et je préfère aussi continuer à croire que mon patron est quelqu’un de bien qui comprendra la situation quand il sera au courant. »

Aaron avait soudainement affiché un air très sérieux et déterminé. Samuel pourrait lui dire tout ce qu’il voulait, le chaton ne voulait pas croire que les gens étaient mauvais, surtout pas son patron et sa collègue ! Alors il suivit son instinct et déposa l’intégralité de son maigre portefeuille dans la caisse afin de couvrir la future maman. Puis, avant de récupérer le verre de son client pour le laver, Aaron afficha une mine surprise.

« Vous vous aidez ? Comment ça ? D’ailleurs, vous ne m’avez pas dit… Qu’est-ce que vous faites dans la vie ? »

Le chaton s’empressa de laver le verre sale et de tout ranger, avant d’attraper ses affaires et inviter son client à repartir par la porte de derrière, non sans avoir reposé l’ordinateur portable défaillant de son patron sur son bureau. Les deux hommes sortirent et la question qui fusa dans le dos d’Aaron, qui était en train de fermer la porte, lui fit lâcher ses clés qui tombèrent sur le sol.

« A-Ah euuuuh… Ça va bientôt faire 5 mois si je ne dis pas de bêtises ! Ça ne fait pas si longtemps et je connais encore très mal la ville parce que j’ai tendance à me perdre facilement, mais j’aime vraiment vivre ici. »

Aaron ramassa les clés et se redressa, offrant un sourire rayonnant à Samuel. Oui, il était vraiment heureux d’avoir déménagé ici, d’avoir quitté Londres et tous ses mauvais souvenirs. Il se reconstruisait petit à petit et même si la solitude lui pesait beaucoup comme il n’avait que ses collègues de travail dans son « entourage proche », il ne retournerait pour rien au monde dans le ferry qui l’avait amené jusqu’ici quelques mois plus tôt !

« Maaaaaïïïeuuuuh… »

Le chaton, qui s’était penché vers la porte, avait réussi à se coincer une bonne grosse mèche de cheveux dans le panneau qu’il venait de verrouiller, s’en étant rendu compte au moment de se redresser pour partir. Quel pas doué sérieux !

« J-J’arrive tout de suite, désolé ! »

Aaron s’empressa de rouvrir la porte pour libérer ses cheveux et se redresser en se massant la tête avec une moue triste et des yeux larmoyants. Il en avait vraiment marre de son karma pourri…

« C’est bon ! On peut y aller ! Ça ne vous dérange pas de marcher un peu ? Je suis désolé, je n’ai pas mon permis et je n’ai aucun moyen de transport à vous proposer à part mon dos, mais euh… Sans vouloir vous vexer, je doute qu’on aille très loin si vous choisissez cette option… »

Affichant une nouvelle petite moue, Aaron désigna son corps tout sec pour faire comprendre à son interlocuteur que, même s’il n’était pas gros, lui-même n’avait juste pas du tout la carrure ni la force de porter une autre personne que lui. Après avoir refermé la porte du bar et rangé les clés bien précieusement dans une des poches de sa veste, le chaton commença à marcher tout en faisant bien attention que Samuel le suive pour ne pas se perdre.

« Est-ce qu’il y a des choses que vous aimez faire ? Peut-être que je pourrais vous recommander certains endroits ou activités ! Les clients parlent beaucoup, alors je connais plein de choses sur Banchisa ! »

Même s’il n’avait jamais eu l’occasion de vraiment visiter ou de tester les activités dont ces fameux clients parlaient !

À nouveau, Aaron insista sur le fait que ce n’était pas utile qu’il se serve de son pouvoir contre lui. Samuel avait bien compris que son interlocuteur craignait qu’il découvre des choses sur son passé. Mais chance pour lui, même si le voleur l’aurait souhaité, ça ne marchait pas comme ça et il pouvait difficilement remonter à plusieurs jours plus loin, dans le pire des cas. Ça lui coûterait trop chère en énergie d’ailleurs. Donc Sam se contenta d’un simple.

- Non, tu n’as rien à craindre sur ça. Je respecte un minimum la vie privée des autres.

Tout dépendait en réalité de qui était ses fameux autres. Samuel ne se priva pas vraiment pour certains. Il fut surpris par la suite, Aaron avait-il sérieusement mis de sa poche dans la caisse pour couvrir sa collègue ? Mais … Samuel trouva cela idiot, mais n’en fit pas part. Si ce type voulait porter les soucis des autres sur son dos. C’était son problème. De nouvelles questions fusèrent peu de temps après et Sam sourit doucement.

- Disons que je n’attends pas que les choses me tombent toute cuite dans le bec. Je tends la main pour les attraper.

Littéralement parlant. Il répondit ensuite à sa seconde question, que faisait-il dans la vie ? La réponse fut toute simple.

- Je fais l’imbécile, la plupart du temps.

Inutile de dire la vérité, puis chercher une histoire à raconter serait un peu trop long pour une personne qu’il n’était même pas sûr de recroiser un jour. Donc, inutile de se prendre la tête. Aaron lui confia qu’il n’était pas là depuis très longtemps et qu’il ne connaissait pas très bien le coin. Samuel comprit parfaitement l’effet que ça faisait. Il sourit doucement, mais avant d’avoir le temps de dire quelque chose, Aaron s’était coincé les cheveux dans la porte. Ce qui tira un petit rire au voleur qui lâcha d’une voix amusée.

- Tu n’as vraiment pas de chance toi, un vrai chat noir.

Entre ça et la poubelle tout à l’heure, ce type n'avait clairement pas un bon karma depuis sa rencontre avec Sam. Mais bon, des petits coups de malchance, ça arrivait à n’importe qui. Aaron demanda si cela ne le gênait pas qu’il y aille à pied, mais Samuel lui confirma bien rapidement que non. Puis il lui posa des questions sur ce qu’il voudrait faire dans le coin. Ou plutôt ce qu’il aime faire. Samuel avoua d’une voix un peu lasse.

- Dormir déjà, pour être honnête, je ne suis pas vraiment là pour m’amuser et le trajet depuis l’Amérique a été un peu long. Mais c’est tout de même gentil de ta part, j’y songerais et je saurais où te trouver.

Il lui sourit, puis un détail lui revint en mémoire. Samuel éclata d’un rire amusé avant de lâcher la bombe.

- D’ailleurs, t’as pensé à effacer la partie de la bande sur là camera qui te filme pendant que tu remets de l’argent dans la caisse directement de ton portefeuille ? Parce que ton patron risque de se poser des questions demain s’il regarde ça.

C’était vrai, Aaron pouvait avoir effacé la partie ou l’employer piqué dans la caisse, mais à quoi bon si derrière il faisait un truc pareil. Samuel ne put s’empêcher de se moquer gentiment de lui en avouant.

- À mon avis, tu risques d’être bon pour un retour à la case départ. Mais ton patron ne va pas t’en vouloir de lui donner de l’argent en plus. Au pire, tu pourras toujours dire, c’est l’argent de tes pourboires.

C’était sa façon de lui venir en aide, en donnant l’impression de ne pas le faire, mais en glissant des idées pour qu’il puisse s’en tirer. Samuel lui sourit en coin avant d’observer les alentours, voulant être sûr de retrouver son chemin malgré la nuit.

Aaron ne put s’empêcher de pousser un profond soupir de soulagement quand Samuel lui assura qu’il n’avait rien à craindre et qu’il respectait un minimum la vie privée des gens. OUF ! Le serveur put donc se concentrer sur autre chose et amener la discussion sur son interlocuteur. Au final, depuis le début de leur rencontre, à part lui avoir dit comment il s’appelait, il ne lui avait pas raconté grand-chose ! C’était bête, mais plus que de la curiosité malsaine, Aaron aimait beaucoup apprendre à connaître les gens ! Sauf que, pas de chance, l’homme ne semblait pas du tout enclin à parler de lui puisqu’il répondit par une plaisanterie à la question du chaton. Inutile de dire que la déception put aussitôt se lire sur le visage de l’Anglais. Bon eh bien… Si ce Samuel ne voulait pas parler de lui, alors soit, Aaron n’insisterait pas, même s’il trouvait ça vraiment dommage.

Ce fut d’ailleurs cette profonde déception qui déclencha une nouvelle maladresse alors que les deux hommes quittaient le bar, le chaton ayant réussi à se coincer les cheveux dans la porte qu’il venait de verrouiller… Le rire de son interlocuteur le fit chouiner alors qu’il rouvrait la porte pour se décoincer, le fixant ensuite avec une moue faussement boudeuse.

« Ne vous moquez pas, mais je pense vraiment que j’ai été un chat noir dans une autre vie… Il m’arrive toujours ce genre de choses… »

Aaron soupira et rangea ses clés avant de commencer à marcher en compagnie de Samuel, en direction de l’hôtel qu’il lui avait trouvé quelques instants auparavant. Le chaton lui offrit un petit sourire quand son voisin lui confia qu’il saurait où le trouver si jamais il avait besoin de recommandations pour passer du bon temps à Banchisa, mais pour l’heure, la seule chose qu’il voulait c’était se reposer.

« Oh… D’Amérique… C’est vrai que c’est loin ! Mais ça veut dire que vous aussi vous parlez anglais alors ! Ça nous fait un point commun ! Je suis anglais moi ! »

Aaron était vraiment irrécupérable à se raccrocher à des points communs aussi insignifiants et à raconter sa vie de la sorte alors que Samuel n’avait absolument rien demandé… Surtout qu’il lui avait bien fait comprendre qu’il ne comptait pas devenir son ami ! Alors oui, c’était sans doute simplement quelqu’un de passage qu’il ne reverrait jamais, mais le chaton ne pouvait pas s’empêcher de trouver dommage qu’ils n’aient pas pu échanger davantage. Foutu manie de toujours vouloir que chaque personne qu’il rencontrait fasse partie de sa vie à tout jamais !

Et puis, de toute façon, Aaron n’eut pas le loisir de penser davantage à tout ça puisque les mots de Samuel le firent se décomposer. Ouvrant grands les yeux et la bouche en plaquant ses mains un peu trop rapidement et vivement contre ses joues, le chaton se figea.

« Nooooon ! J’ai oublié de le faire ! Je n’y avais même pas pensé et comme l’ordinateur est cassé maintenant, je ne peux pas retourner là-bas pour régler le problème ! C’est terrible… Moi qui voulais aider Giulia, je vais finir par lui créer encore plus de problèmes ! »

Rhaaa quel idiot ! Il se maudissait d’être aussi nul ! Mais là, tout de suite, maintenant, il ne pouvait rien faire d’autre que de se morfondre en silence en attendant le lendemain pour connaître le dénouement de toute cette histoire. Nul doute que tout ça allait tellement le faire cogiter qu’il n’allait pas réussir à fermer l’œil de la nuit !

« Bouh… Merci beaucoup de m’avoir prévenu et pour votre idée… Je… Je ne sais pas mentir, alors je ne suis pas bien sûr de réussir à sortir une excuse pareille, mais je… Je suppose que je n’ai plus qu’à attendre demain pour savoir si quelqu’un aura remarqué quoi que ce soit… »

Aaron soupira profondément et papillonna des paupières pour éviter que ses yeux ne soient trop larmoyants.

« Et puis, c’est gentil de vous inquiéter de tout ça, mais comme vous êtes fatigué, je ne vais pas vous empêcher davantage de vous reposer. »

Le chaton offrit un petit sourire à Samuel avant de reprendre sa route, son regard étant bien plus occupé à scruter les alentours à la recherche de potentiels dangers liés à son karma qu’à regarder où il allait vraiment. Résultat, il lui fallut quelques instants pour se rendre compte qu’ils étaient passés devant l’hôtel sans même s’arrêter.

« Ah ! On l’a dépassé ! C’était juste avant, désolé ! »

Aaron se mit pile devant Samuel en bougeant les bras dans tous les sens pour lui barrer la route et l’inviter à repartir en sens inverse. Il ne leur fallut pas marcher plus de quelques mètres pour finalement arriver à destination, le chaton affichant alors un grand sourire fier.

« Et voilà, c’est ici ! J’espère vraiment que j’ai bien choisi et que vous passerez une bonne première nuit à Banchisa ! Reposez-vous bien et euh… N’hésitez pas à repasser au bar si jamais vous avez besoin de quelques recommandations surtout. Et merci encore une fois pour votre aide ! Je suis sûre que Giulia vous en sera reconnaissante, elle aussi ! »

L’Anglais se décala pour laisser la voie libre à Samuel afin qu’il entre dans le bâtiment. Il attendit ensuite que l’homme disparaisse derrière la porte pour soupirer profondément et tourner les talons, les épaules voûtées et le visage dépité. Aaron était épuisé et il sentait qu’il le serait d’autant plus le lendemain, quand il devrait retourner travailler… Dans quelle galère avait-il réussi à se mettre encore ?!

Autant dire que Sam avait bien fait de lui rappeler l’oublie qu’il avait eue. Déjà que ce type ne semblait pas être un grand chanceux de base, si en plus il se tirait une balle dans le pied. Mais bon, si l’ordi était cassé, peut-être que l’enregistrement ne prendrait pas. Quoi qu’il en soit, Samuel avait jugé bon d’en informer Aaron afin qu’il prenne les dispositions pour éviter de se faire prendre.

Mais ce dernier semblait un peu trop honnête pour le coup. Samuel se retint de soupirer et accepta sa décision. Peut-être que même qu’il avait raison sur un point, on oublierait cette histoire et son patron ne serait sûrement pas aussi prudent sur ce point.

- Oui, tu as sûrement raison, ce n’est pas impossible qu’il ne vérifie pas tout court. Mais il faudra en parler à ta collègue, perdre son boulot pour quelque sous en plus… je ne sais pas si ça vaut le coup. Cependant, si je peux me permettre un conseil, ne t’engage pas trop dans ce genre d’histoire. Porte ton fardeau déjà, c’est déjà suffisamment, ne va pas t’attirer des ennuis.

Samuel sourit cependant en constatant rapidement l’erreur de son ami lorsque ce dernier lui confia qu’ils avaient trop avancé. Décidément, on n’avait pas vraiment le temps de s’ennuyer avec lui. Mais d’une certaine façon, Sam devait admettre qu’il ressentait une certaine sympathie pour ce type, même si ça faisait peu qu’ils connaissaient.

Peut-être que l’innocence dont il faisait preuve lui semblait vraiment rare et il était content de pouvoir encore en voir même ici. Le jeune homme quoi en soit marqua le coup en lâchant d’une voix faussement contrariée.

- Heureusement que tu m’a pas traîné jusqu’à un love hôtel, ça n’aurait pas fait très sérieux tout ça. Franchement, je t’enlève une étoile pour le service touristique.

Ce n’était qu’une blague, mais au fond, il lui aurait vraiment retiré cette étroite. Il rehaussa le sac sur son dos et le suivit en souriant avec amusement. Entre se faire passer pour un cannibale puis ensuite pour un pilleur de secret, Samuel s’était amusé sur ce coup-là. Mais tout avait une fin et le barman lui confia que s’il avait besoin à nouveau pour découvrir la ville, Samuel n’aurait qu’à faire appel à lui. Il rigola et lâcha.

- Je veux ! Si tu veux récupérer ton étoile, tu as plutôt intérêt à te rattraper. Puis de toute façon, je saurais te trouver… si tu ne te fais pas virer entre temps.

Le jeune homme lui fit un sourire taquin avant de rire.

- Mais je plaisante, merci de m’avoir aidé pour ce soir. Je vais sûrement te faire signe oui, on sait jamais Banchisa à l’air grande, je ne cracherais pas sur une visite quand j’aurais trouvé un appart. Allé rentrer bien et merci encore.

Samuel n’était pas vraiment très sentimental dans le genre, quand il disait au revoir, c’était pour se retourner et s’en aller. Cette fois ne faisait pas exception, mais il garderait en tête cette proposition nonchalamment lancée. Aaron ne savait pas que ce n’était clairement pas tomber dans l’oreille dans un sourd.